Chapitre 54 : En zone de quasi-absence de Droit
P'tite Gueule, les six mois qui suivirent me permirent d'augmenter considérablement mon pouvoir, en suivant ma recette éprouvée : foncer à l'instinct en causant de grands coups d'Etat dans toutes les directions, si énormes que les autres ne pouvaient même pas imaginer qu'ils en étaient - car entrer dans ces extrapolations les auraient fait douter de leur propre raison. Au fond, quand tu déplace la ligne du possible, les autres restent dans ce qu'ils croient impossible et, ainsi tu peux croître toute à ton aise. Louis aurait dit que j'exploitais les espaces intersticiels de la réalité et démontrais, par cette série de coups de force, que je pouvais subdiviser des grandeurs finies à l'infini... Explications...
De retour à Paris, nous allons passer un week-end en Bretagne avec Arthur pour visiter la maison, de plain-pied, immense, en bords de la vilaine. Trois millions.
« - Je me demande si ce n’est pas une folie », me fait Jeannot.
La folie ? C’est moi qu’elle guette si tout ne se passe pas exactement selon mes plans, le sait-il celui-là ? Mais je cache soigneusement la colère que m’inspirent cette réflexion et cette allusion perfide – je sais pas de quelle manière, mais on en reparlera, mon petit bonhomme. Pour le moment, je dis seulement :
« - Tu n’aurais jamais d’autre occasion comme celle-là : mais je ne veux surtout pas que tu le fasses pour moi ! L’important est qu’ainsi tu verras ton Petit facilement dès que tu reviendras de croisière… Il n’y a pas plus de trois cent mètres entre vos deux maisons… »
Nous revenons vers le négociateur. Sur vingt-cinq ans, cela fait à Jeannot des mensualités de dix mille Francs par mois… Il doit bien constater qu’il peut le faire…
Pour pousser la vente, je fais :
« - Dès que je serais installée, je t’en reprendrai trois mille… »
Oh la joie du négociateur ! Pour moi aussi, c’est une bonne affaire : à Saint-Mandé mon loyer est de cinq mille. Cela va si vite que Jeannot a pas le temps de penser - tout comme Louis, jadis. Nous signons l’achat début octobre, avec un accord tarabiscoté selon lequel je prends un pourcentage de la propriété, quand je serais installée dentiste - à partir d’un certain chiffre d’affaires. Mon avocat supervise le travail du notaire dans le dos de celui-ci : je serais propriétaire de vingt-cinq pour cents de la villa - quand je me serai réinstallée professionnellement. Il me prévient :
« - Comme vous n'êtes pas mariés, on pourrait penser que voir ami actuel se précipite trop et prend des risques : on a vu parfois que cela pouvait avoir des conséquences juridiques… »
« - C’est pourquoi j’ai fait mettre qu’en cas de séparation il gardait l’entière propriété ! »
Il y a un silence et il ajoute :
« - Mais votre mari est d’accord ? »
« - Jeannot ? Mais nous ne sommes pas mariés ! »
« - Non, le père de votre fils : il est d’accord ? »
« - Bien sûr ! Je dois l’appeler ce soir pour finaliser. Dès que Jeannot sera parti pour Roissy : pour l’instant, il est au Monoprix en train de finir les courses et dois passer chercher Arthur à la Maternelle. Je l’appellerai quand il l’aura couché, que je sois seule et tranquille. »
Arthur endormi, je regarde Friends : je sais, P’tite Gueule, cela fait cinq fois que je regarde cet épisode, j'en connais par cœur chaque réplique, je m’amuse à les dire avant les acteurs. Mais je n’ai pas envie d’appeler Louis : tout va si bien jusqu’à présent que je resterais volontiers ainsi, heureuse, tranquille, dans mon gros pyjama blanc - avec les chaussettes tricotées par Maman.
Tiens, mon Sans-fil sonne : ça doit être Jeannot.
