Le premier combat (TP)

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Je n'avais plus le choix. Il fallait avancer. J'aurai pu m'étendre sur le canapé et laisser le chagrin m'envahir. J'aurai du m'endormir.

C'est si simple au fond ; s'allonger confortablement et ne plus bouger. Le chagrin aurait fait le reste en tétanisant mes muscles et paralysant ma pensée. Alors, elle serait arrivée, tranquillement. J'aurai entendu le gravier crisser sous son pas lourd. Puis, elle serait rentrée. Elle aurait pris possession de moi comme on aménage un appartement. Elle n'aurait fait aucun état des lieux, bien déterminée à faire tomber les murs porteurs.

Je n'avais qu'à la laisser faire. Elle connaissait l'endroit parfaitement pour s'y être invitée plusieurs fois au cours de ma vie. Je connaissais sa façon de procéder. Elle aurait taper sur toutes les parois de mon existence jusqu'à trouver l'endroit le plus fragile. Puis elle se serait acharnée sur lui jusqu'à ce qu'il cède et me paralyse des journées complètes, allongée sur le dos, regardant la vie passer.

Mais cette fois-ci, j'étais fermement décidée à lui ne pas lui ouvrir la porte. Nous avions si souvent cohabité qu'au fond nous n'avions plus grand chose à nous dire. Pourtant,elle était là, prêtre à pénétrer au plus profond de ma chair. Elle ne souriait pas. Elle semblait même un peu agacée. Elle connaissait le chemin et savait précisemment l'endroit où elle pouvait se loger. Elle m'aimait bien. Elle appréciait mon immobilisme. Je ne me défendais pas lorsqu'elle pressait ma poitrine jusqu'à l'étouffement. Elle surveillait mon sommeil faisant en sorte que je ne dorme jamais profondément. A heures irrégulières, elle enfonçait un poignard dans mes plaies. Je hurlais de douleur et c'est à cet instant précis qu'elle souriait.

Aujourd'hui, je lui faisais front. J'étais debout face à elle et je crois qu'elle fut surprise. La dépression n'est pas une personne courageuse. Elle arrive toujours en terrain conquis au milieu d'un champ de ruines, de larmes et de sang. Elle enjambe les blessés, enfonce ses mains dans les entrailles sanguinolentes, leche la morve et étouffe l'enfant. Elle ne s'en prend qu'aux agonisants, à ceux qui tombent. L'anéantissement sera bien plus facile pour elle.

Mais j'étais debout. Il fallait que je fuis loin d'elle. Je me devais de marcher, avoir des projets et surtout les réaliser. Créer le mouvement. Elle me proposa de me détendre sur le canapé, de me laisser faire. Je ne l'ai pas écoutée. Au lieu de ça, je m'imposais des rituels. Je marchais au bord de la mer et finissait ma promenade dans l'eau salée. Je luttais par le mouvement. J'exécutais ainsi une parade guerrière contre l'effondrement.

J'ai aimé ces instants où je déambulais sur les quais du vieux port à l'affut des conversations insolites, des personnes donnant une apparence à leur existence à coup de mêches colorées, de look improbables, atterntive aux dramaturgies éphèmères. J'explorais encore tenant par la main l'enfant que j'étais autrefois. Une petite fille déçue par les promesses non tenues par les adultes. Une enfant blessée qui ne voulait pas déranger et qui attendait patiemment qu'on vienne la chercher. Je l'ai prise par la main et nous avons avancé ensemble au milieu de la foule. Nous nous arrétions parfois devant les danses viriles des danseurs africains, hypnotisées par les percussions d'un djembé.

Je l'entendais rire. Elle s'étonnait de tout, s'émerveillait devant un message d'amour écrit sur une porte. Elle posait une multitudes de questions auxquelles, bien sur, je n'avais pas la réponse. Nous nous mettions à courir dans les jardins du Mucem. Puis, assises sur un banc, face à la Majore, je la prenais alors dans mes bras et je séchais enfin ses larmes d'autrefois.

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