Ecrire, toujours, jusqu'à la fin
Je tenais à vous résumer la préface du livre, qui explore le processus de création littéraire propre à Virginia Woolf. Puissiez-vous, comme moi, y puiser plus de sérénité et quelques façons de faire utiles pour avancer vos propres projets.
Dans cette préface, Micha Venaille identifie cinq étapes par lesquelles Virginia passe lors de l'élaboration d'une oeuvre. Entre paraphrase et interprétation.
1. La naissance du livre
Dans une sorte de flou, envahi de sons et de phrases qui habiteront son roman. Virginia note : quelques mots, parfois très peu, une sorte de résumé mystérieux de l'ouvrage. Un geste, un mouvement, une image, un titre. Elle parvient à jeter la trame de tout un livre, sans s'évertuer à développer un quelconque scénario. Tout cela sera petit à petit transformé, précisé, développé de façon irrégulière.
Bradbury a un procédé différent. Dès que l'idée est là, il fonce dedans, et ne crée rien d'autre avant d'en avoir terminé. Il s'occupe d'un projet à la fois. Tolkien avait encore une autre façon de faire. La méthode de Virginia m'intéresse en ce qu'elle me dédouane de me lancer directement dans l'écriture d'un projet. Oui, je peux noter une idée, et la laisser mijoter sur le feu de la forge, en attendant d'y revenir. Je me suis sentie plus libre de voir comment elle faisait.
2. Compter ses pas
La naissance du livre ne se fait pas sans douleur : terrible bataille, épreuve, solitude, fureur créatrice. Sentir non pas qu'on va écrire ce roman, mais "qu'il existe de l'autre côté d'un gouffre infranchissable par les mots : et si l'on y parvient, c'est seulement au prix d'une angoisse à perdre le souffle."
Il est probable que ma propre expérience relie l'écriture à l'expérience que j'ai de l'enfantement. A ce stade, cependant, mon esprit est bien trop absorbé par mes tracas et mes chagrins pour y voir clair.
3. Doute et soulagement
L'inquiétude de ne pas avoir tout dit, le doute. Et en même temps le soulagement d'avoir posé le point final et la dernière phrase. Un moment très fort pour Virginia que cette dernière phrase, symbole de l'accomplissement suprême.
Le doute est bien souvent de la partie, dans l'ensemble du processus de rédaction. Autant elle m'apparait sûre d'elle dans ses idées, autant lors de l'écriture en elle-même, et de la réception de son oeuvre, elle me semble bien mal assurée. Et je me reconnais là. Dans le doute. Au moins pouvait-elle embrasser ce doute. Je peine pour ma part à me lancer, à oser, à affronter cet inconnu, ce désert qu'est la page blanche.
4. Les épreuves et la réécriture
Pendant cette phase, elle réécrit tout, pendant des mois. Cette étape se passe parfois très mal, laissant la place à sa maladie. Périodes pendant lesquelles son journal reste silencieux. Des époques terrifiantes pour ses proches.
Je ne suis jamais arrivée à ce stade, même s'il m'est arrivé bien souvent de tout reprendre du début pour mon Magnum Opus qu'est l'Epine Blanche. Ma "maladie à moi", c'est clairement l'isolement et la solitude, qui m'éloignent régulièrement de mes plumes.
5. Publication et critiques
L'attente et la réception des critiques, donnant lieu à un large panel d'émotions : frayeur, insolence, pessimisme, mépris, humour, bonheur, inquiétude, confiance, fragilité, désespoir, sagesse. Le sentiment d'échec revient bien souvent. Mais ce sont les critiques positives qui sauvent la vie de la romancière.
Récolter des avis et des critiques peut se faire, je pense, à toutes les étapes de la création. Cependant, il convient de les accueillir avec beaucoup de discernement. Si j'aime exposer mes idées à mon époux, je sais pertinemment qu'il n'est pas la personne la mieux placée pour évaluer le potentiel d'une idée vague. Bien souvent, il ne voit pas le chemin qui s'ouvre derrière une première inspiration. A contrario, je sais que mon amie Miléna ouvrira la voie sur une question bien sentie. La machine à créer sera bridée par l'un et s'emballera avec l'autre.
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