Chapitre 41 : Le service

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Tandis que Gwendoline vient de quitter la mère et le beau-père d’Erwann, avec lesquels elle était en grande conversation depuis le départ de son compagnon, Manuella la rejoint.

— Où est Rambo ? demande son amie, complètement essoufflée.

— Erwann ? Je ne sais pas.

Embarqué par Richard, Erwann s’était excusé de devoir l’abandonner quelques minutes, prétextant un petit souci à régler. Mais vu la vitesse à laquelle il s’était éclipsé, elle doute que le souci soit si petit que ça. Pour autant, elle a préféré ne rien ajouter pour ne pas envenimer les choses, convaincue qu’elle saura bien assez vite de quoi il s’agit.

— La dernière fois que je l’ai vu, il partait avec Bud. J’allais me poser dehors sur un transat. Tu viens avec moi ?

Maintenant que Mama et Yvonnick sont allés discuter avec des gens de leur connaissance, Gwendoline souhaite s’éloigner du bruit et de l’agitation. Mais l’état de surexcitation de Manuella, qui vient de l’alpaguer comme une marchande de poisson, lui fait rapidement comprendre que son projet de détente va tomber à l’eau.

— Ok, je te suis. Faut vraiment que je te parle.

— Un problème ? demande Gwendoline lorsque sa meilleure amie la pousse davantage à l’écart de la foule.

Inquiète, elle s’interroge. Que lui vaut ce comportement paniqué ? Toute tremblante, son amie a l’air d’avoir vu un fantôme. Ou un revenant.

— Où est Emma ? s’enquiert Manuella, avant d’attaquer dans le vif du sujet.

Désireuse d’échanger en privé, même si elle adore sa « nièce », Manuella ne veut pas parler de tout devant elle. Gwendoline lui répond que sa fille est avec des gamines de son âge, venues à la soirée avec leurs parents. Elle ajoute qu’elles sont au bord de la piscine, en train de discuter.

— J’ai pas compris le principe de cette soirée, reprend Manuella, qui change encore de sujet. C’est un truc familial ou une soirée de débauche pour les jeunes ?

— Je crois que Bud n’a pas réussi à le déterminer en préparant les festivités. C’est entre les deux, selon l’endroit où tu te situes.

— Tu veux que je garde un œil sur Emma ?

— Non, laisse-la s’amuser. Elle est assez grande pour nous prévenir en cas de problème, ne t’inquiète pas.

— Bon, ça m’arrange, j’ai vraiment besoin de te parler seule à seule.

L’attitude de Manuella, visiblement toute tourneboulée, éveille vraiment sa curiosité. Gwendoline attend de découvrir la source de son état, de plus en plus étrange. Sous ses yeux interloqués, sa comparse, fébrile, se tord les mains en cherchant la meilleure façon de présenter les choses.

Il faut dire qu’elle-même ne comprend pas du tout ce qui lui arrive. Manuella a souvent eu des coups de cœur dans sa vie, mais à force de souffrir, celui-ci avait fini par se ratatiner au point de ne plus réussir à s’extasier pour quoi que ce soit. Cela lui a d’ailleurs souvent donné le sentiment de devenir aigrie et constamment insatisfaite. Or, là, ce qu’elle a vécu tient du miracle. La vision, aussi furtive que déroutante, de cet inconnu, l’a complètement laissée retournée. Elle se sent vibrer de toutes les parcelles de son corps, électrisée de la tête aux pieds. Émue au point d’en perdre la parole, elle parvient cependant enfin à s’en ouvrir à sa meilleure amie :

— Je viens de croiser la route de celui que je considère déjà comme le futur homme de ma vie.

Gwendoline ouvre de grands yeux intrigués.

— Plaît-il ?

Ah bah celle-là, elle ne s’y attendait pas !

— Je te jure, Gwen. Ce mec est... à couper le souffle.

— D’accord, mais c’est qui ? Montre-le-moi.

— Je ne peux pas, il s’est volatilisé ! J’étais tranquillement en train de parler à Richard quand il a fait son apparition. Mais à peine était-il arrivé que Bud lui a sauté dessus en me disant qu’il était « la pièce manquante de leur trio », en parlant d’Erwann et lui. J’ai rien pigé et, depuis, je ne les trouve plus. Voilà pourquoi je te demandais où est Rambo. J’ai eu beau fouiller tous les recoins de cette foutue baraque, je n’arrive pas à remettre la main dessus. Tu crois que c’était un mirage ? Tu crois que j’ai des hallucinations ? Il y a quoi dans ces foutus cocktails ?

