Enfin, l'Europe !
Et puis, un soir, j’ai pu monter sur un bateau… pour l’Europe ! On appelait ça un bateau, c’était plutôt un radeau de survie gonflable, à dix dedans plus un passeur. En deux jours et deux nuits nous avons atteint la côte italienne. Nous avions eu tout le temps en Lybie, mes frères et moi d’échafauder des plans d’évasion vers cette Europe prometteuse… Notre grand rêve, comme la plupart, c’était de rejoindre l’Angleterre, pour sa mixité ethnique. Je connaissais les cartes, je ne suis pas idiot et j’avais un diplôme ! Mais une carte du sud de l’Italie… pour arriver en Angleterre, c’est autre chose quand on a les pieds sur la terre ! On vient de se faire parquer dans un gymnase. On nous prend nos empreintes, à tous les doigts. La police italienne nous interroge, plusieurs fois ; des problèmes de traduction, d’identité, d’âge, on nous re-questionne, plusieurs fois encore. Un jour, on est remis à la rue. Sans rien de plus.
Il a fallu remonter toute l’Italie, puis passer clandestinement en France. Se glisser dans des camions, monter dans des trains en marche, trouver à boire, à manger, pour arriver à Paris et finalement à Calais.
A Calais, c’était comme les journalistes l’appelait, c’était vraiment la jungle. C’était chacun pour soi. Heureusement, on se regroupait par ethnie, plus que par nationalité. On était perdu. Aucune occasion de passer en Angleterre.
Et puis vint l’été 2016. Le gouvernement français a décidé de vider cette jungle de Calais, éclater les migrants dans différents départements. Ça a créé beaucoup de remous parmi nous. Pour être sûr qu’il n’y ait pas d’émeute, on nous a promis qu’on pourrait déposer notre demande d’asile, contrairement à ce qu’exige le règlement de Dublin : la demande d’asile doit être déposée dans le pays par lequel on est arrivé en Europe.
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