[Je prends la liberté de retranscrire en entier et scinder le texte original, pour plus de lisibilité. De ces notes du 20 janvier 1919, je ne veux rien couper. Mes commentaires à ce propos se trouvent dans le chapitre Journaling.]

"Ecrire ce journal, ce n'est peut-être pas vraiment de l'écriture.

Certes, je viens de relire mes textes des années passées & je suis frappée par l'allure folle avec laquelle les mots galopent au petit bonheur la chance, titubant aussi parfois, presque douloureusement, sur les pavés.

Pourtant, si je n'écrivais pas plus vite que la plus performante des machines à écrire & si je faisais une pause pour réfléchir, je n'aurais rien écrit du tout ; l'intérêt de cette méthode est qu'elle balaye au passage quelques sujets parasites que j'aurais laissés de côté si j'avais hésité, mais qui sont de véritables diamants au coeur de ce tas de poussière.

Le jour où la Virginia Woolf de 50 ans s'installera à son bureau pour écrire ses mémoires à partir de ce journal, si elle ne parvient pas à écrire une phrase correcte, je ne pourrai que lui exprimer toute ma compassion & lui rappeler l'existence de la cheminée, où je la laisserai libre de brûler ces pages. Qu'il n'en reste que toutes sortes de bouts de papier noircis aux yeux de braise.

Mais comme je l'envie d'avoir un jour à accomplir la tâche que je lui confie ! Rien d'autre ne me ferait plus plaisir. D'ailleurs cette pensée gomme un peu les angoisses que je puis éprouver à l'idée que samedi prochain, ce sera mon 37e anniversaire."