Chapitre 27 : La Petite Pionnière et ses camarades

14 minutes de lecture

Nous sommes le soir. Louis n'est toujours pas rentré de son escapade chez son ami. J'ai dû m'occuper seule d'Arthur, avec ses « Pourquoi Papa il est pas là ?, Est-ce qu'il est chez Benjamin ?, Pourquoi y me l'a pas dit ?, Dit Maman, Papa y m'aime plus ?, Pourquoi tu veux pas regarder Mister Bean avec moi ?, Pourquoi tu me lis pas d'histoire ? », etc., etc. Je l'ai couché et me suis mis des bouchons d'oreille pour ne plus l'entendre pleurer, tant il m'angoisse, tant, lui, mon propre fils, m'angoisse. J'ai tout fait pour que Louis ne revienne pas ici ce soir et, ce que je prends en boomerang, c'est cette solitude d'où surgit cette angoisse satanique - à nouveau, quand je suis seul avec Arthur.
Soudain, le téléphone sonne. C’est Andrée !

Ca doit être grave ! Forcément, ce n'est jamais elle qui appelle. A sa voix, et surtout à ses reniflements, je comprends qu'un drame terrible a eu lieu...
« - Andrée, Bon dieu d’bon dieu mais qu’est-ce qu’il y a ? Ton frère est mort ? »
« - Non… je pleurerai pas, j’crois pus au Père Nicolas, ce serait trop beau. Non, non, c’est la cata ! »
« - La cata de quoi ? T’es malade ? »
« - Ah je t’expliques : tu sais que je suis communisse ? »

Pour qu'elle reparle comme une petite fille, cela doit être plus grave que grave...
« - Oui, depuis tes onze ans et Pif Gadget... »
Elle radote !
« - Oui-oui ça tout l’monde le sait. Ce que personne ne sait, c’est que je suis à la Ligue communiste révolutionnaire depuis la fac de psycho… »
« - Mais ça je sais : la Ligue communiste révolutionnaire. La LCR ! Tu me prends pour une conne ? »
« - Sauf que j’ai pas dit que c’était la Ligue communiste révolutionnaire ‘‘ léniniste ’’ ! »
« - Mais si ça aussi je sais, ‘‘ le petit père Lénine ’’ et tout ça : tu m’as montré les photos de son tombeau et tout-et-tout. C’est comme la momie de Toutankhamon que j’ai vu avec Louis… »
« - Mais j’ai pas tout dit : la Ligue communiste révolutionnaire léniniste c’est pas du tout la Ligue communiste révolutionnaire ! »
« - Ah bon, euh… »
« - On est un peu comme l’élite des révolutionnaires ! »
« - Oui et alors ? »
« - Mon copain est de la LCR-L, tu vois ! »
« - Eh ben ? Pour de la chance c’est de la chance, ton copain est de la même ligue que toi, c’est super ça ! Pourquoi tu m’as jamais dit, d'ailleurs, que tu étais pas à la LCR, en fait ? »
« - Je pouvais pas… Mon copain m’a quitté ! »
« - Merde de chez remerde : il en trouvé une autre ? »
« - Non ! Ils m’ont éjectée de la LCR-L ! »
« - Excuses-moi, Andrée, maius je vois pas le rapport entre ton copain qui t'a quitté et la LCR avec je-sais-plus-quoi-comme-lettre derrière... D'ailleurs, pourquoi tu ne pouvais pas le dire que t'étais pas à la LCR, en fait ? Ah non, à la fin, tu me fais des cachoteries ! On est les-meilleures-amies-pour-la-vie, ou pas ? On se dit toujours tout, puis voilà que j’apprends que non ! La peine que ça me fait ! »

Ma voix se tord, je suis au bord des larmes. Je suis jalouse, voilà !
