Isolé dans une lumière tamisée couleur rouille, au pied d’un escarpement sans fin infesté de cœurs de sorcières, un panneau clignotant attirait l’œil des voyageurs assoiffés et fatigués. Bien que le premier symbole fut grillé, on parvenait à comprendre que c’était le nom de la taverne accolée qui y était représenté. Mais, pour les rares étrangers, cet alphabet était indéchiffrable. Cependant et dans un soucis de clarté, voici la meilleure traduction que je peux offrir :

La Galère Marginale

Les habitués savaient que ce nom farfelu désignait pourtant leur lieu de perdition favori, à la croisée de tous les chemins de la Digmalia.

Le vieux piano organique de ce bar lugubre mais animé ressemblait à une grosse souche d’Amilenn desséchée. De la mousse bleue le recouvrait comme le pelage rêche des champiloups du Kimsinec. Un maigre bonhomme aux bras squelettiques et au visage recouvert d’un masque en bois d’Améthyste, comme pour cacher une difformité effrayante, s’installa paisiblement devant lui. Ses menottes filandreuses commencèrent alors à jouer une mélodie à la fois enivrante et biscornue, qui collait bien avec les saveurs épicées et l’ambiance faussement endormie offertes par l’auberge. Malgré quelques applaudissements clairsemés, les clients n’en avaient cure, bien trop occupés qu’ils étaient à siroter des breuvages aux odeurs et aux consistances plus ou moins apparentées à des soupes de moisissures en décomposition avancée.  

Solidement calés entre deux murs en coin, deux étrangers buvaient, recouverts de la tête aux pieds de capes noires épaisses et de tricornes rouges ; ils regardaient avec attention une carte de Paradigma dépliée sur la table.

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