Chapitre 47 : La paix

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Quentin fend la foule de son pas mal assuré, le cœur cognant dans sa poitrine. Il se dirige droit vers les deux femmes, en pleine discussion animée. Une gamine est blottie dans les bras de Gwendoline. Il suppose que c’est sa fille, dont Erwann lui a déjà parlé. Face à elles se trouve la belle brune aux yeux bleus, dont Erwann lui a presque fait la promotion comme un vendeur immobilier.

Mais Quentin n’a pas encore la tête à ça. Ce qu’il désire avant tout, c’est présenter ses excuses et effacer la lourde ardoise de ses conneries lorsqu’il était constamment sous l’emprise de l’alcool. Il a le trac mais ne veut pas repousser l’échéance, préférant se débarrasser de suite des choses désagréables. Erwann lui a déjà pardonné, mais qu’en sera-t-il de sa compagne ? Peu importe, il est prêt à tout pour pouvoir à nouveau se regarder dans la glace.

Arrivé à la hauteur des trois personnes, il les salue. Gwendoline, surprise de le voir se tenir devant elles, affiche un visage étonné, avant de se reprendre, et de lui présenter sa fille et sa meilleure amie. Quentin les salue. Tandis qu’Emma offre un sourire discret en retour, Manuella, quant à elle, devient cramoisie et aphone. Sa meilleure amie lui vient en aide :

— Quentin est tatoueur et motard. Toi qui aimes les deux, vous auriez sûrement des choses à partager.

Aussitôt, Gwendoline se rend compte de la lourdeur de sa phrase et regrette déjà son intervention. D’ailleurs, mis à part un vague signe de la tête de la part de Manuella et la même chose du côté de Quentin, sa remarque tombe à plat.

Ne travaille jamais dans une agence matrimoniale, espèce de sotte ! Tu es archi-nulle.

Heureusement pour Gwendoline, qui ne sait pas comment rattraper sa bourde, Quentin prend la parole, d’une voix posée qu’elle ne lui connaissait pas :

— Gwen, excuse-moi de te déranger en pleine discussion avec ton amie et ta fille, mais j’aimerais te parler si possible.

Étonnée, elle acquiesce à sa requête et explique à sa fille qu’elle revient. Manuella, retrouvant enfin sa voix, lui assure qu’elle reste avec elle en son absence et annonce qu’elles vont aller du côté du buffet pour se resservir du dessert. Tandis que Manuella et Emma s’éclipsent, Quentin et Gwendoline prennent la direction opposée, vers un endroit plus calme, déserté momentanément par les invités.

— Tu sais peut-être déjà pourquoi je voulais te parler, introduit-il en s’asseyant.

Deux possibilités au choix, pense-t-elle pour elle-même. Ma copine ultra-gaulée t’intéresse et tu vas me demander comment la pécho. Ou tu vas évoquer notre passé commun et là, ça va vite me gonfler. Gwendoline manque de rougir en repensant à l’idée qu’elle a un jour branlé ce type, qui se tient désormais devant elle, aussi timide qu’un enfant impressionné. Erwann a déjà remboursé à Quentin les cent euros qu’il avait déboursé lors de cette rencontre tarifée, afin de régler leurs comptes et tirer un trait sur le passé. Elle aurait aimé ne pas revenir dessus mais, venant d’accepter cette entrevue, elle doit s’attendre à tout. Désormais, l’attitude grave de Quentin a éveillé sa curiosité et elle attend fébrilement qu’il lui dise ce qu’il a sur le cœur et qui semble tant lui peser.

— Je tenais bien sûr à m’excuser d’avoir été un bel enfoiré avec toi. Depuis le premier jour, je ne t’ai pas laissé la moindre chance. Je t’avais condamnée avant même que tu puisses te défendre et je n’en suis pas fier. Je pourrais te dire que c’est la faute de l’alcool mais c’est moi qui buvais donc cela restait de ma responsabilité.

— Je t’assure que pour ma part, le passé c’est le passé. On peut tourner la page. Certes, il y a eu des mots de part et d’autre, mais on est assez grands pour comprendre que cela ne sert plus à rien de continuer cette petite guéguerre. Il est temps de passer à autre chose, pour le bien d’Erwann, pour commencer, et le nôtre ensuite, car je n’ai pas envie de cultiver de ressentiment à ton égard. Je ne te connais pas et tu ne me connais pas non plus, mais on peut y remédier et apprendre à s’apprécier.