« - Ma pov Pat’ c’était pas contre toi : c’était pour préserver la clandestinité, comme les vrais Léninistes. J’avais ordre de ne pas te dire que mon copain était de la LCR-L : quand le Parti ordonne, tu cherches pas à comprendre, tu obéis ! Le premier ordre c’est de pas dire qu’on est à la LCR-L : on prétend faussement qu’on est à la LCR, donc ! »
« - À la LCR ? »
« - Oui, à la Ligue communiste révolutionnaire. Nous leur repprochons d'avoir abandonné la lutte armée. En fait, entrer à la LCR-L c'est comme aller retrouver les origines du mouvement bolchevik... C'est-à-dire être d'abord une élite ouvrière. En quelque sorte, le LCR-L est l’élite que n'est plus la LCR ! »
« - Mais pourquoi vous ne le dites pas, que vous êtes l’élite de l'élite ! Ça va foutre les autres en rogne et ça pose là ! »
« - Surtout pas : quand tu veux faire la vraie révolution tu dois rester secret. On doit pas savoir que t’es un militant révolutionnaire, rapport à l’État capitaliste. »
« - D’accord, mais sauf à Paulo pisque vous en parliez ensemble, comme il a dit au déjeuner avec Heinrich. »
« - Justement, un militant de chez nous m’a suivi ce jour : et ils ont vu que j’allais chercher Paulo à son travail, au quartier général des gendarmes... On est bien resté à discuter deux heures. Et que de là on est allé rejoindre Heinrich et toi. »
« - Louis t’aurait fait suivre ? »
« - Non, laisses ton mari, il a rien à voir là-dedans : comme je disais, c’est un militant que je ne connaissais pas qui m’a suivi. Ensuite, ils ont fait des recherches sur moi. Comme le lendemain ils m'ont vu partir à Genève.… »
« - A Genève : qu'est-ce que tu es allée faire à Genève dès le lendemain de notre déjeuner ? T'es jamais sortie de France ? Toi à Genève ? »
« - Ben oui, quoi ! J'ai passé la nuit chez Paulo et au lieu de rentrer au Mans je suis allé avec mes bouteilles à Genève pour les mettre en vente. Ils ont un commissaire-priseur spécialisé dans les vins, là-bas. Le meilleur du monde. C'est Heinrich qui m'a filé l'adresse... »
« - Tes communistes d'élites ils t'ont suivi jusqu'à Genève ??? »
« - Non, quand même : mais au déjeuner ils ont vu Heinrich me remettre les bouteilles, et moi les mettre dans mon sac ! »
« - Parce qu'ils étaient là, ces putois ? »
« - Pas tous, mais un, oui... »
« - Mais après ? »
« - Après, de Genève, je suis rentrée au Mans le même jour. Et là je file chez mon copain, j'étais tellement heureuse. A Genève, ils m'avaient dit que ça devrait partir pour deux-cent mille Francs... Je lui ai montré le reçu et l'estimation... »
« - Y devait être super-content ! »
« - Ouais, il avait l'air content. Le lendemain, il m'a rappelé pour me dire qu'il y avait réunion à la cellule de Paris ce samedi... »
« - Quelle cellule ? Ils voulaient te foutre en taule… ?
« - Non, c’est comme ça que s’appellent nos groupes : des ‘‘ cellules ’’. Je te l'ai jamais dit ? Bon... peut-être... Bref, quand hier soir je suis arrivée à la cellule de Paris, ils ont fait mon procès. Ils savaient tout. D'abord, parce qu'ils m'avaient suivi et vu prendre le TGV. Ensuite, parce que mon copain leur a dit pourquoi j'avais été à Genève ! Ils savaient tout : les bouteilles, Genève. Ils savaient que Paulo était mon meilleur ami d’enfance. Soi-disant qu'il est planton, mais pas du tout... Il est spécialiste de l'Extrême-gauche chez les gendarmes : il est une espèce d'agent-secret des gendarmes... »
« - Paulo, agent-secret ? Mais il veut devenir garde-républicain à cheval... »
« - C'est vrai, mais en attendant il fait ça : il nous espionne... »
« - Mais vous êtes bons à espionner ? Par Paulo ? Tu délires, là ? Alors on peut plus lui faire confiance ? »
« - Mais si ! Jamais y m'a rien demandé sur la LCR-L : il m'en a causé la dernière fois, mais juste pour me dire ce qu'il faisait en en réalité-vraie, puis qu'il allait devenir garde-répubicain : avec sa femme, ils sont en grand déménagement pour une caserne, rue de Babylone, à Paris... J'ai vu les cartons ! »
