Chapitre 24
Ecrit en écoutant notamment : Phaxe – The Collective [Trance]
Ce mercredi, je me décide enfin à passer à l’action, d’autant plus que ce soir, Morgan pourra me conseiller sur la suite des opérations.
Sachant pertinemment qu’il faut absolument éviter que les amis d’Alexandre s’aperçoivent qu’on s'entretient tous les deux, j'estime que la solution consistant à partir en dernier de la salle de classe à la pause de 10h n'est pas la plus mauvaise. Vingt minutes avant la sonnerie, je lui envoie alors discrètement un message pour lui faire part de mon idée.
Pendant ce temps-là, le prof de maths cherche désespérément un volontaire pour aller corriger un exercice sur les intégrales au tableau, et remarquant que je semble absorbé par mon téléphone, il semble prendre un malin plaisir à me désigner ‘totalement au hasard’ selon ses dires :
— M. Michaël Hincker, cette pauvre fonction n’attend plus que vous vous occupiez gentiment d’elle ! Allez, debout, et faites preuve de promptitude !
Je monte sur l'estrade, sûr de moi, remplis la moitié du tableau en toute improvisation, et lorsque je me tourne vers la classe pour fournir quelques explications, je cherche à attraper le regard d’Alexandre pour tenter de savoir s’il est déjà au courant.
J’explique en même temps mes calculs avec un grand sourire peu académique, ayant ce beau mec en plein milieu de mon champ de vision. Je dévisage rapidement le prof, apparemment surpris par mon talent, mais surtout par mon supposé enthousiasme pour sa matière ! Il faut bien admettre que les courbes du dos et des fesses d’Alexandre m’intéressent sensiblement plus que celle décrite par la fonction exponentielle…
C’est à ce moment-là, en refaisant à nouveau face à la classe, qu'Alexandre me gratifie d'un petit sourire en coin, avant de se prendre un coup de coude de la part de son voisin de droite. Pourvu que le stupide Victor, qui lui somnole à sa gauche, n’ait pas remarqué notre petit jeu…
Alors que je retourne à ma place, le prof acquiesçant de manière relativement frustrée dans ma direction, la sonnerie retentit enfin. Il faut moins de temps que je l’eût espéré pour que la salle se vide de tous ses occupants - y compris le prof -, apparemment bien décidés à ne pas arriver les derniers chez le vendeur de croissants ou devant la machine à café.
Malheureusement, Alexandre semble tout aussi pressé de quitter le cours... Contrarié, j’entreprends alors nonchalamment de ranger mes affaires, et en la quittant, je balaie la salle d’un regard pour vérifier que je n’ai rien oublié. Moi non, mais il y a ce portefeuille sur ce qu’il me semble avoir été la table … d’Alexandre.
Alors que je m’apprête à aller le chercher pour vérifier l’identité de son propriétaire et aller le lui rendre, j’entends dans mon dos une voix enjouée cette fois bien connue :
— Voilà, j’ai dit à mes potes que j’avais oublié mon portefeuille, on a enfin deux minutes seuls ensemble !
— Euh… oui, bafouillé-je sans conviction.
— Bon si t’es là, c’est que t’as vu mon message… et qu’il ne t’a pas laissé insensible ! Et mon physique non plus, vu tes regards ! termine-t-il avec malice, un début de sourire prenant naissance depuis l'extrémité de ses lèvres.
— Non, non, t’as raison, même doublement raison…, dis-je en perdant le peu d’assurance qu’il me reste.
J’essaye de me concentrer sur les divers conseils prodigués par Morgan il y a quelques jours, mais les regards enflammés qu’Alexandre me lance sans interruption et le sourire presque carnassier qui orne désormais son beau visage aux traits marqués me font perdre tous mes moyens. Il rajoute :
— Et donc, mon beau, on se voit dimanche chez moi ? On sera tranquille, il n'y aura personne.
Ne me laissant même pas le temps de réfléchir à une quelconque réponse, il passe devant moi en laissant traîner sa main furtivement sur mon entrejambe, et sort aussi vite de la salle qu’il y était entré, me faisant un clin d’œil qui me fait comprendre qu’il aimerait bien que j’accepte son invitation.
Je reste en plan quelques dizaines de secondes dans la salle, à essayer de faire le point. Il paraissait remarquablement sûr de lui à l'instant, contrairement à ces derniers jours… Peut-être que son comportement avait comme seul but de m’attendrir, tout comme sa déclaration ? Je nage dans l’incompréhension totale quant aux sentiments qu’il peut bien me porter. Veut-il finalement juste s’amuser ? Malgré un certain manque d’assurance à combler de toute urgence, et l’impression de m’aventurer dans l’inconnu, je ressens une profonde curiosité à l’idée d’approfondir les débats.
En fin d’après-midi, je sors du lycée et vais rejoindre mon bus avec une drôle d'appréhension grisante. Il va falloir que je relate ma pause de 10 heures à Morgan ce soir ; je suis certain qu’il me donnera les conseils adéquats !
Comme d’habitude, nous partons avec mon frère à vélo à travers les champs afin de rejoindre le stade de notre club pour l’entraînement de ce soir. Il commence à être habitué à ce que je sois pressé d’arriver, et me crie : « C’est bon, ne m'attends pas, va rejoindre ton Morgan ! », alors que j’avais tout juste ajouté quelques dents pour accélérer.
J’arrive finalement dix minutes en avance, distinguant vaguement Nathan qui se traîne loin derrière. Pour mon plus grand plaisir, Morgan est déjà là, appuyé contre la rambarde du terrain, occupé à nouer ses lacets.
— Ah, t’es incorrigible, j’étais sûr que tu viendrais largement en avance !
— Et toi donc ? répliqué-je, ne me dis pas que t’es arrivé plus tôt pour faire quelques tours de terrain en plus ! Non, plus sérieusement, faut que je te parle, tu sais, par rapport à Alexandre…
Mon idée est de me montrer un peu réticent à m’engager trop rapidement, malgré mon intuition. S’il me conseille tout de même de foncer, cela confirmera d’autant plus mes impressions.
— Tiens donc, je ne m’y attendais absolument pas ! Le rapprochement avance ? T’as peur qu’il te pourfende de sa hache ?
Je suis passablement gêné par cette allusion peu élégante et me contorsionne les doigts d’embarras :
— Non, non, on n’en est pas encore là. Mais ça risque de ne pas beaucoup tarder, moi je trouve ça un peu rapide, tu ne penses pas ?
— Bah non, pas du tout, moi, quand je tiens une belle fille, j’attends rarement plus d’une semaine ! Enfin, toi, t’es... toi ! Et puis si c’est ton premier mec... Mais t’as tout à fait le droit de te laisser aller ! conclut-il amusé, alors que deux de nos coéquipiers s'approchent pour nous saluer.
C’est décidé, faisons confiance à Morgan, j’irai bien chez Alexandre dimanche, il faudra que je le lui confirme ! Même si je me sens plus attiré par son physique que par sa personne, il faut bien se jeter à l’eau un jour ou l’autre !
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