Chapitre 15 : Le mariage des Mille et Un Rêves

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Le mariage est prévu pour quinze heures à la mairie de Port-Dumac. Mais auparavant arrive le pire du pire (comme je le sentais).
À onze heures, Louis et son père partent se balader sur la plage. De notre chambre, je les vois de loin tous les deux, puisque la fenêtre est assez haute pour me permettre de voir par dessus la dune. Mieux, je les regarde avec la paire de jumelles, puisque c’est là qu’ils les laissent quand ils veulent regarder la mer et les bateaux.
Pour un mariage, Louis a sa tête des mauvais jours. Son père est de dos, donc mis à part sa nuque et ses cheveux blancs, je ne vois pas les traits de son visage. Louis secoue la tête comme pour dire non, tandis que son père la secoue comme pour dire oui.
Ouh-la-la : voilà que Louis désigne la maison comme s’il me voyait, la main levée et l’index tout droit, en le secouant de toutes ses forces. Oui, oui, un doigt u genre accusateur. Très en colère. Mais non, il ne peut pas me voir. En oure, il y a le reflet de la vitre, et le soleil est par derrière leur baraque : ah je serais une bonne espionne, moi ! Je me recule quand même un peu dans l’ombre. Ils continuent à discuter, puis reviennent vers la maison. Louis a la tête toute basse.
Ah, pour un mariage je n’ai jamais vu un père aussi soucieux !
Quant à Louis : qu'il est renfrogné pour le plus beau jour de nos vies !
Comme je l'entends remonter à la chambre, vite je replace les jumelles, me couche dans le lit comme si je me venais juste de m'éveiller. À son entrée, je l’enlace et lui fais un gros bisou d’amour - auquel il répond à peine.
Il redescend après m'avoir marmonné je ne sais quoi.

Idée : je vais aller écouter derrière la porte si son père dit quelque chose à sa mère. Hélas, dans la cuisine, il y a tout le monde, père, mère, oncle, tante, un copain de lui (sorte de grand dindon à toujours revendiquer des attentions), plus son ami d’enfance. Comme le grand échalas à tics avec dix ans de plus que Louis prend son café, j’en demande un à sa mère. Elle me crie :
« - Ah pourquoi pas, je n’ai que ça à faire ! » Mais elle le fait et le jette presque devant moi, avec la petite cuillère. Puis elle retourne préparer le grand déjeuner avec tous les autres. Je m’ennuie.

Je remonte dans la chambre : Louis n'y est pas. Je retire ma nuisette, m’habille et le cherche : nulle part. Je regarde aux jumelles : il n'est pas non plus sur la plage. Je vais voir dans le jardin : il n'y est encore pas. Aurait-il fui ? Je décide d’aller le chercher en remontant vers le camping, puisque c'est là que dorment ses autres amis. Je suis un petit sentier qui longe la route, derrière les gros buissons d’épines qu’il y a partout ici car, hormis la maison de mon chéri, ce n'est que de la lande peuplée de lapins et crapauds. Ah, je les vois ! Louis est avec ses amis, ils viennent vers la maison pour le déjeuner. Comme ils marchent sur la route, ils ne me voient pas. Je m’assieds, ce qui fait que même s'ils le voulaient ils me verraient encore moins.