« - Bon ! Ben on s'en fout alors... »
« - Mais non, pas du tout ! Le doute était sur moi ! Ils connaissaient aussi mon projet d'appartement au Mans. Et ils savaient que je connaissais Heinrich. Outre Paulo, le problème c'était Heinrich ! D'abord, il ne s'appelle pas Graff, mais Schmidt ! Ensuite, il n'est pas Alsacien, mais Allemand. Et pour le meilleur, tiens-toi bien : sous la dernière guerre, il était SS... Ils était une sorte de policier, mais en France, au Mans... Il y traquait les terroristes... Euh, les Résistants... Et c'est comme ça qu'il avait connu Pépé, avec lequel il trafiquait. Quand les Américains ont occupé l'Allemagne, il est revenu se planquer à Vinneuf, où il a été nommé commissionnaire d'une entreprise de chimie pour les engrais et les pesticides qui travaillait pour eux pendant la guerre... C'est un ancien Nazi ! Pour autant, quand je lui ai dit que je voulais entre à la LCR-L, il m'a encouragé ! Il m'a dit que c'était l'occasion de me former. C'était quand j'ai dû arrêter mon DEUG de psycho, puisque mes parents refusaient de me payer davantage d'études... Il avait raison : tu imagines pas ce qu'on apprend... Dialectique, tactique, économie politique, dialectisme historique... »
Là, elle me soûle, Andrée. Dès qu'elle cause grands mots, c'est systématique. Je la coupe :
« - Mais pour Heinrich, on s'en fout, c'est des histoires d'Anciens combattants. Il nous a sorti de la mouise pour le Bac ! Il nous a toujours aidé. C'est ça qui compte ! Et toi il t'a encouragé à continuer tes sortes d'études... »
« - Je suis bien d'accord, mais tu comprends, on a le droit de rien cacher à nos camarades.... »
« - Nos camarades ? Tu veux dire nos meilleurs-amis-pour-la-vie ? »
« - Mais non ! Rappelles-toi : " camarades ", c'est comme ça qu'on s'appelle entre nous... »
« - Ah oui, merde ! Eh ben c'est pas tes meilleurs-camarades-pour-la-vie ! »
« - À la fin, dans le jugement, ils ont dit que je n’avais peut-être pas balancé les camarades, mais que ne pas tout dire au Parti c’est mentir au Parti. Un mensonge par omission, comme dirait ton Louis. Et qu'en plus c’était une faute tactique : que, s’ils avaient su que j'avais ces relations-là, ils auraient pu noyauter… »
« - Dans le jugement ? »
« - Ben oui, j'ai été jugée... »
« - J'y crois tellement pas que c'est possible que ça peut être que vrai ! Mais ça veut dire quoi '' noyauter '', Andrée ? »
« - En gros, tu rentres dans des grandes boîtes, tu essaies de te placer comme assistante d'un PDG - même standardiste... Tu deviens toi-même gendarme, militaire... espionne, le best... Tu deviens journaliste, tu essaies de te faire une place dans un parti respectable, comme le Parti Socialiste. Mais tout ça de manière clandestine… »
« - Mais pourquoi ? »
« - Parce que l'information c'est le pouvoir ! C'est comme ce que faisait Paulo, mais à l'envers, si tu veux. Au moment opportun, t'appuies sur un levier et tout bascule pour rendre la révolution possible...Pour te prendre un exemple qui te parlera mieux, c'est comme toi qui veut rentrer dans une famille de bourges pour en prendre les rênes... »
« - Ah, je comprends ! Ca me rend conne, tout ça... Excuse : mais tu pouvais pas demander de faire reporter l’audience de ton procès ? Fallait demander à ton avocat… »
« - Mais dans le troskysme, l’avocat dit comme le juge. Sinon il est suspecté de déviance. Du moins c'est comme ça que ça se passe à la LCR-L... »
« - Oh bordel : c’est ce qu’a fait mon avocat. Il est aussi l'avocat de Césario et il a dit pareil que lui quand il a essayé de me reloger ma soi-disante dette !! »

Là, je dois lui expliquer, car elle n'était pas au courant. Je passe sur sa stupéfaction...
« - Tu vois ! » , me dit-elle.