Il a dit qu’il m’appellerait avant d’embarquer à Roissy pour les Caraïbes. Il m’énerve, soudain. Je suis si bien, je n’ai nul besoin de parler. Bon, je décroche :
« - Louis ???!! Qu’est-ce qu’il y a ? »
« - Est-ce que tu peux m’assurer que tu ne vas pas partir en Bretagne avec Arthur ? »
« - Pourquoi cette idée ? »
« - Parce que j’ai eu l’idée bizarre d’acheter le Nouvel Obs et ma mère a eu l’idée bizarre de le laisser ouvrir sur sa page des annonces immobilières, celles qu’ils mettent à la fin pour faire rêver les bobos frustrés de gauche qui croient aimer le peuple : Arthur m’en a montré une, là, la contemporaine à un niveau devant la Vilaine en disant que c’était là qu’il allait habiter avec Jean-Philippe et toi l’année prochaine ! C’est curieux que tu n’aies pas pensé à m’en parler… Je suis en train de regarder le jugement de divorce et si je compte les jours où j’ai Arthur et les jours où je le fais déjeuner, il s’avère que nous avons une quasi-garde conjointe… Mais je sais que tu as l’oubli facile - en dehors de la rancune… »
« - Oh… Oui, j’allais t’en parler, justement… »
Je me mets à pleurer :
« - C’est horrible, horrible, mais je vais devoir déménager l’an prochain, ils ne veulent plus de moi au Dispensaire…. »
« - Tu veux que je t’aide à trouver une collaboration près de Saint-Mandé ? »
« - Mais de quoi te mêles-tu ! »
« - Tiens, tu ne pleures plus tout d’un coup… Là, Arthur a enfin trouvé un équilibre mais non, tu remets le couvert. Tu t’imagines dans sa peau ?? »
Je me remets à pleurer :
« - Oui, oui, je le sais bien mais je ne peux pas faire autrement… Je suis écartelée entre mon amour pour Jeannot et mon amour pour Arthur… Mais on ne peut pas faire autrement ! Jeannot a dû se séparer et pour l’équilibre de son fils il a dû accepter une garde conjointe… Sa femme ne lui a pas laissé le choix, ça a été horrible pour nous deux. Je dois penser à tout le monde, moi ! »
Je finis en sanglotant, mais pas trop fort pour ne pas éveiller mon P’tiet !
« - En somme, t’as décidé que ça t’arrangeait d’arranger les affaires de Jean-Philippe par rapport à la garde conjointe d’un gamin - dont tu n’as rien à foutre de l’équilibre -, au détriment de ton fils - dont tu n’as non plus rien à foutre de l’équilibre -, le tout parce que t’as amené un type à quitter sa gonzesse - dont tu as encore moins à foutre de l’équilibre - juste parce que ce type a du fric…. »
« - Oui, oui, je le sais, mais j’angoisse tant après mon avenir matériel… étant donné que je suis précaire au Dispensaire… Comme toi, d’ailleurs… »
Et je pleure de plus belle.
« - Le tout sachant que tu dis toi-même que tu es incapable de vivre à temps plein avec un homme ! »
« - Oui, je le sais… Mais il est parti la moitié du temps, donc je pourrais gérer… »
« - Sachant que dans les cinq dernières années tu as été avec quatre mecs différents, ce qui te fait une moyenne de treize mois par mec… sans compter tes célèbres à-côtés ! Avec un mec à mi-temps à l'autre bout de la planète, sûr que c'est plus facile de s'éclater... »
« - Oui, je sais, je sais, c’est un gros défi pour moi…. »
Je pleure de plus belle !