J’entends les éclats de voix se rapprocher. Je les ai à zéro, je peux te le dire, P'tite Gueule. C’est Thierry, son meilleur-ami-pour-la-vie, qui parle. J'ai découvert qu'il était une sorte de conseiller en psychologie pour mon Louis, avec son allure de mini-Gainsbourg - un chanteur de l'époque jamais rasé, débraillé chic et avec une voix d'alcoolo. Ah celui-là je peux te le dire, c’est un mini-docteur Dupuy : je n'aime pas sa façon de me regarder : j'ai l'impression d'être son sujet d'étude et, plus il m'étudie, plus il semble catastrophé, plus il semble avoir de la peine. Mais là, il blague et tous rigolent. Sûre que lui, la blague, c'est la seule chose qu'il sait faire dans la vie :
« - … Ah mais je l’ai engrossée… », voilà tout ce que j’entends d'abord, dit avec l’accent paysan par le mini-Dupuy. Puis celui-ci continue :
« - Oh putain ses amis dentistes, les gros lourds, ce sont pas des vannes qu'ils servent, mais des carcasses de cochons. Mon Louisou, t’es cerné ou quoi ? Il te faudrait les Tontons flingueurs : ils les dégommeraient un un à un, pfouit, pfouit... Et t'as vu celui qu'ils appellent Bébert ? T'as vu la touche ? On dirait du plat de côtes enrobé dans un costard de luxe ! Et sa Porsche... »
Le troisième, Louis-Henri, celui que Thierry surnomme le « nègre blanc », car ils s'envoient des vannes affreuses entre eux, éclate d'un grand rire :
« - En fait, ce mec c''est une chimère. Il a été inventé dans un labo : ils ont mis les jambes d'un dindon, le corps d'un cochon, la tête d'un microcéphale, les dents d'un hamster et les lèvres de Brigitte Bardot... »
« - Tu rajoutes les seins de Brigitte, un porte-jaretelles et tu le mets en poster au-dessus de ton lit... »
« - Oublie pas de plastifier, sinon tu vas mettre du blanc partout ! »
La veille, ils m'avaient fait croire que Louis-Henri était un addict de la branlette, que lorsqu'il parlait à une fille il sortait tranquillement sa zigounette, tandis qu'elle lui répondait. Puis il la remettait. Mais, vue son allure, il a tout à envier à Bébert qui le coiffe aussi au poteau question nanas.
Ils hurlent de rire, ces trois-là qui semblent à peine sortis des lycées de leurs quartiers de prétentieux, entretenus par leurs parents, gagnant à peine leurs vies tant ils sont incasables, tant ils font peur aux recruteurs - d'après Louis, qui ne manque pas d'anecdotes délirantes à leurs sujets. Il les apprécie pour leur « créativité D.E.B.R.I.D.E.E. Avec eux, tu ne sais jamais comment ça va se passer. Tu peux commencer dans la Goutte d'Or et finir à Saint-Tropez ou à Zuydcoot - ou des fois à Sainte-Anne, hélas pour Thierry ». A Vinneuf, on dit de ce genre de personnes qu'elles sont des « Commencés jamais finis », des « P'tiets de bidets ». Quant à l'oncle de Louis, président de je-ne-sais-plus-quelle-grande-société du « CAC 40 », il a dit à ma future belle-mère qu'ils étaient des « cas psychologiques, des ratés, et limite SDF et cas social pour le plus grande gueule - Thierry. » Sous-entendu : qui se ressemble s'assemble.
Je n'entends pas ce que répond Louis, car ils sont déjà passés, mais il me semble bien qu'il a ri avec tous les autres. Ouh-la-la.
Quand je reviens, la tante me rassure un peu, car elle dit à Louis :
« - Je n’ai jamais vu un tel calme avant un mariage ».

Je remonte dans notre chambre où il arrive pour se changer en marié :
« - Tu regrettes pas de m’épouser, mon Louis, ta petite chérie s’inquiète tu sais… »
« - Mais non. » Habillé, mais sans cravate ni veste, Louis ressort illico de la chambre. Ouais, j’y crois pas. Où sont ses copains ? Je traverse toute la maison : ils sont assis en rond dans le jardin de l’autre côté, sous les fenêtres. J’écoute. Mais ils déconnent, encore et encore : j’aime pas leur manière de déconner, on croirait l'Eurovison de la blague. Ils adorent Les tontons flingueurs. Ils sont en train de les imiter, encore et toujours. Jamais en Dentaire on ne faisait de ce genre d’humour !! Qui d’ailleurs aurait eu l’idée de regarder ce vieux film ?? Soudain, Thierry se lève : sûre, il va aller mendier son dizième café de la journée à la mère Lathérèse. Il va se faire recevoir, j'en ris d'avance ! Elle lui a dit dix fois de ne pas entrer en fumant dans la maison, mais il a encore oublié, on croirait qu'il se déplace à travers un nuage. Il a les yeux fatigués, un peu dans le vague, celui que Louis surnomme le mini-Gainsbourg. Juste un instant, il regarde vers l'ombre du volet derrière lequel je l'observe, mais je suis invisible. Refait, le gars !

