Le Monde du bout du monde

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Calanques. Cassis. Trop de monde. Les pierres sont glissantes de trop de fréquentations et il faut se méfier de comment on pose son pied au risque de riper. Première calanque, port, bateaux. Eau huileuse, détritus de toute sortes flottants, eaux mortes et glauques, puantes seulement habitées par d’inquiétants et étranges crabes comme venus du royaume des morts, les poissons ventre blanc à l’air, et alors qu’il est encore tôt, déjà trop plein de monde. Écœurement. Ils savent qu’ils iront plus loin, évidemment, pour les éviter tous ces touristes. Et ils marchent, mais à chaque calanque, encore du monde, toujours trop, enlaidissant ces petits bijoux de nature. Alors ils marchent dans les pinèdes dont il apprécie tant l’ombre et l’odeur de résine jaune et d’aiguilles. Troncs rouges, écorce épaisse sous les doigts. Il commence à en avoir marre. Lui, il veut nager, pas marcher, nager, et ce temps passer à marcher, il le sait et ça l’énerve, sera un temps de moins à nager. Mais force est de convenir que ce monde, comme son père et sa sœur, il veut l’éviter. Lui, il ne les aime pas vraiment tous ces gens, grossiers, criards. Alors un dernier effort, consenti, pour aller chercher la dernière calanque. Enfin. Petite, toute petite plage enserrée entre deux falaises verticales plongeants droit dans une mer cristalline, absolument transparente. Du haut du chemin, il en voit le fond. Il n’a qu’une hâte, ce gosse, quitter ses tatanes, sa chemisette, sa casquette et mettre son masque et son tuba et plonger. Il faut qu’il fasse attention à ses oreilles, incapables qu'elles sont de supporter trop de pression. Alors, bien que l’envie le taraude de plonger plus profond, il reste prudent. Dès qu’une oreille dans une douleur aiguë, comme un flash d’un jaune presque blanc se fait sentir, il sort de l’eau. Et il déteste ça. Aussi, il évite comme il peut cette limite, sinon la punition est sans appel, ça veut dire plusieurs jours sans pouvoir se baigner. Et ça, non. L’eau, c’est sa drogue. Enfin dans l’eau. Froide. Que c’en est bonheur. Là-haut accrochés aux falaises, quelques varappeurs. Il n’y a presque personne sur la plage. Encore moins dans l’eau. Il met son masque de caoutchouc noir dont il déteste l’odeur d'hôpital sur le visage, ajuste son tuba, plonge. Féerie instantanée. Dans les blocs, des algues brunes, des poissons, plein de poissons de toutes les tailles et de toutes les couleurs, et ces minuscules traits bleu électrique et presque noirs, en petits bancs nerveux. C’est menton tremblant, grelottant de froid de tout son corps qu’il quittera à regret ce petit paradis qui l’habite encore des années après.

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