I

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Tu es à moi.

 Un soir, qui marquait le début de l’automne, je me suis rendu à une fête mondaine sous invitation spéciale. Beaucoup de médecins et d’hommes influents fréquentaient cet endroit, ainsi que des nobles fortunés, en quête de nouvelles sensations dans leur vie si morose et plate.

 La curiosité m’avait poussé à vouloir me rapprocher de ce cercle restreint qui pouvait tant m’apporter, je le pressentais ardemment. La salle était plus petite que prévue, et de grandes parures noires, douces comme du velours, cachaient une petite scène. J’entendais les autres invités rire et bavasser sur des enchères. Cette « fête » était donc destinée à la vente : des achats spéciaux pour des gens riches. Je me sentais à ma place. Restait à voir si les objets valaient la peine. Connaissant la minutie des organisateurs, ils nous avaient dénichés de belles choses, cela en était plus que certain.

 Des femmes zieutaient dans ma direction. Nous étions tous à découvert pour ce temps d’abandon des valeurs humaines, et mon visage ne leur était pas méconnu. Bien évidemment, l’homme le plus influent et le plus riche de la ville était invité, ne vous en étonnez pas. Je leur adressais un sourire complice et je recevais leur clin d’œil. Pas de chance pour elles, je ne comptais pas participer à la suite de la soirée, les orgies ne m’intéressaient pas vraiment.

 Enfin, les rideaux de velours sombres se levèrent pour dévoiler la petite scène entourée de bougies neuves, le premier acte pouvait alors commencer. Un homme masqué, ainsi que deux femmes aux formes avantageuses – elles aussi masquées – firent leur apparition sous les applaudissements du public d’acheteurs. L’homme devait être dans ma tranche d’âge, la vingtaine avancée. Il entama sa présentation du déroulement des enchères illégales en nous souhaitant une excellente soirée.

 Un chirurgien épaula le maître pour les présentations dans un domaine plus médical, vente d’organes, de sang – qui était très populaire auprès des dames qui aimaient se baigner dans ce liquide rouge pour rajeunir – ce qui ne semblait pas marcher –. Ensuite la vente fut ciblée sur des corps encore frais, qui furent acquis par des hommes semblant avoir un désir profond de les posséder ou d’y inciser divers instruments, que, moi-même je possédais. Le chirurgien se permettait très calmement de donner quelques conseils d’utilisation, pour éviter des maladies ou autres événements dommageables, ce qui fut très bien accueilli par l’audience. Je dois bien avouer que je m’attendais à mieux : des dépouilles et des dépouilles, la chair morte ne m’intéressait pas.

 Ils annoncèrent alors une nouvelle carcasse. Je commençais vraiment à regretter de m’être déplacé pour si peu de choses. C’était bon pour les scientifiques et les médecins, mais je n’étais en aucun cas l’un des leurs. S’en aller en si bon chemin serait impoli, il me fallait patienter jusqu’à la clôture. Oh, mais le cadavre exposé à présent était vraiment très beau : une petite fille dont la nudité montrait l’innocence même, aucune vulgarité en elle, pas une blessure ni membre manquant, elle semblait endormie. Sa pâleur et sa rigidité la rendaient semblable à une poupée figée, remplie de cire. Ses cheveux étaient blonds, mais malheureusement ses yeux restaient clos. J’aurais aimé en deviner la couleur, bleue peut-être. Les mains se levaient vigoureusement pour acheter ce bijou, mais pas la mienne. Enfin une femme emporta la précieuse endormie pour un prix qui avait rendue la gente masculine visiblement très déçue. Une des deux hôtesses masquées poussa le corps hors de la scène avec un grand sourire. On emmena la suite des morts, un vieil homme barbu qui avait une main en moins, répugnant.

 La petite fille s’était relevée.

 Toute la salle criait et les gens se levaient précipitamment, le cadavre était vivant ! La panique fut totale, si bien que l’une des personnes essaya de jeter une torche en feu sur l’enfant, mais visa mal. Ce fut le rideau de velours qui commença à s’enflammer rapidement. Je tentai alors de me diriger vers la sortie, poussé par la foule rendue folle de terreur. Je perdai l’équilibre et mon crâne se heurta contre l’un des sièges.

 Je sombrai dans l’inconscience.

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.

.

 J’inhale une grande bouffée de fumée qui me brûle les poumons, la toux stridente me réveille. Le chaos. La pièce est en feu jusqu’au plafond couvert de fumée noire et épaisse. Plus personne ne crie. Les sièges calcinés sont vides. Je me relève difficilement, je suis brûlé, ma main me montre une cloque ouverte, rouge vif. Mes yeux rencontrent la scène qui ne se ressemble déjà plus, la fillette est encore là !

 Elle me fixe, ses yeux sont verts.

 Dans un élan de folie, je m’avance vers elle. Ses cheveux ont commencé à brûler, je me jette sur son petit corps pour l’étreindre et taper sur le feu qui entame ses belles boucles. Elle ne résiste pas, alors je la prends par-dessus mon épaule et observe l’enfer. Je plonge alors dans les coulisses, escaladant les décombres de ce qui reste de la scène : sortir par devant c’était prendre le risque de la perdre.

 Je la veux.

 Nous nous en sortons indemnes. Je suis maintenant, le propriétaire d’une morte-vivante.

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