« - Et qu’est-ce qui s’est passé ? »
« - Ils m’ont dit de faire mon autocritique. Si elle était sincère ils me garderaient ! »
« - Une autocritique, c’est quand tu dis du mal de toi ? »
« - Ben oui. »
« - Tu l’as pas faite ? »
« - Si tu la fais pas tu fais plus partie de l’élite révolutionnaire, t’es jetée... J'avais même pas le choix entre blâme, rétrogradation au rang de stagiaire ou exclusion. Bien sûr que je l’ai faite, mon auto-critique. Et de bon coeur, encore ! »
« - Et alors ? »
« - Ils m’ont laissé toute seule à attendre. Ils sont passés dans un autre pièce et sont revenus. »
« - Ils m'ont dit qu'ils étaient prêts à passer l'éponge si je leur donnais un quart de la somme que rapporteront les bouteilles et si je remboursais la note de frais du camarade qui m'avait suivi Chez Françoise ! Car il avait dû déjeuner afin de ne pas passer pour une tarte sans garniture. »
« - J'espère que tu as refusé ! »
« - Et comment ! Cet argent il est à moi. il est ce que ma famille ne m'a jamais donné. Il a fallu que ce soit Heinrich qui me le donne. Alors, qu'il ait été SS ou pas, je m'en fous ! En outre, il était ami avec mon Pépé ! Aussitôt, ils m'ont lu le jugement. Je te le lis, c’est affreux : ‘‘ Malgré les informations que nous a donné notre camarade sur les agents du capitalisme Jean-Paul Laroche et Heinrich Schmidt, prétendumment Heinrich Graff, lequel fut ancien SS placé sous les ordres de Reinhardt Höhn, et réprésente actuellement les intérêts de la multinationale américano-allemande IG-Trade Company-Wolfshölhe Universal, notre camarade Andrée Lecornu nous a caché avoir reçu dudit Heinrich Schmidt des bouteilles de luxe, puis a refusé de s’acquitter de l’impôt révolutionnaire transactionnel que nous lui avons proposé, soit 25 %. Elle a explicitement fait passer sa loyauté avec un ancien SS devant sa loyauté à la LCR-L. En conséquence, Andrée Lecornu est exclue de la LCR-L. Elle ne pourra en aucun cas se prévaloir de la qualité de camarade présente comme passée ’’. Dont acte approuvé par les camarades ici présents, dont Andrée Lecornu, reconnue coupable à l'unanimité. »
« - Bordel de chez rebordel : jamais de toute ma vie, de la vie de toute ma famille, dans les siècles, dans les millénaires, à Vinneuf on aura vu quelqu’un verser vingt-cinq pour cents d'un trésor à une secte ! Ah non mais tu vois un peu ça !! Puis pour Heinrich, ça doit être menteries : Ok-d'ac, je veux bien qu'il s'appelle Schmidt au lieu de Gabel, mon Goblieu me l'a dit... Mais pour le reste : s'il avait été au Mans pendant la guerre, à traquer les Résistants, il ne serait jamais-jamais revenu se planquer à trente kilomètres du Mans, où tous les anciens terroristes de l'époque l'auraient reconnu ! A commencer par mon Pépé, qui habitait à cinq maisons de lui, et qui était chef-communisse... C'est clair comme de l'eau de vie ! »
« - Ah, tiens, j'y avais pas pensé ! »

Mais Andrée repleure. Elle finit par dire :
« - Ils m’ont exclu à vie, c’est fini. Dix ans de révolution et voilà, moi la prolo campagnarde, comme disait Louis, je suis en fait une bourgeoise ‘‘ collaborationniste antirévolutionnaire ’’, une ‘‘ vipère menteuse révisionniste ’’, une ‘‘ trotskyste ’’, une ‘‘ sociale-traîtresse ’’. »
Elle repleure.
« -… et mon copain ! Il s’est levé pour dire qu’il me quittait, pour toujours : ‘‘ On est fidèle au parti avant d’être fidèle à une femme ’’. Et, et là… »
« - Et alors ? »
« - Tout le monde a applaudi !! Tu vois un peu ça, quatre personnes qui applaudissent contre toi ? Imagine que je croyais que c’était aussi mes meilleurs-amis-pour-la-vie, mais cachés eux, et tu comprendras ma détresse ! »
« - Oh les merdeux : mais t’as bien fait pour les bouteilles. Si t’avais été à la rue faute d’appart, ils t’auraient pas versé un loyer révolutionnaire, tu peux en être sûre ! »
« - Ça c’est sûr ! C’est ce que je me dis, mais c’est dur-dur-dur : et me voici sans un ami, sans une amie. Ils étaient toute ma famille. Et sans mon ami ! La vie en cellule révolutionnaire, tu vois, c'est une soirée par semaine, les week-ends de formation, l'organisation des SO - où on préparait tout pour l'entraînement des gars du service d'ordre, dans des super beaux coins -, les stages internationaux, tous les voyages où on partait tous ensemble... Et ça depuis presque dix ans à présent ! C’est comme si j’étais marié au groupe. Ma famille que j’avais jamais eu, c’était eux. Dans ma tête je me retrouve à neuf ans, quand mes vieux m’ont jeté dans la chambre derrière l’étable ! »
