Chapitre 13 - Aloïs
Pendant toute la journée, Aloïs eut l'impression de regarder l'heure toutes les cinq minutes, son téléphone discrètement sorti pour y jeter un œil. Le temps passait lentement, beaucoup trop lentement. Il évitait Idan autant que possible, sachant pertinemment qu'après les cours, ce dernier n'avait pas l'intention de le laisser filer.
Le dernier cours fut celui de français. Madame Myers, voyant que la majorité des élèves étaient absents à cause de l'emploi du temps particulier, n'insista pas pour suivre le cours habituel avec leçons et exercices. Elle préféra poser des questions sur le ressenti des élèves concernant le lycée, leurs propositions d'amélioration.
Malgré le bruit assez étouffant résonnant dans la classe, Aloïs ne trouva pas ce cours si désastreux. Lui qui avait une image assez négative de Madame Myers, ne la trouva pas si terrible finalement. Il y avait bien pire.
Le jeune homme préférait rester discret, ne levant jamais la main pour prendre la parole, même si, en écoutant les autres, il aurait bien voulu partager son point de vue. Mais au fond de lui, il savait que son avis ne semblait intéresser personne.
Le cours se déroula assez vite. Aloïs passa une bonne partie du temps à se boucher les oreilles, cherchant à atténuer le bruit environnant. Finalement, ce fut l’un des meilleurs cours de la journée. Les élèves discutaient entre eux, Madame Myers circulait pour échanger quelques mots. À son plus grand étonnement, ni Idan ni Elias ne s’étaient rejoints. Idan semblait complètement déconnecté, griffonnant des dessins dans son cahier, tandis qu’Elias s'incrustait dans les groupes, affichant un grand sourire.
Lorsque la sonnerie retentit, Aloïs cligna des yeux, sortant de ses rêveries. N'ayant même pas ouvert son sac pour ce cours, il se leva, balança son sac sur son dos, et se dirigea vers la sortie. D'un point de vue extérieur, on aurait pu le croire impatient de quitter le lycée. À cette pensée, il ralentit le pas. Rentrer chez lui était loin d'être sa priorité.
Dehors, quelques bus étaient déjà là, attendant les élèves. Aloïs se tint à l'écart de la foule, sortant son téléphone pour consulter ses messages. Dans le groupe "famille", il remarqua que son père avait signalé son absence pour la soirée, disant qu’il dormirait chez une amie. De l'autre côté, sa mère l'informait qu'il devrait rentrer à pied ou prendre l'autostop. La dernière phrase du message le frappa, bien qu’il fût habitué à ce genre de provocations : "Vu que tu n'as pas d'amis".
En rangeant son téléphone, il pensa à Idan. Puis au mot "ami". Est-ce que ces deux concepts pouvaient un jour se rejoindre ?
Le regard perdu, Aloïs aperçut au loin celui qui occupait ses pensées. Le soleil se reflétait sur ses cheveux caramel, le rendant encore plus beau aux yeux du jeune adolescent. Dès qu'Idan le remarqua, Aloïs détourna les yeux, se maudissant intérieurement d’avoir pensé à lui de cette manière.
— Salut, sourit Idan, ça va ?
Aloïs hocha vivement la tête, mais sa réponse manquait de conviction.
— Ce n'est pas convaincant...
Aloïs leva les yeux et croisa le regard inquiet d'Idan.
— Je rentre à pied. C’est environ une heure et demie de marche, répondit-il froidement.
— Tu ne travailles pas aujourd’hui ?
Le souvenir de son travail la veille, angoissant, lui revint.
— Le patron m’a accordé la journée, vu que je travaille le week-end. Ce qui m’arrange car mes parents sont rarement là les mercredis.
Se rendant compte qu'il en avait sans doute trop dit, il se reprit rapidement, bredouillant pour se rattraper :
— Enfin… enfin, j’aime bien mes parents, hein !
Idan plissa légèrement les yeux, comme s’il analysait Aloïs. Ce dernier se sentit soudainement mal à l’aise, prêt à s’enfoncer sous terre. Le silence se fit lourd, et Aloïs se retrouva submergé par une vague de paroles qu’il aurait voulu cracher sur ses parents, mais qui se bloquaient dans sa gorge.
— Ok, lâcha enfin Idan. Je ne rentre pas directement, on peut faire un bout de chemin ensemble, discuter sur un banc au parc, j’ai quelque chose à te dire.
Le ton bref d’Idan laissa Aloïs perplexe. Bien que soulagé de voir que son attitude n’avait pas mis Idan sur la piste de son malaise, il ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu blessé.
— Heu, d’accord… mais pendant que je marche, je veux être seul.
Idan acquiesça, une expression compréhensive sur le visage.
Aloïs ne savait pas encore que ce dernier avait un don pour analyser les gens avec une profondeur étonnante.
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