"J'ai lu de bout en bout un exemplaire broché de Kew Gardens ; en fait, j'avais attendu ce moment pour m'atteler à cette tâche ingrate. Et je n'en retire qu'une vague impression. Cela me paraît bien mince, un peu court ; je ne vois pas comment sa lecture a pu impressionner Leonard à ce point. D'après lui, il s'agirait de la meilleure pièce courte que j'aurais écrite ; ce jugement m'a amenée à relire La Marque sur le mur & j'y ai trouvé beaucoup à redire."

L'artiste est-il le meilleur juge de son propre travail ?

Bien d'autres passages dans les écrits quotidiens de Virginia laissent penser qu'un biais s'immiscait dans le regard qu'elle portait sur ses oeuvres. Un biais qui déformait sa perception, si bien que son avis divergeait souvent de celui de ses contemporains.

Cela me renvoie immanquablement à mon propre jugement, sur ce que j'écris.

Et parfois, quand j'estime l'enjeu important, ce jugement a priori empêche purement et simplement la plume de glisser sur le papier. Ce que j'écrirai ne sera pas assez bon. Ce que j'écrirai sera risible, sans forme ni fond.

Alors, autant ne rien écrire, et ne pas se confronter à une réalité, peu importe laquelle.

Je ne dis pas que l'auto-critique est inutile, contreproductive, ou qu'il ne faut absolument pas écouter cette voix qui se mue en avocat du diable. Pour Virginia, la dévalorisation qu'elle effectuait sur son propre travail, semble arriver une fois l'oeuvre éditée et publiée.

Simplement, j'aimerais trouver ce moyen de différer le discours de mon critique intérieur (qui prend la forme redoutable du fils illégitime de Yann Moix et Eric Zemmour -- l'avocat des diables, quoi).

Trouver le moyen de le faire taire, pour laisser ma pensée se déployer sans entrave.