Ouh-la-la : je descends dans la salle-à-manger pour le repas, je prends ma place à côté de mon chéri, qui mange à peine (maintenant, j'ai appris à comprendre ce que cela signifie). De toute façon, moi aussi j’ai l’appétit coupé. J’essaie de parler un peu à son père, mais il semble gêné. Jamais auparavant il ne m’avait fait le gêné, celui-là ! Maintenant, je suis sûre de chez sûre que sur la plage, tout à l’heure, Louis lui parlait d'annuler le mariage ! Quand les copains revenaient avec Louis, c’était que lui avait été les voir pour leur dire. Son père a dû lui dire que c’est trop tard, car je suis enceinte. Du coup, les autres se moquaient de sa tronche avec leur histoire « d’engrossée ». On me la fait pas, à moi. Oui, tu connais bien ça quand tu es de la campagne : là-bas, si un gars engrossait une fille, le curé le forçait à l’épouser. La mère, quant à elle, me regarde à peine, en rage. Mais celle-là, de toute façon, elle est toujours en pétard, Jenny me l’a bien dit au Dispensaire. Mais tu vois, dans mon état d’esprit, je me dis : c’est sûr, la mère de Louis me voit comme une manigançeuse, maintenant !
Oh-la-la ! Après le repas, je mets ma super-robe, pas l’énorme que j’avais choisie, mais la petite rose-bonbon, relevée devant avec des dentelles bouffant un peu comme pour t’offrir, celle que Louis m’avait trouvé dans une boutique du Quatrième arrondissement, à Paris. Celle que j'avais longuement cherché, disait-il, faisait « pâtisserie », et il n’avait pas l’intention « d’épouser un chou à la crème ». Il a demandé à la voir, ce douteux, alors que ça porte malheur, chacun sait ! La honte d’ancienne paysanne de Vinneuf que je me suis payée, ce jour : mais c’est vrai qu’elle est parfaite cette robe de princesse. Et mon Louis est parfait dans son costume, oh qu’il est beau, oh qu’il est beau.
Mais moi je l’aime, Louis !

A quatorze heures trente, la noce file à la mairie. On se retrouve tous devant le bâtiment. D'un côté, les amis de Louis, de l'autre mes amis, et les deux familles, de part et d'autre. Moi je suis dans ma rose blanche et rose, magnifique. Je suis la reine du jour. Je suis moyennement grande, certes, mais la mère Lecourtois est toute menue : le hasard me conduit devant elle, moi, bientôt l’aut’ Thérèse Lecourtois. Je la fusille du regard, de derrière mon menton levé ! Tiens, voilà pour le coup du café de ce matin ! Elle me regarde en écarquillant les yeux, sans paraître comprendre.

