Ils sont venus tôt, comme des Indiens se positionner en haut d’une petite butte, allongés, dominant ainsi de leurs jumelles un cirque de falaises sablonneuses ocre rouge, en demi-cercle. Le ciel est d’un bleu outrageant, mais qui se blanchira implacablement au fil des heures, des arbustes verts très foncés ponctuent ce décorum majestueux digne d’un far west. Et commencent à filer comme des traits d’arbalète ces oiseaux, les plus colorés d’Europe, une petite colonie établie, là. Leurs vols sont un véritable catalogue de tout ce qu’un oiseau, qui chasse en volant, peut accomplir de prouesses acrobatiques. Posés, nerveux, piaffant d’impatience de repartir dans les airs, leur beauté est éclatante. Du brun, du jaune d’or ou paille, du noir, du vert et du bleu turquoise, le guêpier d’Europe est époustouflant et d’une extrême finesse jusqu’à son bec légèrement arqué et noir vernissé. Le ciel est saturé de leurs sifflements roulés, des vrombissements d’insectes aussi. Les heures passent et jamais ces oiseaux ne semblent se fatiguer. Leur nid, des trous creusés dans la falaise, laissent échapper des coulures blanchâtres à l’odeur puissante d’ammoniaque. Bel oiseau, mais « sale ». Pour éloigner les prédateurs. Rien n’est fait par hasard dans la nature, il le sait. Et d’un coup, comme à la parade, alors qu’ils ne bougent pas depuis des heures sous un soleil pénible, passe alors une poule faisane, à peine à un mètre d’eux. Oiseau sûrement échappé d’un élevage pour la prochaine chasse de l’automne.