Une triste nouvelle
J’ai de la visite. Un homme, celui de la photo. Quel est son nom déjà ?
Discrètement, je regarde dans mon dos. Edouard. Ah oui, je m’en souviens maintenant. Edouard. Il s’avance vers moi, se baisse, me prend dans ses bras. Que se passe-t-il ?
Il murmure :
« Je suis désolé, Edmond. J’ai tout fait pour l’en empêcher, mais c’était trop tard. Elle ne m’a rien dit, elle... elle est partie de son côté, sans un mot. La police m’a appelé, j’étais à l’usine. Elle m’a dit… avoir découvert son corps sur le bord de la route. Je suis désolé, Edmond. Je suis désolé de voir que vous oubliez ce qui compte le plus à vos yeux. Mariette.. Mariette est morte, Edmond. »
Je ne comprends pas. Mariette ? Mon regard glisse sur la photo. Mariette. C’est ma fille, et elle est morte. Que devrais-je ressentir ? Je sens alors, sans que je le commande, des larmes couler le long de mes joues pâles. Je pleure ? Pourquoi ? Mariette est ma fille, et je ne m’en souviens pourtant pas. Alors, pourquoi ?
« Mariette.. Mariette est ma fille ?
- Edmond, oh, Edmond, oui c’est votre fille, et elle est morte, partie !, Crie-t-il en pleurant.
- Je.. je l’ai perdue ? A jamais ?
- .. .. Oui..
- Mon dieu, mon dieu, mon dieu…! »
Je me rends compte à présent, je me rends compte que ma fille est morte. Je pleure, je crie, j’ai mal à la poitrine, une dame blanche entre en courant suivie d’une autre, m’appelle par mon nom, crie un ordre à d’autres dames en blanc. Qui sont-elles ? J’ai mal. J’ai mal, Edith, Mariette. Edouard m’allonge sur mon lit blanc, et compose un numéro des pleurs dans la voix.
Alors, comme ça, d’un coup, je me calme. Je regarde autour de moi, et je murmure, tout doucement, tout doucement :
« Je vais bien ».
Je le murmure, puis, je le dis, tout haut. Ils me regardent tous, les larmes aux yeux. J’en ai assez, des larmes. J’en ai plus qu’assez.
« Ca suffit. Ca suffit, Edouard, mesdames. Ma fille est morte, la passé est passé. J’ai mal, mais c’est normal. Je ne vais pas mourir. Je suis triste. N’ais-je pas le droit d’être triste ?? Je pleure, oui je pleure ma fille, oui c’est douloureux ! Mais on va avancer, et on va avancer ensemble ! Donc on va pleurer jusqu’à ce que la douleur soit partie ! Et après, on va sortir, respirer, et vivre ! »
...
L’un de mes rares moments de lucidité. Et tout de suite après, comme à chaque fois, je demande :
« Mais, dites-moi, qu’avez-vous ? Vous êtes tristes ? Que s’est-il passé ? Pourquoi.. Pourquoi je pleure ? »
Tout de suite après, à chaque fois, je retombe dans mon quotidien. Mon quotidien, c’est la maladie qui me fait oublier qui je suis et qui sont les personnes autour de moi. Mon quotidien, c’est l’oubli.
Je fais souvent des rêves dangereux. Dangereux, dans le sens où ma vie se retrouve à chaque fois en danger, où à chaque fois je meurs.
Cette nuit-là, cependant, je fais un autre rêve.
Je rêve qu’une jeune femme très jolie s’agenouille près de moi, prend mon visage entre ses jolies mains, et me dit :
« Papa, tu sais qui je suis ? Oui, tu le sais, tu l’as juste oublié. Je suis ta fille, je suis Mariette. Et je suis morte, car tu m’as rendue triste. Ce n’est pas de ta faute, bien sûr, mais je suis compliquée, tu le sais bien. Alors, comme je sais que tu vas tout oublier le lendemain, je veux te dire que je t’aime. Tu es mon père et tu le resteras toujours. Papa, adieu.. »
Et je me suis réveillé. Il était 5h du matin. J’avais tout oublié de Mariette, C’était comme si.. ce nom n’avait jamais existé dans ma vie. Et Edouard ne m’en a plus jamais reparlé, tout simplement car il n’est plus venu me voir. Je l’ai appris par les infirmières, qui m’ont dit qu’il était parti avec Elise dans une autre ville. Peu de temps après, j’avais aussi oublié qui ils étaient. Et le cadre, le cadre aux contours ternes gris, avait disparu de mon existence. J’étais seul.
Annotations
Versions