Ecrit en écoutant notamment : Ellie Goulding - Something In The Way You Move [Pop]

Après un dimanche aussi peu réjouissant que d’habitude, devinez qui j’ai vu lundi matin devant l’entrée du lycée en train de rouler un patin à une des plus belles filles de la classe… Il n’aura pas perdu de temps, ce salaud d’Alexandre…

En rentrant en cours de SVT à 8h, je profite qu’il ait lâché sa greluche quelques secondes pour lui asséner un regard condescendant suivi d’un petit rire nerveux, dans l'intention de bien lui prouver à quel point il est descendu bas dans mon estime. Il n'y a vraiment aucune raison d’être jaloux quand on a quelqu’un comme Morgan.

Après avoir disserté sur les mécanismes vitaux des plantes en septembre, la prof poursuit aujourd’hui son cours sur l’évolution des différentes espèces de singes et d’hommes.
À la fin du cours, elle annonce à la déception générale que nous allons devoir réaliser des dossiers par groupes de 4 sur le sujet, à présenter à l’oral au retour des vacances.

Et si le fait que les sujets soient prédéfinis nous paraît tout à fait normal, sa décision d’imposer les groupes récolte des huées généralisées de la part de toute la classe :

— Mais Madame, comprenez-nous, on sera plus motivés si on travaille avec nos amis, c’est pour le bien de votre matière ! s'insurge Noémie, qui ne lâche jamais ses trois amies.

— Rien du tout, pas de discussion ! Vous croyez que quand vous allez bosser en entreprise vous choisirez avec qui vous faites équipe ? réplique sèchement la prof.

Les murmures de rébellion se tarissent lentement, et elle profite de l'accalmie pour annoncer les groupes :

— Groupe numéro 1 : Margaux, Noémie, Charles et Dylan, vous allez travailler sur l’exemple précis de l’Homme de Néandertal… Tout d’un coup, Noémie semble beaucoup moins déprimée à l’idée de travailler avec deux mecs de choix… Groupe 2 : … … Groupe numéro 4 : Michaël, Lilian, Alexandre et Victor, vous allez utiliser un logiciel de création d’arbres phylogénétiques…

Non mais ça ne va pas ? Le fait-elle donc exprès ? Je ne vais pas passer mes vacances avec ces deux cons ! À coté de moi, Lilian semble tout aussi dépité, faisant lentement glisser ses mains le long de ses joues.

C’est à peine si j’ose me retourner pour voir la réaction des deux machos emmerdeurs... Je prends finalement mon courage à deux mains et tourne la tête, me retrouvant pris en tenaille par deux paires d’yeux malintentionnées. Je me baisse alors immédiatement pour ranger mes affaires dans mon sac et lâche un "Oh merde…" , auquel répond Lilian :

— Ça va, on va les mettre au pas, je te le garantis !

— Euh…

Que ce soit en allemand ou en histoire-géo, je ne peux pas m'empêcher de ruminer cette situation absurde. Ah mais ça me rend dingue ! On est 36 dans la classe, 4 par groupe, quelle est la probabilité d’avoir les deux idiots parmi les trois autres personnes du groupe ? Alors, croyez-moi ou non, parce que je vous passe les détails, mais j’ai profité du cours de maths de la journée pour calculer que ça représentait environ 0,5% de chance.
Il faudra déjà voir comment ça se passe jeudi : comme l’a expliqué la prof, on aura une première séance en cours, notamment pour prendre en main le logiciel.

Après avoir appris en descendant en pause à 16h que la dernière heure de la journée est annulée, notre prof de philo s'étant déclaré absent en dernière minute, j’accompagne Lilian comme d’habitude jusqu’à l’arrêt de tram de la gare, et marche ensuite quelques centaines de mètres jusqu’à mon arrêt de bus. Nous nous sommes mis d’accord pour proposer aux deux autres d’essayer de distribuer le travail avant les vacances pour ne pas avoir à se revoir, et de centraliser les résultats par mail. Allez, ça ne fonctionnera peut-être pas trop mal de cette manière…