Oh !! De loin, j'avise Bébert dont la Porsche noire se voit comme une cerise sur une dentelle parmi les voitures toute blanches ou argentées.
Il est bourré, sûre de chez sûre. Sa femme l'engueule, d'ailleurs. A chaque noce, il faut qu'il se bourre la gueule, par « nostalgie », dit-il, de nos soirées de beuveries de la Rue de la soif, à Rennes - il s'est fait viré de la fac à la suite de la plainte d'une Première année. A l'époque, c'était pas Mee//Too où t'oses même pas sous-entendre que tu pourrais sous-entendre lancer une invitation, il fallait vraiment accomplir un exploit spermatique pour cela. Puis un autre de mes amis, bourré aussi, vient jusqu'à Louis. Sous le soleil qui cogne, avec en plus l'alcool qui la vasodilate totalement, il dégouline de sueur. Il a tombé la veste, à la façon d'un mec bourré, c'est à dire en la tirebouchonnat et en la lançant au loin sur l'herbe. Il a remonté ses manches non pas jusqu'aux coudes, mais jusqu'aux épaules, comme s'il voulait transformer sa chemise Hugo Boss en débardeur. Quant à sa cravate, il l'a enroulée autour de sa tête. Affectueux, il passe un bras autour de l'épaule de mon chéri. Pourvu qu'il ne mouille pas sa veste avec sa sueur. Je n'ai couché qu'une seule fois avec lui, justement parce que sa sueur sent l'aigre - et que j'ai dû prendre trois douches d'affilée pour m'en défaire.
Il a les lèvres trop humides, aussi. Il embrasse pas, il bave.
Pas comme mon Louis, à qui il dit :
« - Salut Monsieur le Ministre... T'as fait anatomie ?… »
Il empeste l'alcool, je le vois au nez de Louis qui se referme.
En plus, je me demande s'il n'a pas collé ses lèvres à l'oreille de mon chéri - mais je ne le vois pas d'ici. Dégoutté, Louis dit sèchement :
« - C'est quoi le rapport ?… »
Louis est de plus en plus furieux, d'autant que l'autre va presque à se frotter sur son flanc. Louis ne comprend pas qu'il veut jouer à bite-cul, c'est-à-dire à la chenille, un truc de carabin et d'études médicales où les mecs se collent les uns aux autres en mettant leurs bites dans l'entre-deux-fesses de celui devant. Ah les rigolades ! Mais mon ami est tellement bourré que, sûre de chez sûre, il a oublié que la danse était prévue pour ce soir, entre deux valses chics, deux rockn'n roll classiques et le disco classique bon chic-bon genre. Mes Dentaires à moi ont manigancé de faire jouer par l'orchestre La danse du canard pour foutre la merde chez les bourges de Paris. Ils me l'ont-ils dit en me mettant dans le secret : j'en suis pliée de rire à l'avance.
J'interviens, c'est-à-dire que je rabroue :
« - Sois gentil mon chéri, fais pas le coincé : mon pote veut juste rigoler un peu… »
Mais Louis ne l'entend pas de cette oreille. Car le mot « anatomie » a fait tilt en lui :
« - Peux-tu développer le rapport entre Patricia et l'anatomie ? Je ne te le demanderai pas deux fois… »
Et voilà Bébert qui regarde la scène, à présent ! De toute mes forces, je pense :
« - Non, Bébert, tu ne viens pas, restes où tu es ! »
Mais il s'aperçoit que je le regarde et - sûre -, il imagine que c'est pour qu'il nous rejoigne. Avec l'allure raide qu'il prend quand ça se met à tourner pour lui, il se met donc en route. Un pas... Ok-dac c'est bon, un autre, voilà c'est lancé. Je manque d'éclater de rire. Une chance, pour moi : qu'il oublie sa première idée, ou s'égare dans la foule. Cela lui arrive trois fois sur quatre dans cet état ! Hélas non, c'est la merde, car il réussit à arriver. Là, il s'immobilise et fait un pas de côté pour se placer contre mon ami qui a posé sa main sur l'épaule de Louis, et que celui-ci essaie de retirer. Bébert prend mon ami par la taille, pour se retenir, tandis que l'autre en fait pareil. C'est sûr qu'à quatre jambes on tient mieux. Encore, je manque de rire. Et mon ami contre Louis de dire :
« - Je te présente le prof d'anatomie de Pat'… »
Il y a quarante-huit heures, après être sortie du cabinet du docteur Dupuy, je jurais sur la tête de ma famille que Bébert n'était pas le prof d'anatomie à la Porsche avec lequel j'avais couché ! Soudain, comme mon premier ami continue à se frotter contre Louis, celui-ci se retourne et le pousse brutalement. Jamais-jamais j'aurais pensé cela de Louis ! Comme ils sont fin bourrés, mes deux potes manquent de tomber : à leurs yeux ronds, je vois qu'ils sont éberlués ! Comme toute la noce, d'ailleurs, qui s'est arrêtée et nous regarde ! Oh-la-la... Bref, voilà comment Louis a su que je lui avais menti sur Bébert, qu'il était mon prof d'anatomie, et sans doute a-t-il pensé qu'il était vraisemblable que nous nous embrassions - à la fameuse soirée de l'hiver, où Bébert me tenait serrée contre lui, ses mains sur mes hanches, tandis que je riais et le repoussais.