« - Donc autrement dit tu penses que tu vas emmener à la fin de la Maternelle notre fils, sachant qu’il y a qwuatre-vingt pour cents de chance que dans treize mois ce soit fini… D’autant qu’il me semble que tu as déjà rompu une fois avec Jean-Philippe entre temps… Mais, me diras-tu, ce n’est pas grave… Oui, c’est sans conséquence pour Arthur, qui s’est attaché à lui, qui l’as vu partir, puis qui s’est ré-attaché à lui, donc ceci juste avant que Jean-Philippe te prie de partir toi-même quand il aura compris qui tu es : donc disons dans quinze mois, quand tu auras (peut-être) réussi à empêcher ton fils de continuer à voir son père et ses grands-parents. Donc en me faisant un nouveau procès. Donc oui, en effet, dépêches-toi de te faire acheter la maison par Jean-Philippe et de la faire mettre à ton nom… »
« - Oui, oui, je le sais que je ne suis pas parfaite, c’est très dur pour moi… »
« - Attention Patricia : tout d’un coup tu as oublié de pleurer. Normalement, tu devais reprendre ta respiration et pleurer tout de suite après. Là, tu as oublié…. »
« - … »
« - Puis-je savoir aussi si tu n’as pas décidé de partir avec Arthur dès Noël dans la maison géniale de plain-pied en bord de rivière pour ne plus revenir… »
« - De ‘‘ fleuve ’’, la Vilaine est un fleuve au cas où tu ne le saurais pas ! Puis, pour répondre à ta question, rassures-toi, parce que je peux pas partir : il y a le jugement de divorce… »
« - Ah oui, parfait… Tu n’es pas malade, tu es sûre ? Parce que tu viens de dire pour la première fois une vraie vérité depuis que je te connais : tu n’as pas mal à la tête, tout d’un coup... ? Tu ne vas pas te jeter par la fenêtre ? Oui, parce que je sais parfaitement que tu menaçais Arthur de te jeter par la fenêtre s’il continuait à pleurer… Remarque, c’est peut-être pourquoi tu as choisi une maison de plain-pieds ! »
Maintenant, Louis me fait rire :
« - Tu le sais peut-être pas, mais cent pour cent des mères qui demandent la garde l’obtiennent… »
« - C’est agréable de t’entendre rire. Je te laisse ! Je n’ai rien à faire mais je dois le faire, ça passe avant toi. »
Lui qui n’achète jamais le Nouvel Obs, lui l’obsédé de La Manif pour tous, lui l’anti-avortement, lui dont il n’y a aucune raison qu’il achète ce journal, voici qu’il l’achète, que la seule fois où il l’achète est la seule fois où moi je le lis de ma vie - moi, qui ne lit jamais la presse parce que ça me soûle ! Mieux encore, la mère Lecourtois ouvre la page des annonces immobilières ! Mieux encore, elle la laisse ouverte pile sur la maison que nous venons d’acheter Jeannot et moi ! Mieux-encore puissance au cube, le jour où Arthur vient chez eux ! Mieux encore, il voit la photo !! Là, j’angoisse. J’angoisse. Parfois, je m'affole, tant le monde me semble irréel... Comment faire autrement quand ces coïncidences vous arrivent ? Quand à mon Goblieu, il est très en colère, et sa colère me met une énorme boule dans la gorge. Ce serait très bien, que Jeannot m’appelle ! Ah ! Le téléphone sonne. C’est encore Louis, j'en suis certaine.
Vite, une barrette de Lexo !
« - Jeannot ???!! Tu tombes bien ! Pourquoi tu ne m’as pas appelé de Roissy tout à l’heure ? »
« - C’était occupé : je t’appelle de l’avion, on a décollé il y a dix minutes… »
« - De l’avion ? Vous avez une cabine téléphonique dedans ? »
Je sens le délire en train de me submerger, là !
« - Mais non… Je t’appelle des toilettes… »
« - Des toilettes de l’avion ? Il y a une cabine téléphonique dedans ?? »
Je regarde ma main trembler.
« - Non, sur American Airlines maintenant tu peux appeler des avions partout dans le monde sur ton téléphone portable… Je me suis juste mis dans les toilettes pour qu’on ne m’entende pas… »
« - Comme dans Friends… », je fais.
