Chapitre 8 : Patricia en Thaïlande

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Ah, bonjour la Thaïlande, P’tite Gueule !
Ok Plunket-je-sais-pas-quoi : rien à redire. Semaine numéro 1. OK-d'ac : paradisiaque.

Les aéroports j’adoore : c’est là où je me laisse derrière moi la Pat’ avec ses fichus pinces à molaires, ses roulettes et compagnie. Je pars vivre dans un monde idéal où l'on ne dépense rien, car tout est prépayé - enfin, Charles a prépayé, pas moi, vus mes moyens. L’avion représente à mes yeux le sommet de ce bonheur stratosphérique : de là-haut, quand on regarde en bas, il est impossible de continuer à croire à ses problèmes. Mon Goblieu lui-même devient si minuscule qu’il disparaît. Envolés tous les souvenirs négatifs, des notes plus que médiocres-si-j’étais-pas-là-ma-fille, aux trous béants des caries que je peine à boucher, à côté de ce Diable de fauteuil, de ce Diable de Charles qui me rabat les oreilles à me raconter ses opérations super-réussies du jour - ce qui a le don de m'inférioriser. D’où la loi numéro 1 un dans notre couple : il ne faut jamais parler boulot à la maison - sauf moi, pour demander des conseils. Des fois, Charles est si content de lui que je le sens au bord de le faire… alors, aussitôt, je pousse une gueulante pour lui faire couper court - à propos de n'importe quel problème, si possible le plus anodin. C'est ainsi que, peu à peu, je lui ai donné le pli... Je l'ai, en quelque sorte, éduqué comme un p'tiet - ou rééduqué. Mais, là-haut, au-dessus des nuages, j'en oublie mes infimes petites victoires, qui ne me semblent même pas médiocres, mais tellement inintéressantes qu'il n'y a plus à y songer... il n’y a que là-haut que c’est bien.

L’hôtel où nous sommes hébergés représente, assurément, une vision du paradis : enchantement du cadre, des chambres, courbettes partout, tout le monde à ton service... Et les Thaïs savent y faire - enfin, apparemment. Quant à moi, je la joue star, aguiche à tout va pour faire monter la pression. Charles me fait l’amour comme un Dieu, tant il est excité par le petite théâtre que je donne. La vraie Patricia existe ici. Le délice. Elle ne comprend rien à la langue du coin, et cette ignorance, assurément, possède quelque chose de divin... La crainte permanente dans laquelle je vis d'être méprisée, rabaissée, critiquée, est ici envolée. Je n'ai plus rien à prouver.
L’anglais, OK-d'ac, je se débrouille avec dix phrases : mais ce n'est pas ça.
Mais comme je suis très forte en allemand, grâce aux leçons que me donnait Heinrich dans le temps, avec Andrée et parfois Francis, et que les Allemands sont partout ici, nous nous faisons des copains : un couple, notamment. Des Bavarois : car, comme Heinrich est mi Bavarois-mi Alsacien, j’ai si bien appris le deutsch que je peux prendre l’accent de la campagne des tréfonds du coin, en direct des années 1940 et de Berchtesgaden - village natal d'une partie de sa famille. Nos Allemands n’en reviennent pas. Pour m'amuser, par exemple, je leur roule les « r ».

Je découvre alors qu'il y a des plages nudistes.
Une fois, nous faisons ainsi une virée vers une petite île spécialisée dans le nu intégral, avec notre couple de Deutsch. Dans la vedette, nous nous mettons topless, avec la femme. Et là... Elle me demande si j'accepterais que nous le fassions à quatre, une fois arrivés !! Je ne dis pas non !
Le hors-bord est en acajou, nous sommes assis sur le sofa blanc à l’arrière, l'homme à ma gauche. Charles, lui, est assis devant sur l’étrave, où il joue à faire des vagues avec ses deux pieds nus de chaque côté - talons dans l’eau toute bleue. L’Allemand me caresse gentiment le haut de la cuisse gauche devant sa compagne, qui regarde. Je suis paralysée par cette audace. Je laisse faire. L'un de ses doigts vient soulever le bord de mon slip et fureter un peu aux recoins - tandis que, d’un œil, je surveille le dos tourné de Charles, à dix mètres, qui s’amuse bien avec ses grands petits pieds. Pour ne pas qu’on m’entende gémir, je me mets la paume dans la bouche. C'est juste fou !

