VI
Ailia
***
Le passé qui ressemblait à un tableau noir,
Ne voulait de moi que de l’artifice sans gloire,
Mon frère ordonnait et j’accomplissais ma besogne,
M’allonger et charmer des hommes qui me cognent,
Sortir de la chambre avec la monnaie,
Tendre ma main pour donner mon gain,
Rester dans un coin avec une gamelle de lait,
Comme récompense de mon travail malsain.
Fère qui se fâche,
Mes os qui lâchent,
Le silence.
L’indécence.
Des années de « oui » de « non » de « pardon » je disais,
Frère m’avait offert un bijou,
La première chose qui m’appartenait,
Je devais tromper nos clients à nous,
Avec des pouvoirs de voyance en contrefaçon,
Puis une idée de l’organisation :
Me mettre en avant dans une mise en scène,
Jouer à la morte sans peine,
Je me suis fait laver et maquiller le visage blême,
Les lèvres rougies pour embellir la blancheur,
Mise à nue sur un brancard froid blasphème,
Attendre derrière les rideaux seule pour l’heure.
J’entends des hommes parler de mon corps,
L’un d’eux pose sa main sur mon bas ventre,
Il sourit et invite les autres.
Je vais bientôt entrer en scène encore.
Mon tour vient les hommes s’enlèvent,
Une femme masquée commence à me pousser,
Il fait froid tandis qu’on m’élève,
Les clients sont agités.
Le bras droit de mon frère commente les enchères,
Mes yeux clos me cachent la lumière,
Je les entends tous crier.
Qui va m’acheter ?
Le signal on me touche l’épaule,
Je me redresse et observe la foule,
Ils ont peur de moi.
Et fuient loin vers là-bas,
Le feu se répand au-dessus,
Les coulisses brûlent déjà bien,
Plus aucun employé ni client, rien.
Juste de grandes flammes sans issue.
Ah un homme est au sol,
Bientôt le feu va l’immoler,
Le brancard où je suis assise est réchauffé,
Je vais sûrement aussi brûler comme de l’alcool.
Le monsieur est debout.
Il court vers moi comme un fou,
Frère va venir me chercher.
Sans que le feu m’ait mangée.
Non c’est l’homme aux cheveux longs,
Mes cheveux brûlent à moi,
Il m’emporte loin de tout ça,
Une nouvelle vie nous commencions,
J’ai laissé mon bijou derrière nous,
Frère doit l’avoir mis au cou,
Maintenant il est devant mon regard,
Et je vais le reprendre ce soir.
***
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