Quentin valide ses propos, la remerciant et s’excusant à nouveau. Il lui confie aussi qu’il a beaucoup apprécié son soutien, même déguisé, lors de sa convalescence chez Erwann. Il se souvient vaguement de sa présence à ses côtés, lorsqu’elle le surveillait pour ne pas qu’il s’étouffe en cas de régurgitation. Même si cela reste flou, il se rappelle l’avoir sentie lui poser des linges humides sur le front, et avoir passer sa main froide sur sa peau brûlante. Il savait que c’était elle, à sa voix, bien sûr, mais aussi grâce à sa douceur et à sa tendresse. Il s’était senti apaisé par sa présence et par cette surveillance rapprochée.

— Pourtant, je n’ai pas été que tendre avec toi, objecte-t-elle en souriant devant ses louanges.

— Je sais. Néanmoins, au vu de la situation, tu as quand même fait preuve de bonté, de générosité, et je t’en suis reconnaissant. Je me souviens de ta voix me disant que la vie n’était pas censée être aussi dure et que je devais croire que les choses allaient s’améliorer.

Il explique que ces réminiscences sont lointaines, plutôt floues, mais néanmoins bien ancrées dans son esprit. Il s’en est servi pour avancer, pour ne pas replonger, tout comme il l’a fait de l’aide d’Erwann. Tout cela avait contribué à lui donner la force de remonter la pente et de se faire prendre en charge. Ça, en plus de son fils, bien évidemment, comme il le lui précise, un sourire éclairant aussitôt son visage désormais en pleine santé.

— Les enfants sont nos premiers sauveurs, confirme-t-elle, aussi émue que lui.

— Ta fille ne te ressemble pas beaucoup physiquement, mais on lit la même force de caractère et la même détermination dans son regard.

— Les chiens ne font pas des chats.

Ils se sourient, conscients, après ces quelques échanges, qu’une possible complicité peut s’installer entre eux.

— Je suis contente que tu ailles mieux.

— Merci. Je suis ravi qu’Erwann t’ait rencontrée. Vous vous êtes bien trouvés tous les deux. J’aimerais avoir la chance de croiser la route de quelqu’un qui me regardera comme tu le regardes.

Elle lui tend son avant-bras et lui montre un de ses tatouages, l’invitant à le lire à haute voix. Connaisseur, il détaille d’abord le dessin, précisant que le travail est propre et bien fait, puis s’exécute :

— « Demande et tu recevras ».

Il fait une pause et réfléchit, avant de poursuivre :

— C’est aussi simple que ça ?

— Je crois que la vie est plus simple que ce que l’on s’imagine, oui. Les humains aiment bien se la compliquer. Bien sûr, c’est un peu plus subtil dans la réalité, mais puisque tu espères que l’amour frappe à ta porte, je n’ai qu’un modeste conseil à te donner : demande-le en ayant la certitude d’être exaucé et tu pourrais être surpris de ce que la vie te réserve...

— Manuella est célibataire si j’ai bien compris...

Gwendoline lui sourit. Elle pourrait faire l’éloge de sa meilleure amie, lui dire qu’elle a beaucoup souffert et qu’elle attend le prince charmant, celui qui saura lui apporter autant que ce qu’elle a à offrir, mais elle sent que cela serait bien inutile. Parfois, la magie opère toute seule, sans l’aide de quiconque. S’il y a bien quelque chose que Gwendoline a retenu de ses déconvenues, c’est que l’Univers est profondément bienveillant et généreux. Il suffit de se laisser guider, le cœur ouvert, pour pouvoir en profiter. Et entre ces deux-là, il a l’air d’y avoir une attraction irrésistible, qui semble les pousser l’un vers l’autre.

— Elle mérite le meilleur, tu sais. Traite-la comme une princesse et tu seras son prince.

— C’est comme ça qu’Erwann t’a séduite ?

Elle rougit, repensant aux belles manières qu’il a affichées dès leur première rencontre. Cette déférence innée, cette élégance naturelle, voilà ce qui l’a charmée avant tout autre chose.

— Erwann m’a fait me sentir comme une personne précieuse, à part, unique... Il m’a valorisée et respectée... C’est ainsi que je suis tombée amoureuse de lui. Aucun homme avant lui ne m’avait offert cela. Manuella est une femme forte et indépendante, elle ne recherche pas quelqu’un pour l’entretenir, ni un plan d’un soir, bien évidemment. Ce dont elle a réellement besoin, c’est de rêver. Si tu arrives à la faire rêver, tu seras un homme chanceux.

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