Chapitre 44
Ecrit en écoutant notamment : Showtek – Memories [Hardstyle]
Pendant le cours de maths, je me force à faire bonne figure pour ne pas à avoir à subir un interrogatoire poussé de la part de mon ami. Apparemment, il n’a rien remarqué…
À 10h, nous rentrons en labo de SVT pour démarrer notre dossier avec Alexandre et Victor. Nous nous regroupons autour d’une table, munis des PC sur lesquels nous allons travailler, en attendant que la prof nous distribue les sujets. Aussi bien de notre côté que du leur, nous préférons garder les yeux rivés sur notre écran. Une bonne guerre froide en perspective…
Après les avoir reçus, nous lisons et relisons nos sujets avec un intérêt inhabituel, voulant retarder le moment fatidique où nous serons bien obligés de communiquer un minimum. Et comme je m’y attendais, la discussion démarre sur un niveau affligeant. Victor se sent obligé de balancer :
— Mais c’est quoi ce bordel ? Ils étaient tous PD ou quoi ? Homo habilis, homo erectus,…
J’allais lui clouer le bec avec une remarque bien sarcastique, mais Alexandre enchaîne :
— Attends, t’es sérieux mec, tu comprends pas ça ?
— Bah quoi, comment ils faisaient pour se reproduire ces cons, alors ?
— Tu le fais exprès ?
— Non mais je réfléchis… et les femmes alors, c’était pareil ?
— Waah ! Il y a des fois, je me demande vraiment ce que tu fous en S… Si t’avais fait L, t’aurais peut-être appris que ‘homo’ ça veut dire ‘homme’ dans ce contexte…
— Ah… j’ai eu peur, déjà que je vais devoir me taper l’autre en face !
Je m’excite d’un coup, étant sur les nerfs depuis la veille, alors qu’il aurait fallu répondre avec répartie :
— Oh mais ta gueule toi, t’as pas fini de me faire chier ?
— Eh, la tapette, elle me parle pas comme ça !
J’allais me lever de ma chaise, mais Lilian m’en empêche, et intime aussi bien à moi qu’à Victor :
— Eh, calmez-vous tous les deux ! C’est que de la SVT, merde ! Vous allez bien réussir à vous supporter pendant une heure !
Finalement, le reste de l’heure s’est déroulé à peu près normalement, Lilian et Alexandre assurant la communication entre les deux parties du groupe. On a malgré tout assez avancé pour pouvoir terminer le dossier chacun de notre côté pendant les vacances !
Les cours de la journée et la compagnie de Lilian m’occupent plutôt bien l’esprit, et je parviens donc à éviter de trop penser à Morgan, mais c’est tout différent une fois que je me retrouve seul dans mon bus pour rentrer…
Il a raison, Nathan… et mon père aussi… merde ! Qu’est-ce que j’ai fait ! J’ai l’impression… d’être en train de prendre conscience que… c’est très probablement fini entre nous deux. Putain, il m’a fallu 17 ans avant de sortir avec quelqu’un, et j’ai déjà réussi l’exploit de tout foutre en l’air ! Il l’a bien dit, mon frère, il n’y a plus grand-chose à espérer ; c’est déjà sûr qu’il ne reviendra pas au foot. Et je préfère éviter de lui envoyer un message si je n’ai pas envie de recevoir une salve d’insultes… Plus qu’un jour avant… le pire week-end de ma vie. Pour une fois, les multiples détours du bus, qui m’ insupportent tellement d’habitude, me laissent totalement indifférent.
Et puis… finalement… je m’en fous, je n’ai plus rien à perdre ! Soit ils m’acceptent en tant que gay au foot, soit je quitte aussi l’équipe ! Ah, ils seraient bien embêtés ! Ça ne reconstruira pas ma relation avec Morgan, mais j’aurais peut-être un peu moins mauvaise conscience… On verra bien lundi prochain à l’entraînement. Au moins, j’aurai tout le week-end pour déprimer et préparer mon discours.