« - Eh bien merci pour m’avoir rien dit ! Et merci aussi de la part de Paulo ! Je suis vexée. »
« - Pardon, pardon, je t’en prie. Il y a que vous pour me consoler. Surtout Paulo. Il m’a dit qu’en fait le président était un indic des Renseignements généraux, ainsi que le trésorier et le vice-président ! Je suis tombée de haut : ceusses qui m’avaient viré étaient ceusses qui m’avaient trahi, avec beaux sourires et compliments. »
« - Mais vous étiez combien en fait ? »
« - Je sais pas trop : une centaine… »
« - Rien qu’à Paris ? »
« - Non, là, une dizaine… Je crois… »
« - Et le fameux président, le fameux trésorier et le fameux vice-président étaient-ils parmi les cinq ? »
« - Non, pas le vice-président : mais il avait donné sa procuration… »
« - Attends, peut-être que je n’y connais rien en politique et en lénineries, mais pas en chiffres : je compte que sur tes cinq zigues, enfin quatre en retirant la procuration, deux sont des indics. Ton copain est quoi là-dedans, un autre avec un titre de même genre, par hasard ? »
« - Non, il est le chef de la section du Mans. »
« - Et la cinquième personne c’était qui ? »
« - C’était moi… »
« - T’as voté contre toi ? »
« - Bien forcée si je voulais qu’on me reprenne. Mais vu que j’ai été larguée aussitôt, je demanderai jamais ma réintégration. Jamais t’entends ! »
« - Eh ben je vais te dire : c’est ton copain qui a tout manigancé. Il voulait te quitter mais vu que t’étais militante dans sa section il t’aurait eu sous les yeux, alors qu’il te voulait plus ! Je sais, ça me l’a fait avec Louis. Il y a eu une nouvelle militante récemment, je sais pas ? »
« - Oui, une étudiante de la Sorbonne ! »
« - Au Mans ? Eh ben elle me la sort bien bonne celle-là : voilà, c’est elle. Soit-euh il la drague, soit-euh il est déjà avec elle. D’où elle est pas venue ce soir-là pour pas que tu te doutes ! »
« - Oh putain c’est ça ! Oh mais c’est sûr ! »
« - Et, là-dedans, ils sont tous chef de quéquechose, sauf toi. T’étais leur bonniche ou quoi ? Tu faisais la cantinière aux parties de campagne, tu l'as dit... »
« - Jamais ils m’ont fait monter ! »
« - Et ben voilà t’es débarrassée d’eux : nous, tes-amis-pour-la vie, on t’aidera ben comme il faut ! »
« - Mais comment je vais faire pour retrouver quelqu’un ? Je suis pas gaulée mini-mannequin comme toi, moi. Je peux pas faire ma femme-enfant vu déjà que de dos on me prend pour un mec ! »
« - Mais attends, t’as tellement d’expérience psychologique que maintenant tu repèreras avant d’les voir les mecs qu’il te faut ! T’es devenue sous-marinière et, quand ton sous-marin tirera sa torpille sur ton paquebot-futur mari, il regardera pas si t’as le look de Catherine Deneuve ou çui d’une asperge – non !... Tu ressembles pas à une asperge, c’était pas dans mon idée, c’est le principe ! Uno, arrêtes les pleurnicheries et penses à une nouvelle stratégie : déjà, si t’as plus les communistes t’as les anti-communistes où chercher ! Pareil, si t’as plus les athées t’as les anti-athées, et ainsi de suite ! Passes d’urgence à anti-communisse et anti-athée ! Toi, t’es mannequin des idées compliquées, ça peut plaire à ceusses qui cherchent l’intelligence avant la beauté. Ça existe ! Faut de tout pour faire un monde. Sur quinze milliards d’êtres humains, y-en-a forcément un pour toi ! »
« - Sept milliards et demi et des poussières… »
« - Tu vois, c’est que je disais : t’es un intellect. Trouve un intellect. Quand tu verras un type plein de livres sous le bras auxquels je ne comprendrai jamais rien, il sera bon pour toi ! Toi, dans une famille de bourges : tu vas les aligner, les faire marcher au pas... Moi, à côté de toi, je débuterai toujours... »
« - Oh Pat’ si je t’avais pas… »
« - Tu sais, Andrée, je sais que je suis que sexy, ça me flingue de penser que je vais vieillir. Toi, les idées c’est éternel, toujours jeunettes ! »
Et là nous nous sommes mise à pleurer toutes les deux.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 69 versions.

Vous aimez lire PierreGillesBellin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0