Chapitre 1 : Une rencontre sur le toit

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Ce vendredi de novembre, pour la énième fois depuis la rentrée des classes, Malya Cooper se tenait debout sur le toit de l’université de Lettres de la capitale. Ce jour-là, le vent soufflait à coup de rafales, mais cela n’empêchait pas la jeune fille de se trouver au bord du toit. Sa longue chevelure brune dansait au rythme effréné des bourrasques de vent et ses yeux fermés laissaient s’échapper des larmes qui venaient rouler le long de ses joues froides. Son maigre corps cherchait son équilibre, tel un pantin dont les fils venaient de se briser, et dont seul le dernier fil le maintenait encore debout. La jeune fille semblait prête à faire le grand saut. Elle n’était plus capable de supporter tous les regards et remarques hostiles de ses camarades et l’inexistence de sa vie sociale la plongeait dans les abîmes les plus profondes.

Alors qu’elle s’apprêtait à retirer ses derniers appuis, elle sentit une présence à ses côtés. Surprise, elle ouvrit difficilement les yeux et posa son regard sur ce drôle de garçon qui lui tenait à présent compagnie. Une cigarette dans la main droite, les yeux fermés, un pied au-dessus du vide, les bras tendus, ce drôle de garçon laissait perplexe Malya. Le jeune inconnu ouvrit ses yeux après quelques secondes et plongea son regard dans celui de la jeune fille. Le regard désespéré et fatigué de Malya le fit frissonner mais il continua de soutenir son regard comme s'il avait peur que ce regard disparaisse à tout moment.

« Je m’appelle Thomas, lança-t-il sans prévenir, Thomas Evans.

Le jeune homme guettait avec attention la réaction de la jeune fille. Celle-ci détourna le regard.

— Qu’est-ce que ça peut bien me faire ? demanda-t-elle avec désespoir.

— Ne se présente-t-on pas quand on rencontre quelqu’un ? répondit-il calmement.

Le regard de Malya semblait toujours aussi triste mais le désespoir, qui s’était logé tout au fond de son iris, s’était légèrement retiré. Thomas fit alors un pas dans la direction de la jeune fille tout en essayant de ni la brusquer ni l’effrayer et se rapprocha d’elle. Malya lui jeta un regard de haine, puis sous la surprise de l’intéressé, sauta allègrement sur le sol du toit. Puis, elle alla s’emparer de ses affaires qu’elle avait délaissé dans un coin et commença à marcher en direction du bâtiment.

— Tu ne t’es toujours pas présentée ! » rit Thomas, soulagé que la jeune fille ait quitté le rebord du toit.

Mais Malya Cooper quitta le toit sans répondre, laissant seul le jeune homme, encore debout sur le rebord du toit.

***

Thomas Evans était assis avec ses trois amis sur un banc de l’université de Lettres et venait d’allumer une cigarette. Il rendit le briquet à Paul et tira sa première taffe. Pensif, il ne suivait même pas les joyeuses conversations qui égayaient ce doux moment convivial. Depuis hier, le souvenir de cette fille le hantait, mais il ne l’avait pas encore recroisée. Ni sur le toit, ni dans les couloirs. Et comme aucune mort sur le campus n’avait été constaté, quelque part, il se sentait soulagé.

« Et si nous allions manger ? »

Les trois amis acquiescèrent et ils prirent le chemin du réfectoire. Le réfectoire de la faculté de Lettres regroupait tous les étudiants du campus et était le meilleur de la ville. Après avoir rempli leur plateau, les trois compères cherchèrent une table de libre. Le regard de Thomas se posa sur une table occupée par une seule personne et sourit malicieusement quand il reconnut l’étudiante solitaire. Sans prévenir ses amis, il se dirigea vers cette table et s’assit à côté de Malya Cooper. Celle-ci sursauta quand elle le vit s’asseoir mais ne put protester assez vite car les deux autres compères les rejoignirent sans plus attendre. Des chuchotements s’élevèrent des autres tables mais les intéressés ne semblaient pas y faire attention.

« Je ne savais pas que tu connaissais une première année, le taquina Paul Rasmus. Moi c’est Paul et lui c’est Gauthier. Et tu es ?

Malya baissa les yeux et cacha ses yeux verts derrière sa longue franche.

— Mangez les gars, vous voyez pas que vous la mettez mal à l’aise ?

Les deux s’exécutèrent sans rechigner mais ne quittèrent pas la jeune fille du regard. Thomas soupira et lui souffla un désolé.

— Vous ne devriez pas manger avec moi…murmura Malya, le regard triste.

Les trois garçons, surpris, s’arrêtèrent de manger et l’observèrent attentivement.

— Et pourquoi donc ? demanda sérieusement Thomas. Cela à un rapport avec notre rencontre ?

Malya Cooper se mordit la langue et se figea. Ses yeux effrayés passèrent de tables en tables et son souffle devint de plus en plus saccadé. Affolée, elle se leva sans demander son reste et s’apprêtait à s’échapper quand Thomas attrapa son poignet pour l’en empêcher.