Débarquement. L’Allemande vient vers moi et demande :
« - Si tu veux, Pat’, on peut aller un peu plus loin et le faire tous les quatre. Ton mec me plaît beaucoup, il est baraqué comme pas possible. »
« - Qu’est-ce qu’ils disent ? », demande Charles.
« - Qu’ici c’est une plage naturiste ! »
J’enlève le bas. Me voici toute nue.
Yeux ronds de l’assemblée. Je ne me manœuvre plus. Je sais que, dans ces moments, mon Goblieu prend le contrôle de mon corps, que je n'ai plus à me laisser aller à ses intentions... C'est lui qui a manœuvré mes mains, fait glisser le mini-slip. Bonheur de la marionnette !
« - Faut que t’en fasses pareil ! », je jette à Charles, autoritaire.
En somme, je l’engueule comme s’il mangeait à table avec ses doigts !
« - Ne nous ridiculise pas davantage ! »
Je lui ai fais sentir que cela allait de sa faute s'il ne suivait pas le mouvement. D’ordinaire, cela fonctionne. Nos amis commencent se déshabiller. Mon Allemand laisse voir une zigounette longue comme la moitié de mon avant-bras. Je n'avais jamais vu cela auparavant !! Mais Charles, lui, reste à ne rien faire.
Je me moque :
« - Voilà bien le bourgeois de Serzon, baptême, messe, communion et tout et tout : allez, vas-y, cool ».
Mais il n'a rien à faire de mes arguments. Il me dit même :
« - Remets ta culotte, comportes-toi bien ! »
Pour ne pas lui céder, je m’entoure les reins d’une serviette - regard bien méprisant. Mais le couple allemand n’a pas besoin de traduction. Ils se rhabillent, en faisant des mines d’excuses. Quant à moi, je dégouline, bien que je ne me sois pas encore baignée.
« - Excusez-nous, c’est la France. On trouvera bien un autre moment », je leur fais.
Je capte que leurs imaginations s’emballent - et la mienne, pareil, en boomerang. Mines réjouies, mais un dixième de seconde, puis, dans la seconde, ils font les indifférents. Des professionnels, de toute évidence.
« - Tu leur dis quoi ? », demande Charles.
« - Je leur explique la pudeur française à la con et les mecs coincés. »

Et toc ! Leur déception est quand même visible. Il n’y a que Charles pour ne pas comprendre. C’est aussi pourquoi je lui en veux, moi. En somme, j'adore habituellement qu'il soit aveugle sur mes frasques - et je veux qu'il cesse de l'être quand cela m'arrange. Nulle contradiction dans cela puisque, dans les deux cas, je décide pour lui de ce qui doit être visible et ne dois pas l'être ! En tous les cas, revoici tout le monde en slips de bain. Mais je ne te dis pas, P'tite Gueule : nous sommes tous tous les trois très-très « émoustillés » - comme aurait dit Louis.
Charles part ensuite faire des longueurs, sans voir les quatre têtons qui bourgeonnent, le salsifis géant de l’Allemand qui lui fait un boursouflement du tonnerre de Dieu. Nous allons nous baigner aussi : je suis déchaînée. En le croisant dans l'eau, je la lui reprends un peu, mais vite fait, d'une main d’abord, puis en l’entourant de mes deux pieds en passant en nage sur le dos et m'éloignant de lui.

Ensuite, Charles revient de ses longueurs. Je suis allongée au bord de l’eau, le couple un peu plus haut - au sec sur ses serviettes. Il émerge tel un Dieu grec... C'est vrai qu'il est beau, et même très beau... Je suis sous le charme ! Dans une paillote, il va nous chercher un plateau, avec quatre cocktails aux fruits. Il revient et nous buvons tous les quatre. Puis il nous dit qu’il a pris une séance de ski-nautique et s’en va vers la jetée, au loin derrière la paillote. Nous voici donc tous les trois à nouveau seuls, sans autre baigneurs – sinon à deux cent-trois cents mètres. Mes deux Allemands sont autant excités que moi. Je m’assieds entre eux deux… Je vais pour tenter de prendre tu sais quoi dans ma bouche, quand nous voyions Charles revenir de loin…
« - Pas de chance », dit-il en s’asseyant entre moi et le mari. « Le câble est cassé. Et il faut qu’on y aille, ils nous attendent pour rentrer à l’hôtel… »

Quand j’y repense, je crois en fait que si notre manigance n'était pas visible, c’était que mon pauvre Charles ne pouvait concevoir un truc pareil : c'était comme si une locomotive à vapeur arrivait sur la plage lancée à toute allure. C’était un truc si incroyable, sortant tant de l'ordinaire, qu’un garçon bien élevé ne pourra jamais le concevoir. Je découvris, ce jour, qu'au-delà d'une certaine limite, passant l'incroyable, l'on pouvait faire à peu près ce que l'on voulait. Un champ d'une liberté incroyable m'était presque totalement ouvert, où je pourrais expérimenter bien davantage - un jour.

Oups : je viens de réaliser que mon Goblieu, que je pensais avoir laissé sous le paillasson, à Serzon, s'était non seulement pointé en catimini, mais installé bien confortablement en moi, animant mes désirs. En fait, tout cela, c'était lui. Pas moi. Il me dit :
« - Bravo : tu commences à comprendre... »

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