Dans les mauvaises herbes à sa fenêtre, un petit monde

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Il n’a pas de jardin, et pas la main verte. Pourtant, il adorerait vivre au milieu de plantes. Il y a quelques années, avec de vilaines jardinières de récupération, un peu de terreau et des graines récoltées ici et là et plantées sans plus de façon, il avait réussi à se constituer un petit bout de sauvage indiscipliné à ses fenêtres. Loin des pensées, des géraniums vus ailleurs, bien alignés. Communs au possible et vieillots et si convenus, si convenables. Il préférait de loin ses mauvaises herbes. En pleine ville, cela le faisait sourire. Il se souvient, blessé de longues semaines, avoir passé de longues heures à regarder pousser et se développer ses plantes ingrates. De se souvenir quelques années plus tôt de la restitution faite par un ami architecte de cette conférence à laquelle il n’avait pu participer faute de voiture sur les mauvaises herbes justement, ce changement de paradigme qui s’annonçait dans nos jardins et dans nos villes. Fini les lourds massifs de fleurs empesées, les gazons coupés au cordeau, place à l’imprévu, et donc à la diversité et à la fluidité. Et depuis des années observer, attentif ces changements, un brin d’herbe ici, entre deux murs, dans une anfractuosité, des graminées, là, depuis peu, des coquelicots. Il est fasciné, heureux de cette douce indiscipline muette. Et un jour, dans ses jardinières, des insectes peu communs pour lui, lui l'urbain. Il sait ne rien savoir sur cette partie du monde du vivant, l’entomologie. Mais il est certain qu’il s’agit de larves de coccinelles. Certain. Oui, il y a bien des pucerons sur quelques tiges tendres ici et là, alors d’attendre. Et d’assister à la nymphose, plus tard voir l’imago par pulsation sortir de sa chrysalide et assister, émerveillé, à la transition de l'orange clair, presque jaune, mal défini au rouge vif, vernissé, voir les points noirs apparaître, profonds, les élytres se former, s’ouvrir pour faire sécher ces dentelles d’ailes par elles protégées. Plus tard, quelle ne fut pas sa surprise de voir débarquer un tigre de l’herbe d’une taille impressionnante et d’un vert si vif et si tendre, ventre rebondi recouvert d'ailes immenses, yeux ronds à facettes aux coins d’une tête triangulaire plantée de deux antennes droites, pointe du bas aux pièces buccales mobiles, toujours et méticuleusement à nettoyer ses ravisseuses. Cette mante religieuse est restée quelques jours dans ses jardinières sans âge, et il ne l’a plus revu. Ravalement de façade, jardinières retirées, il n’aura pas son bout de sauvage à ses fenêtres cet été et ça l’attriste. Même s'il n'a toujours pas la main verte.

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