Calme et intensité dans le même temps
Il le suit. Il lui a promis une surprise. Alors il le suit depuis tôt ce matin. À travers cette forêt de plus en plus épaisse, mousseuse et tapissée de fougères et d’orties hautes comme des hommes. Sentier à peine discernable, alors il le suit, odeur d'humus pleine narine. L’impression d’être dans un film, au fond de la jungle. S’attendre à tout moment à voir surgir des Indiens. L’idée l’amuse. Souffle court, la pente est raide, le sac lourd, la terre mouillée et noire, glissante. Un panneau d’interdiction. Jaune. Police et pictogrammes noirs. Risque de lâcher de barrage et d’inondation. Il blêmit, il sait que ce genre d’avertissement averti d’un réel danger. Il le rassure. Les lâchers n’ont pas lieu à cette période l’année. Ils mâchent quelques fruits secs, boivent un coup et repartent. Bientôt, le paysage s’ouvre sur un lac d’un vert émeraude et si intense qu'il en est hypnotique, ourlé de noir à l’ombre des arbres, fermé par des falaises à pic, bourgeonnantes de verdure, tout est vert, de mille nuances. Le ciel un peu sur la gauche visible est d’un joli bleu délicat, pas encore blanchi par les chaleurs vibrantes de l’été. Il aura l’impression, plus tard que Hayao Miyazaki se sera inspiré de ce bout de nature perdu, il ne sait où, pour réaliser ces films d’animation. Calme. C’est impressionnant de calme. Il sait reconnaître seulement par le vol ou le chant de quel oiseau il s’agit. Lui reste muet, interloqué, et boit toutes ses paroles, ouvre son bouquin d'ornithologie pour apprendre encore plus. Un milan noir traverse le panorama, rase l’eau en silence et balance ses serres en avant et d’un geste sec tire d'une éclaboussure un poisson, blanc argenté, courbe du vol pour se percher plus loin. Ils l’observent dépecer sa proie. D’un coup, de l’aire des faucons pèlerins, la femelle s’envole tirant droit, virant bientôt sèchement pour tracer une autre droite dans les cieux, ascendante cette fois-ci, haut, si haut, que même à la jumelle ils ont du mal à la distinguer. D’un coup, le plongeon et le troisième côté du triangle se trace, ailes repliées, filant à une vitesse infernale. Boule de plumes qui explose de la palombe. Vol étonnamment lourd pour ramener sa proie à l’aire et aux petits voraces qui attendent affamés la becquée. Quelques cris de l’oiseau rapace rayent le silence. L'ombre du soir, il est temps de repartir.
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