Chapitre 35
Ecrit en écoutant notamment : Malice – Drop ‘Em Down [Hardstyle]
Samedi matin, je me lève assez tôt, et suis étonnamment rejoint par mon frère, qui a pourtant l’habitude de démarrer - et finir - sa journée quelques heures plus tard que moi. Nous nous installons devant la télé pour déjeuner, bien qu’il n’y ait rien de très intellectuel à se mettre sous la dent à cette heure-là. Nous beurrons tour à tour une tranche de pain pendant qu’une présentatrice vante les mérites insoupçonnés d’un nouveau fer à repasser révolutionnaire avec une passion débordante.
Nathan zappe et marmonne la bouche pleine:
— T’as vu le message de l’entraîneur, le match de samedi prochain est avancé à mercredi ! Apparemment, ils n’ont pas assez de joueurs disponibles en face, sinon…
— Ah, d’accord… réponds-je sans grande conviction.
Il faut dire que je suis plutôt occupé à penser à la journée qui se profile. Je me sens magnifiquement bien, mais j’ai un peu peur de ne pas trop savoir comment m’y prendre avec Morgan. Et même s’il est beaucoup moins timide que moi, comme c’est aussi le premier mec avec qui il sort, ce n’est pas sûr que ça soit lui qui prenne les choses en mains.
Mon frère, ayant peut-être remarqué mes absences, me relance :
— Et donc, qu’est-ce que tu fais ce matin ? Moi je pense que je vais aller me recoucher, j’espère que ces saloperies de corbeaux qui m’ont réveillé en ont fini avec leurs croassements lugubres. Après, je vais sûrement aller voir des potes en ville.
Sachant que j'espère bien pouvoir lui dire un jour où l’autre que je sors avec Morgan, je préfère préparer très progressivement le terrain de manière naturelle :
— Je vais voir Morgan, on va trav…
— Lequel ?
— Derrieux, notre nouveau milieu de terrain.
— Ah oui, ce bellâtre… c’est marrant, c’est vraiment le grand amour entre vous deux, on dirait !
Évidemment, je m’attendais à une petite raillerie, mais suis vexé qu’il ne se situe pas un peu plus haut dans l’estime de mon frère.
— Ah aussi, avant que tu partes, j’ai une idée qui m’est venue pour le week-end prochain, tu sais, quand on sera seuls avec les cousins. On pourrait faire le samedi à Europa-Park [1], ça doit faire deux ans que je n’y suis pas allé !
— Ah ouais, bonne idée ! En plus, je crois que les allemands ne seront pas encore en vacances, il ne devrait même pas y avoir trop de monde !
— Ouais, c’est sûr, attendre trois quarts d’heure pour une attraction, au bout d’un moment, ça rend fou !
Il ajoute, amusé :
— Et si ça peut te faire plaisir, t’as même le droit de ramener ton Morgan !
Oulà, mais il est au courant de quoi ?… De rien ! On se calme ! Et puis si c’est proposé si gentiment, je ne vais pas refuser ! Je lui demanderai toute à l’heure, ça devrait lui faire plaisir…
Je prends mon vélo, comme d’habitude, mais il faudra bientôt que je trouve une solution de rechange, parce qu’il commence vraiment à cailler, et ça ne va pas s’arranger en novembre. Et je doute que ça enchante mes parents de se taper quarante minutes de voiture aller-retour pour m’emmener là-bas. J’envoie un message à mon amoureux avant de partir, le prévenant que j’arriverai d’ici trois quarts d’heure.
Je sonne chez lui les mains moites malgré la fraîcheur, et ai à peine le temps de voir la porte s’ouvrir que je me retrouve plaqué contre l’encadrement de celle-ci, Morgan me dévorant les lèvres avec passion. Puis il se recule brusquement, et me dit d’un regard malicieux:
— Ça, ce n’est que l’apéritif !
Il va ensuite couper ses enceintes, qui emplissaient le salon d’une « douce » mélodie de musique techno.
— Ah, t’aurais pu laisser, j’aime bien ! mens-je à moitié.
— Hmm, on verra, après je ne sais pas si t’as envie de te faire marteler au rythme de la musique, mais ça risque d’être un peu violent pour toi. Et pas sûr que je tienne très longtemps.
Je me fige sur place, le fixant soudainement d’un œil ahuri qui exprime autant d’appréhension que d’étonnement.
Il se gausse:
— Ah, mais c’est trop facile, tu marches à chaque fois ! Faut-il que je te rappelle que je t’aime et que je ne te forcerai à rien dont tu n’as pas envie ?
Je secoue ma tête de désespoir, me disant que, malheureusement, je ne changerai jamais. Mais… j’avoue que… je me laisserais bien tenter par sa proposition, et ajoute donc, très gêné:
— Bien-sûr, mais dans l’idée, ça ne me déplairait pas…
— Mais non ! Vraiment ?
Je suis à la limite de perdre mes moyens et réponds maladroitement:
— Bah oui… Tu sais, j’adore être avec toi. Et si on peut se rapprocher encore plus… je ne dis pas non…
Il me sourit alors du sourire le plus amoureux que je n’ai jamais vu, comme s’il voulait en même temps me rassurer, me dire qu’il m’aime et exprimer son excitation grandissante.
Je tente de saisir le haut de son dos pour l’attirer vers moi à nouveau, mais il se dérobe en direction de l’escalier, et se met à grimper à grandes enjambées :
— Attrape-moi si t’y arrives !
Je me débarrasse de mon sweat, et me lance à ses trousses alors qu’il vient de franchir l’angle du palier. Je pénètre dans sa chambre en trombe, mais personne à l’horizon.
Je suis en train de me retourner, quand une étrange créature résultant de l’hybridation entre un beau jeune homme et une couverture surgit de derrière la porte, me submerge et m’écrase sur le lit.
Passé le court moment de frayeur, je me détends et entreprends de tester sa résistance aux chatouilles, ce qui reste malheureusement sans aucun effet. Par contre, quand c’est à son tour de venir me tripoter en-dessous des côtes, j’ai vite fait de me contorsionner dans tous les sens en le suppliant de mettre fin au supplice. Heureusement, il ralentit le rythme, et les terribles chatouillements deviennent de très agréables caresses.
Il fait ensuite voler la couverture dans laquelle nous étions empêtrés, puis enlève son t-shirt et son jogging d’un mouvement rageur. Je l’imite, et nous avons vite fait de nous retrouver l’un sur l’autre vêtus chacun d’un unique morceau de tissus.
[1] Un des principaux parcs d'attraction en Europe, proche de la frontière franco-allemande.
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