Puis, comme plus rien ne se passe, les petits groupes recommencent à parler, d'autant plus que la noce de quatorze heures trente a pris du retard. Mon bouquet à la main, tous sourires et ne sachant que dire à Louis, je vais vers Papa et Maman chercher un peu de réconfort. Toute ma famille est là, regroupée et endimanchée. Je m'y sens soudain tellement bien, comme dans un cocon, comme dans mon vieux berceau. Ici, mis à part les obsessions de notes de Papa, je suis toujours leur petite fille, je n'ai pas à faire de montre, à jouer la duchesse, à me déguiser en princesse naphtaline, à « être au niveau ». De temps en temps, ils jettent des regards vers la famille de Louis, pas davantage car ils n'osent pas se mêler à eux. Ils imaginent qu'ils seront moqués, et ils m'admirent de pas pas l'être, de faire front. Ils n'ont pas vu comme moi l'oncle du CAC40 avec sa barbe, les mains plongées dans les légumes, allant et venant avec ses bouteilles, les débouchant, les goûtant, suivi par son clébard petomane qui, assis pendant les repas sous la table de famille, nous envoie depuis deux jours ses odeurs. Pour toute ma famille c'est comme un autre monde. C'est du moins l'idée qu'ils s'en font. Elle suffit à les rapetisser dans leurs propres imagineries. Alors que tu dois y aller à la hussarde, braquemard et belles paroles devant, en drapeaux. Même moi je le dis, les Lecourtois ne sont pas des vaniteux, à part Louis qui aime se la jouer - tant il est peu sûr de lui-même.
Maman, dont je vois bien qu'elle est dans le coltard des grands jours, me demande alors :
« - Pourquoi vous vous êtes pressés comme ça ? Vous auriez dû attendre trois ans, peut-être. C’est ce que ton frère a fait. »
Papa la fait aussitôt taire :
« - Ils ont attendu sept ans pour se retrouver, c’est tout, et ils se connaissaient déjà ! C'est donc logique. C’est pourquoi tu as l’impression que ça va si vite. Alors que non. Tu te montes encore l’imagination. »
Mais Maman insiste :
« - Pourquoi faire une noce aussi chère, à La Baule, et à L'Hermitage en plus ? »
Je suis indignée ! Là c’est moi qui la fait taire :
« - C’est les Lecourtois : ils s’imaginent pas faire une noce autrement !! Ils font ça tout le temps. Grand-pères, arrières-grand-pères, tous. Ils peuvent pas imaginer faire autrement. Tu vois ce que ça représente pour ta fille ? Tu vois ce que je veux dire ? Pourquoi me faire du mal maintenant en plus ? »
« - Oui ma chérie, tu as raison : mais nous on en paye quand même la moitié. Tu vois avec nos salaires d’institut’ ce qu’on sacrifie pour toi ? »
« - Arrêtes Maman c’est comme ça, voilà tout. »
« - Pourquoi ton frère alors ça a été tout simple ? Puis sa famille de Thaïlande aurait pas eu les moyens… Ils ont même pas pu venir, alors que sa femme est si gentille. C’est un délice, cette petite. Comme elle s’occupe bien de son petit bébé. Lamaï… »
Papa s’énerve, bien forcé :
« - Allons, allons. Tu fais revenir mon mal de dos. Tu vas continuer à parler comme ça encore combien de temps ? Prends un cachet maintenant et tâches de plus nous faire honte ! »
Discrètement, Maman fait comme il a dit, en répétant plusieurs fois :
« - Il y a quelque chose, il y a quelque chose… »
Puis elle se tait. Ces cachets, c’est miracle. Et voilà, et voilà, c’est encore mon frère, toujours mon frère, qui fait toujours tout mieux que moi !! Papa prend gentimment la main de Maman :
« - Finie l’angoisse, maintenant ? »
« - Oui, oui, finie. Bien finie. » Je te jure, ces trucs c’est comme une anesthésie dentaire du cerveau, sauf qu’au lieu de te faire piquer tu avales les molécules. Ce serait bien que Louis en prenne.

Ah, ça y est, l'autre noce est partie.
Je retourne vers Louis lui prendre la main. Mais c'est qu'il ne va pas me la donner, ou quoi ?? Puis, finalement, si, mais c'est service minimum. Je mets les pieds dans le plat car maintenant c'est à mon humeur de monter en graine et de porter fruit :
« - Tu ne vas pas aller à me dire '' non " quand même, devant tout le monde… »
Louis me fait :
« - Tu as d'étranges idées, parfois… »
Donc il ne dit ni oui ni non. C'est du Louis tout craché, ça. Nous voilà devant le maire, tandis que les gens finissent de s'installer sur les chaises, derrière. Je découvre alors nos anneaux de mariage : un gros en or pour moi, un petit en or pour lui. Je fais des yeux ronds ? Il les a pas pris pareils, ce chat-crotté, tous deux gros et en or ? Mais j'ai l'air de quoi, moi ? As-t-il voulu économiser ? Pour la même raison qu'il a dit : « - On ne poussera pas les frais davantage, pour le voyage de noce on le fera quand on pourra se le permettre. Mes parents ont proposé de nous le payer, mais j'en aurais eu du remord... »

Oh que je suis en colère : les anneaux, c'est la goutte d'eau qui fait déborder mon vase de la patience ! Mon bien cher Louis, que tu me dises dans cinq minute devant Monsieur le maire « Oui » ou « Non », et sachant qu'en plus tu m'as privé de la bénédiction nuptiale que nous proposait Monsieur le curé, au motif que j'étais « athée » et que cela « eût été insincère » - sous-entendu insincère de ma part (j'avais bien compris) -, en conséquence de tout cela, mon bien cher Louis, eh bien ce soir tu feras Tintin dans la suite nuptiale qu'on nous avons eu en prime à L'Hermitage somptueux de La Baule (et ce si on prenait, en plus du dessert pour tout le monde, une farandole de chocolats du Chef. Ce qui est gratos se paye double quand on me cherche) !

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