« - Dans Friends ? Patricia, tu me sembles bizarre, tout d’un coup… »
« - C’est que Louis m’a appelé : il refuse que j’emmène le Petit dans notre nouvelle maison l’an prochain. Il va falloir monter au procès… »
« - Ah, merde : vous ne pouvez plus concilier, alors. Mais tu m'as dit que cent pour cent des mères obtenaient la garde. Pourquoi t'affoler à l'avance ? »
Merde ! Je n’ai aucun souvenir d'avoir parlé conciliation. Peu importe... Quoi que Jeannot dise, son calme est tel qu'il s’ajoute à celui déjà conféré par la barrette de Lexo : c’est l’effet Jeannot. Je commence à mieux respirer. A nouveau capable d’écouter, je demande :
« - Oui, je sais qu’il n’y a aucun problème. Pourquoi m’appelles-tu alors ? »
« - C’est qu’avant la douane j’ai été invité par la police à passer dans une pièce séparée… »
« - Tu transportes de la drogue ? »
« - Bien sûr que non ! Ils voulaient me parler de toi… »
« - De moi ? Mais pourquoi ? »
« - Euh… lors de la croisière pour l’Égypte, en juillet, nous avons eu un disparu… »
« - Un disparu ? En quoi ça me concerne ? »
« - Un gamin de quatorze ans, un Sri-lankais qui faisait son apprentissage aux cuisines… »
« - Mais en quoi ça me concerne ? »
« - On le voit sur une vidéo avec toi. »
« - Une vidéo ? Un film Super 8 ? »
« - Il y a deux vidéos de surveillance à bord, dont une sur le pont arrière… Parce que lorsque nous avons des suicides c’est là qu’ils se produisent dans quatre-vingt dix pour cent des cas… Ce sont les statistiques, on peut s’y fier. »
« - Et dans les autres dix pour cent ? »
« - Ce n’est pas le problème… On avait repéré que le gamin n’allait pas bien et sur la vidéo on le voit assis sur la rambarde, à la limite de tomber… »
« - Ah bon ? »
« - Tu ne te souviens pas de lui ? »
« - Pourquoi ça ? »
« - Parce que tu arrives à ce moment-là et que tu t’accoudes à côté de lui… »
« - Ah bon ? »
« - Puis un moment tu passes devant lui… »
« - Oui, peut-être… »
« - Donc sur l’image qu’ils m’ont montré ton corps le cache une seconde… »
« - C’est normal, donc… »
« - Mais quand tu l’as dépassé il n’est plus sur l’image : il est tombé entre temps… »
« - Je me souviens de rien… »
« - Les policiers prétendent qu’il leur semble que tu l’aurais touché de ton épaule, ce qui fait qu’il serait tombé… »
« - C’est quoi ce nouveau délire, avec tout ces " semble " et ces conditionnels ? Je ne me souviens de rien, sinon je t’en aurais parlé… »
« - C’est ce que je leur ai dit aussi : que tu m’en aurais parlé… »
« - Bon, ben alors il n’y a plus de problème… »
« - Tu te souviens pas de ce gamin car il n’est jamais réapparu ensuite ? Le chef des cuisines ne s’est inquiété de lui qu’au Pirée… D’où la police grecque s’est faite porter les vidéos… Là, elle t’a soit-disant identifiée, mais elle ne peut rien faire… »
« - Ouh, alors c’est grave… »
« - … en fait doublement non ! D'abord, j'ai dit aux flics que j’étais pratiquement sûr que l’accident s’était produit dans les eaux internationales, entre l’Égypte et la Grèce… »
« - Et alors ? »
« - Dans les eaux internationales, il y a un problème de compétence de juridiction : ni la Grèce, ni la France, ni le Sri-Lanka ne sont vraiment compétents... Comme le bateau est enregisté en territoire panaméen, cela serait en théorie le Panama, dont nous sommes considérés comme un morceau du territoire puisque nous battons son pavillon - pour résumer... C'est la loi du pavillon... Or, la loi du pavillon l'emporte sur les lois nationales... Tu apprends ça quand tu apprends le métier… C’est pourquoi un capitaine peut marier un couple… Il a la compétence juridique pour le faire à partir du moment où son navire est dans les eaux internationales… C'est pourquoi tu peux recruter des gens en évitant les charges sociales... »
« - Ça veut dire quoi : ‘‘ aucune juridiction n’est compétente ’’ ? »
« - Ça veut dire que le juge grec, déjà, ne pourrait pas t'entendre... Quant aux juges sri-lankais, ou français, s'ils voulaient t'entendre, ils devraient envoyer une commission rogatoire à un juge panaméen... Bon, retirons le juge sri-lankais. Reste le Français... Donc, là, Les autorités françaises devraient contacter un magistrat du Panama afin de pouvoir enquêter sur la question... Donc, a priori, me faire venir dans une salle séparée pour me questionner sur toi, à ce stade, est limite légal... Enfin, j'accepte, ils me montrent la vidéo. Mais ils étaient les premiers à reconnaître qu'elle n'a pas de caractère probant... En plus, tu as tellement de lignes qui sautent dessus qu'on te reconnaît à peine - si c'est toi.