Disant cela, elle renifle le contenu de son verre, à la recherche de la preuve irréfutable qu’elle a été ensorcelée. Mais Gwendoline sait déjà que ce n’est pas la berlue qui a fait buguer son amie. Elle connaît l’aura des tatoueurs, et motards qui plus est, et celui-ci étant les deux, il n’échappe pas à la règle.

La pièce manquante de leur trio, se répète-t-elle mentalement. Il n’y a pas cinquante personnes qui correspondent à cette description. Il ne peut s’agir que de Quentin. Voilà pourquoi Erwann paraissait si ennuyé quand il l’a abandonnée avec ses parents, le regard plein de culpabilité. Encore un problème à gérer ! Cette soirée devient de plus en plus compliquée... Gwendoline a déjà parlé de Quentin à Manuella, par le passé et, de mémoire, elle l’a vraiment descendu en flèche, remontée qu’elle était face à son attitude agressive. En revanche, elle n’a pas évoqué sa convalescence chez Erwann, suite à une grosse beuverie après laquelle le tatoueur a frôlé le coma éthylique. Dans quel état est-il arrivé ce soir ? Tient-il encore sur ses jambes ? Va-t-il leur refaire son sketch de la dernière fois ?

Devant le mutisme de sa meilleure amie, Manuella s’impatiente :

— Ben alors ! Dis-moi c’est qui !

— Le mec qui t’a plu, décris-le-moi s’il te plaît.

— Brun, grand, presque aussi grand que Rambo, des yeux bleus, très bleus. Crâne rasé et tatouages. Il portait un casque au bras et une veste de motard, comme celle d’Anthony.

Gwendoline se mord la lèvre.

— Il avait l’air bourré ? Dans quel état était-il ?

— Bourré ? Non, pas du tout. Il avait l’air normal. Pourquoi cette question ?

— Parce que le mec que tu me décris, c’est Quentin, à priori. Je ne vois pas qui d’autre. Où sont-ils à présent ?

— Ben c’est ce que j’aimerais savoir ! Mais impossible de les retrouver, ils ont disparu de la circulation.

Gwendoline relève la tête, désignant quelque chose par-dessus l’épaule de sa comparse.

— Attends, je vois Bud là-bas. Mais il a l’air seul. Erwann et Quentin sont sûrement encore ensemble. Peut-être qu’Erwann est en train de lui dire qu’il ne peut pas rester à sa soirée car je suis là aussi.

— Pourquoi ferait-il ça ? s’insurge Manuella, dépitée. Je ne veux pas qu’il parte, moi !

— Quentin et moi, ça ne passe pas. Erwann veut toujours me protéger. Il pense peut-être que...

— Nan ! Va-lui parler, assène Manuella.

Elle lui saisit les deux épaules et la secoue comme un prunier.

— À qui ? rétorque Gwendoline en se laissant manipuler.

— À Bud.

— Mais tu veux que je lui dise quoi ?

— Que tu adores Quentin et que tu veux qu’il reste et que, que, eh bien voilà, c’est déjà pas mal ! Il faut qu’il reste. Dis à Bud qu’il doit dire à Erwann que Quentin doit rester.

— Okay, okay mais...

— Vas-y, Gwen, je ne plaisante pas. Je rejoins Emma pendant ce temps-là. Débrouille-toi pour qu’Erwann lui demande de dormir ici.

Gwendoline éclate de rire. La détermination de son amie est sans faille, elle le lit dans ses yeux bleus. La situation lui semble soudain plus amusante que préoccupante. Après tout, si Manuella est tombée sous le charme, malgré sa rancune envers le tatoueur, qui est-elle pour s’y opposer ? Si deux personnes peuvent avoir des affinités, c’est bien ces deux-là, Gwendoline l’a toujours pensé. Elle accepte de relever le défi et demande à Manuella de patienter, car en plus de sa mission pour sa meilleure amie, elle comptait de toute façon parler à Richard de sa découverte. Une découverte qu’elle ne partage pas encore avec Manuella, voulant d’abord s’assurer de ne pas s’être fourvoyée.

C’est donc en lui promettant de faire le nécessaire pour que Quentin reste à la soirée qu’elle la quitte. Cette soirée riche en surprises commence à devenir très marrante. Un sourire aux lèvres, elle se dirige vers Richard, qui vient à peine de s’asseoir seul au bar de la cuisine, un verre à la main. De son œil inquisiteur, elle observe la direction vers laquelle le regard de Richard est tourné, et découvre Anthony dans son champ de vision.

Alors, toi, mon coco, je ne vais pas te louper. Tu vas me le cracher le morceau.

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