Chapitre 3 - Aloïs
À la fin du deuxième cours, lorsque la récréation fut annoncée, Aloïs prit son temps pour ranger ses affaires, préférant laisser ses camarades sortir avant lui. Lorsqu'il eut enfin débarrassé sa table, il se leva lentement puis adressa un sourire poli au professeur de mathématiques, Monsieur Winters, avant de quitter la salle. À l'extérieur, quelques élèves se tenaient devant la porte. En les évitant discrètement, il se dirigea vers le bâtiment principal, où il remarqua qu'il n'y avait étonnamment pas beaucoup de monde. Ne trouvant aucun banc libre, il s'arrêta au milieu du couloir, un peu perdu, et resta là, sans savoir vraiment quoi faire.
— Aloïs !
Le cri, haut et perçant, le fit sursauter, comme toujours. En se retournant, il aperçut un jeune homme blond qu'il reconnut immédiatement : un camarade de classe. Derrière lui, deux autres élèves étaient en pleine conversation. Aloïs croisa le regard du blond qui l'avait interpellé.
— Ça va ? Tu te plais dans le lycée ?
Aloïs haussa les épaules en réponse, détournant instinctivement le regard. Il chercha une échappatoire à ce moment gênant. Les deux autres adolescents arrivèrent à leur hauteur. L'un d'eux, un garçon qui lui avait souri lors de sa présentation, lui adressa un regard amical. Embarrassé, Aloïs baissa les yeux sur ses chaussures noires, en constatant qu'elles n'étaient pas aussi propres qu'il l'aurait souhaité.
— Je m'appelle Meane ! Enchantée de faire ta connaissance ! lança soudainement une voix féminine.
Aloïs leva les yeux, esquissant un sourire timide. La brune aux cheveux bouclés lui rendit son regard. Le garçon qui lui avait souri reprit la parole :
— Moi, c'est Idan.
— Et moi, Elias ! ajouta le blond avec enthousiasme.
Ne sachant pas vraiment comment répondre, surtout qu'ils connaissaient déjà son prénom, Aloïs se contenta d'un hochement de tête, plus gêné que jamais. Il aurait voulu s'éclipser, mais ses pieds refusaient de le suivre. Il se sentait perdu, pris au piège dans une situation inconfortable. Heureusement pour lui, la sonnerie retentit à ce moment-là. Même si ces trois-là étaient dans la même classe que lui, il prit la direction opposée, sous leurs regards curieux, espérant au moins arriver dans le bon endroit.
***
Durant le reste de la journée, Aloïs s'était habilement échappé de la présence des trois jeunes. Bien plus que des élèves ordinaires, ils représentaient pour lui une forme d’inconfort qu’il n’arrivait pas à surmonter. Il avait envie d’avoir des amis, c'était vrai, mais son instinct semblait prendre le dessus à chaque fois qu’il se retrouvait en leur compagnie. En plus, il n’avait pas oublié l'ombre du harcèlement qu'il avait subi récemment. Une violence qu’il n’arrivait pas à effacer aussi facilement.
Lorsqu’il quitta le lycée, une bouffée d’air frais emplit ses poumons. Enfin, cette première journée était terminée. Il en ressentait un soulagement presque palpable.
Le sac sur l’épaule, il se dirigeait vers son travail quand une voix familière l'interpella :
— Aloïïïïs !!!
Il se tourna et aperçut Idan qui le suivait de près.
— Hé…
— Cache ta joie ! rigola Idan, se retenant de poser une main amicale sur son épaule. Tu vas où comme ça ? Moi aussi j'habite par ici ! Enfin, pas exactement, c’est ma mère qui vient me chercher à la salle de sport. On a quinze minutes de route… Enfin bref ! Et, au fait, désolé, Elias est un peu rentre-dedans parfois. Quoique moi aussi, des fois, je suis comme ça. Comme là. Alors désolé… Tu veux que je te laisse ?
Aloïs ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, malgré lui.
— Euh… Comme tu veux… Moi, je vais travailler là-bas…
— Trop cool ! Tu travailles où ?
— Quelque part.
Idan croisa les bras et fit une moue faussement attristé.
— Tu préfères que je te suive pour savoir ? J’en suis capable, hein !
— Non, toi, tu dois aller à la salle de sport, répondit Aloïs en souriant.
Idan ne répondit pas, les bras toujours croisés contre sa poitrine. Aloïs, un peu mal à l’aise, accéléra le pas, ignorant l’adolescent derrière lui. Le vent frais se faisait de plus en plus sentir, et une étrange sensation de calme envahit Aloïs. L'odeur de la nature et le chant des oiseaux avaient un effet apaisant, presque réconfortant. Il se concentra sur le rythme de ses pas, imaginant que ses pieds étaient comme des racines qui s'enfonçaient doucement dans le sol à chaque mouvement. Il donnerait tout pour pouvoir marcher des heures dans un endroit paisible, loin du bruit et de la frénésie de la ville.
Après quelques minutes de marche en silence, Idan, qui semblait le suivre toujours un peu en retrait, se retrouva avec lui devant la salle de sport. Aloïs se tourna alors vers lui :
— Bonne soirée.
Idan lui répondit par un large sourire, dévoilant des dents impeccables.
— Oui ! Merci, toi aussi, Aloïs !
Aloïs reprit sa marche vers son travail, partagé entre l’envie d’y aller et l’appréhension de ce qui l’attendait.
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