Donc ils me demandent : " Vous reconnaissez votre compagne ? "
Moi déjà, en premier lieu, j'étais assez stupéfait : non seulement ils avaient la vidéo, mais ils avaient en plus toutes les photos des gens à bord... Il les avait reprises sur les portaits qu'on tire des gens en croisière, à côté d'un officier... Pour les obtenir, ils auraient dû envoyer une demande au juge panaméen... Donc je suppose que la police grecque leur a envoyé. Et hyper vite... Bref, tout en comprenant que c'est quand même un peu illégal comme mode d'obtention de preuve, je leur réponds : " La femme sur la vidéo ressemble à Patricia. Mais sans aucune certitude. "
Puis je leur dis : " Mais, ce dont je suis certain, c'est que si Patricia avait vu tomber quelqu'un à côté d'elle, elle aurait tout de suite donné l'alerte. Je me targue de quand même bien la connaître : c'est l'honneteté... Le soir, quand je l'ai retrouvée dans ma cabine, elle était totalement zen. Nous avons parlé de nos projets d'avenir... "
Puis j'ajoute : " ... Il y a quinze autre personnes sur l'image. Personne ne l'a vu tomber, car on nous aurait aussitôt prévenus... " C'est vrai, quoi ! C'est hyper-bizarre, ce truc, en fait... Un gars à la vue de tous tombe à la mer sans que personne ne le voit. J'en revenais pas. Les flics non plus. Oui, c'est ça, c'était irréel... Cétait comme si le gamin n'avait existé que sur la vidéo. J'ajoute ensuite : " Il est rare, je suppose, que la police grecque s'ingénie à faire parvenir un tel matériel photo et vidéo à une autre police dans des délais record... Sans vouloir médire de l'administration grecque, elle est réputée pour sa lenteur... Peut-être est-ce plus grave que ça n'en a l'air ? " Ils m'ont alors expliqué qu'il y avait quelqu'un chez les Grecs dont la femme était sri-lankaise, et qu'elle connaissait le gamin... Il a fait passer le matériel à un flic, qu'il connaissait ici. Tout s'expliquait.
Moi, je leur dit ensuite : " si vous devez interroger toutes les femmes avec une chevelure claire (car le film était en noir et blanc) et portant un paréo, vous allez avoir du travail. " Ils me disent : " Non, on ne va pas faire ça. On n'a pas le mandat pour ça, c'est un interrogatoire informel : mais comme vous êtes officier et qu'elle est votre compagne, nous nous somme dits que vous comprendriez notre démarche et, qu'en tant que femme d'officier, elle serait peut-être plus observatrice qu'une autre. " »
« - Je comprends toujours pas, excuses-moi Jeannot… ? »
« - Ben ça veut dire que tu es trop bien vue, ma chérie ! Ça veut aussi dire qu’on ne viendra pas t’embêter. Mais, auparavant, les policiers – et moi ! – on voudrait savoir si tu te souviens de lui… C’était un gamin de quatorze ans… En uniforme de cuistot, très brun de peau, yeux verts, traits fins, avec une grosse tignasse de cheveux châtains… »
« - Comme Louis ? »
« - Comme Louis ? »
« - Oui, quand nous nous sommes connus, quand j’avais dix-sept ans, il avait une grosse tignasse de cheveux châtains, les traits très fins et les yeux verts. Et il était hyper-bronzé : c’était aux vacances… »
« - Oui, bon, et alors ? Tu te souviens de ce gamin ? »
« - Non ! Si j’avais vu quoi que ce soit, surtout un gamin qui se jette dans la mer, j’aurais tout de suite prévenu les gens !! »
« - Vu ton niveau social, ton degré d’éducation, le fait que tu sois la compagne d’un Second lieutenant, les flics m’ont dit : ‘‘ Dans le cas peu probable que ce soit votre compagne, à cent pour cent elle n’aura pas fait attention ’’. Ce sont les statistiques pénales, en fait : les femmes ne tuent pour ainsi dire jamais, sauf par empoisonnement et dans le cadre familial, et soixante-quinze pour cent de celles qui le font ont des problèmes d’illettrisme. C’est ce qu’ils m’ont appris. »
« - Tu crois que je devrais faire plus attention autour de moi ? »
« - Tout le monde peut être dans la Lune. Bon, je t’aime. Je t’embrasse, ma chérie. Pour l’avocat, ça ira ? Je serai là dans deux petites semaines, on pourra aller le voir ensemble… »
« - Non, c’est gentil, je vais gérer. »
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