— Les gars on se retrouve en cours ! »

Paul et Gauthier affirmèrent d’un geste de la tête et regardèrent, inquiets, Thomas trainer Malya Cooper hors du réfectoire. Celle-ci ressemblait à une poupée en chiffon et malgré ses protestations du regard, elle ne put défaire la prise du jeune homme.

***

C’est une fois arrivé sur le toit que Thomas lâcha le poignet de Malya. Le jeune homme lui avait si serré le poignet qu’une fois libérée, elle le massa doucement. Les yeux de Thomas s’écarquillèrent quand il posa le regard sur les marques rouges qui couvraient le poignet de la jeune fille. Il ne les connaissait que trop bien : de vives scarifications. Malya dissimula sous ses manches ses poignets et se détourna pour cacher sa honte. Sous la pression, des larmes s’échappèrent de ses yeux et son corps commença à trembler. Un homme qu’elle ne connaissait même pas venait de découvrir son plus grand secret. Ne sachant plus quoi faire, elle commença à paniquer. Son regard affichait à présent une émotion d’effroi et elle commença même à crier.

Thomas s’approcha de la jeune fille et sans crier garde la serra dans ses bras. Il était désemparé et n’avait trouvé aucune autre solution en si peu de temps. Malgré les contestations, les cris et les coups de Malya, il ne lâchait pas sa prise.

« Là, je suis avec toi. » murmura-t-il avec douceur au creux de son oreille.

À ces mots, la jeune fille sembla se calmer légèrement. Elle ne criait plus, ni ne donnait de coups mais on pouvait encore entendre ses sanglots.

Après quelques minutes de larmes, exténuée suite à sa crise et à son manque de sommeil, elle s’endormit dans les bras de Thomas. Le jeune homme soupira et se laissa tomber au sol tout en retenant la tête de la jeune fille. Il observa avec tristesse le visage endormi de la jeune fille puis contempla avec un regard vide les nuages qui dansaient dans le ciel bleu.

***

La nuit venait de tomber quand Malya Cooper ouvrit les yeux dans un lieu qu’elle ne connaissait pas. Après un regard furtif aux alentours, elle constata qu’elle se trouvait dans une clinique privée. Des voix s’élevaient de derrière une porte, mais elle était encore trop faible pour s’y rendre. Sa crise lui revint en mémoire et elle attrapa son poignet. Celui-ci était à présent bandé et l’odeur du désinfectant imprégnait toute la pièce.

Un bruit de poignet la fit sursauter et elle se cacha sous le drap quand elle vit un homme qu’elle ne connaissait pas entrer dans la pièce. Curieuse, elle passa un oeil par dessus le drap et dévisagea celui qui lui souriait. À première vue, il ressemblait à un médecin avec cette blouse blanche qui épousait parfaitement les contours de sa silhouette, ce qui la mit mal à l’aise.

« Comment te sens-tu ?

Avant qu’elle ne puisse répondre, Thomas Evans apparut dans son champ de vision. Il semblait rassuré de la voir éveillée et sourit maladroitement à son tour. Malya détourna les yeux et posa son regard sur l’étrange médecin qui s’était approché d’elle. Il farfouilla dans un tiroir et en sortit un thermomètre auriculaire.

« Tu n’as plus de fièvre, annonça-t-il après lui avoir pris la température. Tu peux rentrer chez toi ce soir. Passe à la clinique demain dans la matinée ! » dit-t-il d’un ton sérieux.

Malya voulut détourner les yeux mais elle ne le put devant le regard insistant du médecin. Elle acquiesça alors à contre coeur.

***

Thomas ouvrit la marche et entra dans l’appartement. Il était hors de question de la laisser rentrer chez elle seule et puisqu’il avait une deuxième chambre Malya n’avait pas eu son mot à dire. Ils étaient passés à un commerce de nuit pour acheter le nécessaire pour la jeune fille et en avaient profité pour prendre de quoi manger. Thomas était aux fourneaux ce soir-là et malgré le silence pesant qui régnait entre les deux jeunes gens, Malya était restée assise contre le canapé à l’observer. Le jeune homme s’y attendait mais Malya toucha à peine à son assiette.

La journée avait été riche en émotions et les deux étudiants décidèrent d’aller vite se coucher. C’est avant de franchir la porte de la chambre que la jeune fille se retourna et posa la question qui lui avait brûlé les lèvres depuis qu’ils avaient quitté la clinique :

« Pourquoi m’aider à ce point?

— Parce que je l’ai entendu ton appel au secours et que je ne pouvais l’ignorer !

— Tu es bizarre… je vais me coucher ! » répondit-elle, consternée.

Puisqu’elle avait rapidement fermé la porte, Malya ne put constater le sourire amer qui venait de passer un court instant sur le visage de Thomas. Épuisée par cette rude journée, encore confuse par tous ces derniers évènements, la jeune fille se laissa rapidement emportée par les bras de Morphée, laissant ses inquiétudes pour le lendemain.

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