À nouveau, je m’enferme dans ma chambre dès que je rentre, et m’allonge, les bras croisés sur mon torse, en fixant le plafond. J’ose à peine imaginer ce qu’il doit penser de moi à l’heure actuelle… Il doit me maudire depuis un jour entier… Mes lèvres ne seront plus jamais en contact avec les siennes, je ne sentirai plus son torse chaud contre mon dos, ni ses doigts agiles qui me caressent les abdos. Je n’aurai plus les mains moites face à son doux sourire flamboyant, je ne serai plus égayé par ses blagues et attitudes douteuses. Il ne me fera plus écouter sa musique douteuse, ne s’excitera plus en me parlant des nouveaux morceaux qu’il a découverts. Je ne sentirai plus l’amour qu’il m’avait transmis en passant sa main dans mon dos trois quarts d’heure avant… l’incident. Encore si j’étais allé lui parler avant de partir… il y aurait peut-être eu une chance… mais alors là…
Lorsque Nathan vient me chercher car le repas du soir est prêt, il me trouve toujours dans cette position, étant donné que je n’ai pas bougé depuis plus d’une heure. Il me lance laconiquement :
— Je te l’avais dit… , et repart nonchalamment.
Je me lève difficilement, descends, et arrive facilement à convaincre ma mère que j’ai simplement attrapé la crève au match de la veille.
Point de vue Nathan
C’est quand même très surprenant de le voir comme ça, d’habitude il masque beaucoup mieux ses sentiments. Il risque de ne pas très bien dormir… De mon côté, je compte profiter de l’absence de contrôle demain pour regarder quelques épisodes de série dans mon lit.
Après avoir enchaîné plus de trois heures de Downtown Abbey pour améliorer mon anglais, et surtout pour mater Rose Leslie, je rabats mon écran et me lève pour aller aux toilettes. En passant, je vois que la porte de la chambre de mon frère est ouverte, et qu’il s’est visiblement endormi le téléphone à la main. Je rentre doucement pour le reposer sur sa table de nuit… mais l’envie est trop forte.
Comme il n’a toujours pas jugé utile de mettre un code sur son téléphone, je l’allume et tombe directement sur… arghhh ! Une photo d’eux nus et entrelacés, apparemment prise devant un miroir... Je quitte immédiatement, et vais plutôt chercher le numéro de Morgan. Il faut absolument réconcilier ces deux-là ! C’est coup double si j’y parviens. Déjà, Michaël va me considérer comme un héros, c’est cool, mais surtout : hier au lycée, avec un ami, on a regardé le profil d’une fille d’une autre classe de première qui me tape dans l’œil depuis quelques jours. Et d’après ce qu’on a pu comprendre, il semblerait qu’elle connaisse plutôt très bien Morgan, en dehors du lycée, car lui n’est pas dans notre bahut. On n’a pas pu déterminer précisément leur relation, mais ce dont on est sûr, c’est qu’ils ne sont pas ensemble – heureusement pour mon frère ! –. Et comme actuellement, c'est difficile de l’approcher, Morgan pourrait peut-être jouer un rôle d’intermédiaire... Ça fait beaucoup de conditionnel, mais l’espoir fait vivre, comme on dit, et puis ce n’est jamais perdu si mon frère peut retrouver sa bonne humeur. Je te dis pas le week-end qu’on va passer sinon…
Étape 1 : rétablir le contact. Faisons simple.
— Salut Morgan, c’est Nathan, ça va mieux ?
Il a intérêt à répondre rapidement si je veux réussir à le convaincre avant demain soir ! Pour faire passer le temps, je lance un n-ième épisode. Vingt minutes plus tard, après deux fausses alertes, je sens à nouveau mon téléphone vibrer. C’est lui !
— Euh ouais, à part que les points de suture me tirent un peu quand je mange. C’est sympa ton message, en plus t’étais un des seuls à ne pas te moquer de moi hier…
— Et tes parents ?
— Ça va, j’ai réussi à les convaincre que c’était un adversaire qui m’avait taclé contre la barrière. Et où t’as eu mon numéro, en fait ?
Étape 2 : Tenter prudemment le rabibochage. En tout cas, jusqu’à maintenant, il n’a pas eu l’air trop remonté contre lui.
— Bah… je l’ai piqué sur le téléphone de Michaël.
— Ah.
— Je ne vais sûrement pas t’apprendre grand-chose si je te dis qu’il est au quarante-sixième dessous.
— Trente-sixième.
— Je crois qu’il a passé la soirée à regarder des photos de vous deux. Mais il s’en veut tellement qu’il doit être terrorisé à l’idée de te renvoyer un message.
— Bien sûr que je sais qu’il m’aime.
— Et donc ?
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