Qui dit lundi soir dit entraînement ! C’est marrant, mais j'aimais aussi bien la période pendant laquelle je m’amusais à mater Morgan discrètement, ou pas d’ailleurs. Là, ça va de nouveau être relativement frustrant, d'autant plus que je ne peux pas m’empêcher de me mettre à stresser quand il témoigne un peu trop d’affection à mon égard. Je n’ai pas du tout envie que ça sache dans l'équipe !
Ce qui est sûr, c'est que je ne vais pas échapper à quelques remarques de mon frère, mais ce n’est pas le plus grave, ce n’est pas lui qui fera de gaffe ! L’arrivée de mon petit ami me redonne quand même le sourire ; il cavale vers moi et mon frère et s’arrête devant nous :

— C’est bon pour ce week-end ! J’ai demandé tout à l’heure, mes parents sont même ok pour venir me déposer vendredi soir, et j’ai réussi à négocier que je reparte dimanche matin ! Et aussi, c’est cool, ils m’autorisent de nouveau à sortir pendant les vacances, j’avais quelque chose le samedi, mais j’ai décalé !

— Deux nuits, quelle chance ! lance Nathan en nous souriant.

— Allez, en avant pour l’échauffement, beau-frère ! poursuit-il à destination de Morgan, ayant bien pris soin de vérifier qu’il n’y avait personne vingt mètres à la ronde.

Nous rejoignons le reste du groupe, alors que Morgan m'interroge d'un plissement de sourcils. Il me suffit alors de lui renvoyer un sourire éclatant pour qu’il comprenne…

Le premier tour de terrain effectué, le coach nous demande de ne pas trop forcer sur l’échauffement. Cela semble ravir Léo, mais celui-ci déchante quand il apprend que nous allons débuter la séance par un test de VMA permettant d'estimer notre forme physique. Le principe est simple, il faut courir la distance maximale en 12 minutes…

J’arrive à suivre Morgan pendant environ cinq minutes, principalement motivé par la vue que j’ai de son magnifique corps en action, mais je finis par craquer et ralentis légèrement, son allure effrénée m’ayant amené à la limite de la suffocation. Tandis que lui prend facilement 1, même 2 tours d’avance sur certains, je m’applique à garder un bon rythme après avoir commencé beaucoup trop fort, et termine les 12 minutes en relayant avec Florian. Nous franchissons tout juste les 3000m, alors que Morgan termine lui à 3500m… assez impressionnant. Au final, le coach est plutôt satisfait et n’oublie pas d’épingler la performance de mon ami :

— Eh mais tu sais qu’avec un tel niveau, tu pourrais faire de la course à pied à un bon niveau ?

— Ouais, peut-être, mais c’est moins amusant que de jouer au foot en équipe ! réplique l’intéressé.

Moi, je suppose plutôt que ça lui demanderait une hygiène de vie irréprochable, et qu'il tient à pouvoir se mettre quelques bonnes taules de temps en temps...

Et alors que le reste de l’équipe se traîne plus ou moins pendant l’entraînement, lui ne compte certainement pas ses accélérations. J’observe de loin le coach, qui semble le suivre du regard, et se féliciter de la nouvelle recrue. Parce qu’en plus d’avoir une endurance conséquente, il est de plus en plus à l’aise techniquement.

L’entraînement touche à sa fin, et lors de la séance d’étirements, Morgan soupire :

— Je crois que je vais bien dormir ce soir, ça m’a tué !

— Encore heureux ! lance Nathan désabusé.

L’entraîneur reprend :

— Donc, mercredi, rendez-vous au stade de l’AS Neudorf à 17h30, ça serait bien de continuer sur notre lancée pour consolider notre place sur le podium ! Reposez-vous bien ! Bonne soirée !

Cette fois-ci, c’est notre mère qui vient nous chercher, le temps étant franchement dégueulasse. Pour une fois, celle de Morgan n’est pas en retard, ce qui leur laisse le temps de discuter toutes les deux quelques minutes. Dans la voiture, ma mère me demande vivement :

— Mais tu ne m’as pas prévenu que t’avais invité le fils de Mme Derrieux pour ce week-end !

— Non, mais j’allais t’en parler…

— Ça ne me pose pas de problème fondamentalement, mais à quatre mecs, essayez de penser aussi à votre cousine Mia, hein ?

Nathan s'étouffe à moitié de rire :

— Oh, elle en a déjà vu d’autres, et elle sera très contente d’avoir un beau gosse supplémentaire à la maison !

Je rougis instantanément – heureusement, il fait déjà nuit – , tandis que ma mère joue à la choquée :

— Rhoo, elle n’a que 12 ans, soyez sérieux un peu !

Plus que 4 jours avant ce week-end…