Chapitre 11 - Idan

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Idan fixa Aloïs qui s’éloignait, ses pas rapides, presque précipités, comme s'il fuyait tout, lui et la situation. Aloïs ne se retournait même pas, trop occupé à disparaître dans la foule. Idan n'arrivait pas à se débarrasser du nœud qui se formait dans son ventre. Pourquoi avait-il réagi comme ça ? Il n’avait pas voulu rendre la situation encore plus gênante pour Aloïs, mais c’est ce qu’il avait fait. Il avait, peut-être, empiré les choses en voulant juste être là pour lui. Mais tout ça avait dérapé.

Il passa une main dans ses cheveux, jetant un regard distrait vers le plateau qu'Elias avait déjà entamé, sans se soucier de la tension qui pesait. Le blond s'empiffrait de frites sans se rendre compte que son ami était à deux doigts de s’effondrer sous l’angoisse.

— Tu t'es disputé avec lui ? demanda Elias en mangeant avec énergie, ne se souciant de rien.

Idan leva lentement la tête. Les mots d'Elias résonnèrent dans sa tête. Une dispute ? Non, ce n'était pas ça. C'était bien plus compliqué. Peut-être que c’était sa maladresse, le fait qu'il n'avait pas su gérer la situation quand il avait vu Aloïs dans les toilettes. Il s'en voulait de ne pas avoir mieux réagi, de ne pas avoir su protéger cet instant fragile où Aloïs s'était ouvert à lui, sans le vouloir. Mais il n'avait pas su l'aider. Au contraire, il avait fui lui aussi. Il se sentait encore plus coupable.

— Youhou, je t'ai posé une question ! Vous vous êtes disputés ? répéta Elias, un peu agacé, comme s’il n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait.

Idan se ressaisit, évitant de croiser le regard d'Elias, comme pour ne pas lui montrer qu'il n’était pas vraiment présent à la conversation. Il prit une grande inspiration, tâchant de se concentrer sur autre chose, sur son repas peut-être, pour ne pas trop penser à ce qui se passait.

— Je crois avoir fait une gaffe quelque part, répondit-il finalement, sa voix un peu plus basse, presque inaudible.

Un silence lourd s’installa, le genre de silence qu’Idan détestait. Elias ne savait pas quoi dire, et se contenta de faire semblant de boire, rapportant son gobelet contre ses lèvres, alors que sa boisson était déjà terminée depuis un moment. Le geste semblait presque mécanique, comme pour occuper ses mains, comme pour éviter de dire quelque chose qui briserait encore plus l’ambiance.

Idan, lui, se sentait comme un poids, comme si tout ce qu’il faisait dans cette situation était de la traverser sans vraiment y prendre part. Il se détestait de ne pas savoir quoi dire, de ne pas réussir à réparer ce qu’il venait de casser. Il aurait voulu être là pour Aloïs, lui tendre la main, lui dire qu’il ne voulait pas qu’il se sente rejeté, mais les mots restaient bloqués dans sa gorge.

C'est à ce moment que la conversation prit un tournant.

— Euh… c’est un nouveau dans votre école ce Aloïs ? demanda Taïs, le grand frère d’Elias, en s'interposant dans le silence qui commençait à peser.

Il avait visiblement observé la scène depuis un moment sans intervenir. Ce soir-là, c'était lui qui était responsable des deux garçons. Leur mère travaillait tard avec un client important et leur père était en déplacement à l'étranger pour trois semaines. Taïs, bien qu'il soit là pour les surveiller, n'était pas vraiment le genre de frère à chercher à passer du temps avec eux. Il détestait la cuisine, et vu que c’était le soir, il n’avait pas du tout envie de se prendre la tête à préparer un repas, la solution logique avait été de les emmener au McDo. Pas vraiment le dîner parfait, mais au moins ça réglait le problème.

— Pourquoi tu fais cette tête ? demanda Elias, en haussant un sourcil, un peu surpris par la question de son frère.

— Euuh… je sais pas ! rigola Taïs, tout en haussant les épaules.

Il était déjà bien fatigué de sa journée et ne semblait pas se rendre compte de la tension palpable entre les deux plus jeunes. Il essayait de maintenir une certaine légèreté, mais ses yeux trahissaient une inquiétude qu’il n’avait pas vraiment envie de montrer.

Idan baissa les yeux, comme si regarder son plateau de frites pouvait l'aider à se recentrer. Mais il savait que la question qu’il redoutait allait bientôt arriver.

— Oui, il est arrivé il y a quelques jours dans notre classe, répondit-il enfin, la voix plus faible que d'habitude, trop embarrassé pour ajouter quoi que ce soit de plus.

— Et il est sympa ? demanda Taïs, en penchant légèrement la tête, toujours sans vraiment comprendre pourquoi Idan semblait aussi préoccupé. Ce n’était qu’un simple "nouveau", après tout.

Elias tourna la tête, levant les yeux au ciel avec un sourire moqueur, mais sans trop d’intérêt pour la conversation.

— Oui, il l’est, répondit Idan, un petit sourire forcé aux lèvres, pour tenter de faire bonne figure.

Elias se tourna alors vers son frère, son ton plus enjoué.

— Et toi, Elias, tu le trouves sympa ?

Elias fit une grimace, un air exaspéré sur le visage.

— J’en sais rien, je ne lui ai presque jamais parlé. Tout ce que je sais, c’est qu’il me pique mon meilleur ami, dit-il, lançant un regard presque accusateur à Idan, comme s’il lui reprochait de ne pas avoir été plus présent ces derniers temps.

Les mots d’Elias frappèrent Idan comme un coup de couteau. Il n’était pas prêt à ça, pas prêt à se rendre compte que tout ce qu’il avait fait pour aider Aloïs, pour lui permettre de s'intégrer, était en train de créer une brèche entre lui et son meilleur ami. Il savait qu’Elias ne voulait pas être méchant, mais tout de même, les mots l’avaient blessé profondément.

Idan se sentit soudainement tout petit. C'était lui le problème. Pas Aloïs. Pas Elias. Lui. Il avait voulu faire en sorte qu’Aloïs trouve sa place, mais ce n’était peut-être pas ce qu’il aurait dû faire. Peut-être qu'il aurait dû laisser les choses se faire naturellement.

Les pensées d'Idan tournaient en boucle, et il se sentit sur le point de craquer. Mais tout ce qu'il pouvait faire, c'était se taire et espérer que le silence, comme toujours, finirait par calmer les choses.

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