Pas farouche
Petite ronde d’arbres. Un banc de guingois sans âme. Le parc qui s’étend. Il arrive avec ses morceaux de béton cellulaire, blancs, légers. Trois. Son copain, en étude d’architecte doit rendre un travail de sculpture autour de ce matériau et le lui a confié. Comme finalement tous les travaux d’art plastique de l’année, pour lesquels il recevra d’excellentes notes d’ailleurs. Du dessin, oui, mais de la sculpture ! Mazette. Pas d’outil. Il dégotte un vieux marteau et un vieux tournevis et n’a qu’une peur, rater son coup et mettre son ami dans la panade. Alors prudemment, il se met à façonner. À retirer de la matière. Et il apprend les fragilités de ce matériau, nouveau sur le marché de la construction. Et que les futurs architectes se doivent de connaître. Walkman sur les oreilles, il commence donc. Se dégagent instinctivement des formes très organiques, comme celles des coraux ou des algues. Pendant des jours et des jours, dès qu’il fait beau, il descend dans cette ronde d’arbres, met sa musique aux oreilles et taille, gratte ce béton particulier. Les éclats volent de partout, constellant le sol de taches blanches. Lui reste concentré, et c’est par le plus grand des hasards, parce que la bestiole passe entre ses jambes, qu’il s’aperçoit qu’il a un compagnon, qui reviendra jour après jour, avec la même familiarité. Bavette, cou, poitrine rousse, dos brun olive et ventre blanc sale, pendant près d’un mois, il aura comme compagnon de confiance un rouge-gorge.
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