Chapitre 7 - Aloïs

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Après avoir englouti son dernier quartier de pomme, Aloïs se leva brusquement de sa chaise, son geste vif attirant l'attention d'Idan. Ce dernier leva les yeux vers lui, un sourcil haussé, son regard mêlant inquiétude et interrogation.

Les mains plaquées contre la table, le regard dur, Aloïs essaya de forcer un sourire, mais cela se transforma en un rictus qui trahissait son malaise.

— Je... je vais aux toilettes.

— Euh, d'accord, je t'attendrai, répondit Idan, son visage rayonnant d'un sourire sincère, trop lumineux pour être ignoré.

Aloïs glissa ses mains dans ses poches et tourna les talons sans un mot de plus, se dirigeant vers les toilettes. Une fois arrivé, il entra dans les toilettes des garçons et croisa immédiatement le regard d'un autre étudiant, plus âgé que lui. Il avait les cheveux noirs, coupés courts, et de grands yeux bruns qui semblaient l'analyser en un instant. Il était plus grand qu'Idan, ce qui, pour Aloïs, n'était pas un exploit, étant lui-même assez grand. Mais le jeune homme devant lui avait une stature imposante, et quelque chose dans sa posture dégageait une énergie intimidante.

— Qu'est-ce que t'as à m'relouquer comme ça ? T'as envie de ma photo ? lança le garçon d'un ton moqueur.

Un sourire froid se dessina sur le visage d'Aloïs, mais il répondit d'une voix qui se voulait calme, bien qu'il sentît son cœur s'accélérer sous l'adrénaline.

— Nan, excuses-moi.

Le garçon le toisa de haut en bas, un air hautain figé sur ses lèvres. Puis, sans dire un mot de plus, il sortit des toilettes, faisant une brève pression avec son bras gonflé de muscles contre l'épaule d'Aloïs. Le bruit de son bras cognant l'épaule du jeune homme résonna comme un rappel de sa propre faiblesse, une démonstration de puissance qu'Aloïs n'avait d'autre choix que d'accepter.

Aloïs, les poings serrés, regarda le garçon s'éloigner, une vague d'humiliation montant en lui. Il avait envie de lui balancer une insulte, de lui crier de dégager. Mais il ne fit rien. Cela restait une envie. Un besoin de briser le silence. Il n'arrivait pas à passer à l'action. Une colère sourde bouillonnait en lui, mais il savait qu'il n'irait jamais au-delà de cette pensée. Il ne se permettrait pas d'agir ainsi. Pas avec quelqu'un comme ça. Pas avec personne.

Il se força à avaler sa salive, fermant les yeux pour essayer de contenir la colère qui montait en lui. Pourquoi était-il en colère ? Parce qu'on l'avait poussé ? C'était ridicule. Il devait se contrôler, comme toujours. Il devait rester calme.

Après un instant qui lui parut une éternité, il réussit enfin à apaiser son esprit. Il inspira profondément et se dirigea vers la dernière cabine, non pas parce que toutes les autres étaient occupées, mais parce que c'était devenu un réflexe. Ce petit coin d'intimité, ce petit refuge dans lequel il se sentait, d'une manière étrange, plus en sécurité.

Aloïs ferma la porte derrière lui avec une lenteur presque solennelle, comme s’il avait besoin d’un moment pour se convaincre qu’il était vraiment là, dans ce petit espace clos, seul. Il s’assit contre la porte, dos contre le bois froid, les genoux remontés contre lui, cherchant à se recroqueviller dans une position qui pourrait l’apaiser. Le silence l’enveloppait, lourd et oppressant. Ses pensées tourbillonnaient, un enchevêtrement confus qu’il n’arrivait pas à démêler. Il n’avait jamais aimé ces moments, ces instants où il se retrouvait seul avec ses propres démons. Mais aujourd’hui, c’était différent. Il se sentait plus fragile que d’habitude, comme si une simple brise pouvait le briser.

Il ferma les yeux un instant, tentant de chasser cette sensation de nausée qui remontait lentement en lui. Ses doigts glissèrent dans ses cheveux, éparpillés autour de son visage, mais il n’arrivait pas à se concentrer. L’odeur des toilettes, l’odeur de la salle en général, tout lui paraissait soudainement trop fort. Ses mains tremblaient légèrement, mais il n’osa pas bouger. Il ne voulait pas bouger. Il attendait, comme si le temps allait s’arrêter, comme s’il pouvait rester là, figé dans cette immobilité, et que tout disparaisse.

Les minutes passèrent, longues et insupportables. Le bruit des autres élèves à l’extérieur semblait lointain, presque irréel. Puis, comme un signal qui déchire l’air, une douleur fulgurante se fit sentir dans son ventre. Un grondement sourd. Il leva la tête lentement, la gorge serrée, et les pensées de panique s’emparèrent de lui. Il savait ce qui allait se passer. Il savait que ça allait arriver, mais cela ne le rendait pas plus fort, pas plus prêt à y faire face.

Ses muscles se tendirent d’un coup, sa respiration devint plus rapide. Un goût métallique se fit sentir dans sa bouche. Sans réfléchir davantage, il se leva, se dirigea machinalement vers la cuvette et s’agenouilla. Les nausées s’intensifièrent, comme une vague violente qui l’emportait. Il ferma les yeux, un instant, et la douleur dans sa gorge, dans son ventre, ne cessa de croître. Il n’avait plus le choix.

Dans un geste précipité, il enfonça ses doigts dans sa gorge, forçant son corps à libérer ce qu’il n’arrivait plus à contenir. Les morceaux de pomme qu’il avait mangés plus tôt remontèrent, accompagnés d’un liquide orangé. Les larmes lui montèrent aux yeux, mais il les ignora, son regard se perdant dans le carrelage froid devant lui.

Il toussa, une toux sèche, désespérée. Le goût de vomi envahit sa bouche. Il se sentait mal, extrêmement mal, mais il continua. Il avait besoin de ça. Il avait besoin de se débarrasser de ce poids, même si cela le laissait épuisé et vidé. La salive continuait de couler lentement, les larmes perlant sur ses joues alors qu’il toussait encore, forçant son corps à se vider.

Une voix, faible et inquiète, s’éleva soudainement derrière la porte.

— Aloïs ?

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