Chapitre 21 : Le même désir
Alex avait menée Luna jusqu'au lit et l'y avait étendue pour la dévêtir. Elle était maintenant à demi-nue et ferma brièvement les yeux. Le désir montait en elle, elle se sentait impatiente. Elle se demanda comment cela était possible, comment il était possible d'aimer aussi fort et de ressentir une telle envie d'être avec un homme, en l'occurrence, pour elle, avec Alex. Mais il ne lui laissa pas le temps de se poser toutes ces questions et elle sentit bien vite qu'il s'allongeait près d'elle. Elle rouvrit les yeux, s'émerveilla de son corps puissant, des muscles de ses bras et de son torse qui saillaient dans la pâle lumière de la nuit.
Les mains d'Alex caressèrent sa poitrine, son ventre. Les plis du sari couvraient encore ses jambes et il ne semblait pas décidé à le retirer, du moins pour l'instant. Il la regardait avec bonheur, mais aussi avec une force qui la surprit et l'enchanta. Elle pouvait lire dans ses yeux le même désir que celui qu'elle ressentait dans son ventre.
- Luna... Chérie... Me voulez-vous comme je vous veux ?
- Oui... lui répondit-elle, soudain haletante. Oh oui...
Et elle s'abandonna toute à lui, lui rendant baiser pour baiser, caresse pour caresse. Quand il vint en elle, elle eut le sentiment d'une plénitude, d'un accomplissement, d'être enfin elle-même. Alex la prit avec vigueur, avec cette énergie décuplée par le désir et par l'attente. Et dans ses yeux brillait la flamme de l'amour.
**
Une pâle lueur commençait à marquer le ciel, vers l'est, mais n'était pas encore assez vive pour entrer dans la chambre. Etendus sur les draps froissés, face à face, Alex et Luna ne se quittaient pas des yeux. Par moments, l'un caressait le visage de l'autre, comme pour en graver le souvenir jusqu'au bout de ses doigts. La nuit ne leur avait laissé que peu de repos, ce qui était sans importance pour eux. Ils tenaient à profiter de ces heures qui leur étaient accordées, qu'Alex parviendrait à leur offrir en veillant avec soin à la disposition des hébergements de leur voyage.
- J'ai pensé à vous chaque jour, Alex, dit-elle en effleurant une nouvelle fois les contours de son visage.
- Moi aussi, mon amour, lui répondit-il avec un sourire. Je me suis toujours accordé un moment, le soir en général, pour ces pensées.
- Comment ferons-nous, à Lucknow ?
Alex poussa un léger soupir. Impossible d'échapper à ces questions, à cette inquiétude aussi.
- Nous verrons... fit-il. Maintenant que je suis en poste, je pourrai aisément vous rendre visite. Mais j'aurai beaucoup à faire, mon aimée... Le travail ne manque pas.
Luna sourit :
- Je l'ai compris et j'ai aussi compris combien Sir Lawrence comptait sur vous...
- Pas uniquement sur moi... Alors oui, il est possible que je sois souvent absent. Il faut tenir la province, assurer la pacification. Ce n'est pas une tâche facile et à Oudh encore moins qu'ailleurs.
- Pourquoi donc ? demanda Luna avec curiosité. Pourquoi est-ce plus difficile qu'ailleurs ?
- Parce que nous tenons déjà une grande partie des Indes et chacun se demande, à juste titre d'ailleurs, quand s'arrêtera l'expansion de la Compagnie. Quand cesseront les spoliations... Parce que nous avons renié nos engagements, piétiné les traités et que désormais, notre parole n'a plus de valeur aux yeux des Indiens. Rétablir la confiance sera une rude tâche.
Pour Luna, les propos d'Alex étaient un peu vagues. Elle avait du mal à imaginer les implications politiques de la présence britannique aux Indes. Pour elle, les Indes étaient son pays, au même titre qu'il était celui d'Ameera ou de tous ceux qu'elle côtoyait. Mais elle le croyait. Et elle devinait aussi que leur situation personnelle compliquerait les choses, pour lui. Même s'il ne l'exprimait pas ainsi.
Il laissa planer un moment de silence, puis demanda, bien que la question lui coûtât :
- Comptez-vous retourner à Delhi ?
- Non, répondit Luna avec détermination. Ma vie est à Lucknow. Vous êtes à Lucknow. Je ne veux pas être ailleurs.
Alex n'ajouta rien. Et il l'embrassa à nouveau profondément. Quand il rouvrit les yeux, il comprit que le jour se levait au léger changement de la lumière dans la chambre. Il effleura encore les lèvres de Luna d'un baiser, puis dit :
- Il serait plus prudent que vous regagniez votre chambre. Le jour se lève.
Il vit un éclat de tristesse passer dans ses yeux et maudit les circonstances qui les obligeaient au secret. Luna passa ses bras autour de son cou, l'attira plus encore contre elle. Contre son torse, il sentit les pointes dressées de ses seins et frémit. Et quand elle lui murmura :
- Aimez-moi encore... Encore une fois... Alex...
Il ne fit rien pour la repousser.
**
La complicité d'Ameera leur fut nécessaire pour se retrouver encore deux fois au cours du voyage, mais quand la plaine de Lucknow s'ouvrit devant eux, que les contours de la ville se devinèrent dans le lointain, Luna regretta que le voyage s'achevât déjà. Elle aurait voulu pouvoir parcourir le pays, juste elle seule et Alex. Peut-être Ameera et Nagib les auraient-ils accompagnés, et encore... C'était un rêve vain et elle songea, pour se consoler un peu, que si le voyage touchait à sa fin, cela signifiait aussi qu'elle allait revoir son grand-père et retrouver la Casa de los Naranjos. Alex l'y rejoindrait, certains soirs, avec l'aide d'Ameera qui le guetterait et le conduirait jusqu'à sa maîtresse. Ils en avaient ainsi convenu.
La nuit passée, la dernière nuit du voyage, ils avaient pu dormir ensemble. Ils s'étaient tout donné, ne sachant pas quand les circonstances leur offriraient une autre nuit ou même, quelques moments d'intimité pour échanger, se parler.
Ils retrouvèrent une ville à peine apaisée et Luna comprit vite que Sir Lawrence allait mobiliser toutes ses troupes pour tenter de ramener le calme. Les mois à venir seraient décisifs et Alex n'aurait guère de moments de répit. Mais c'était son devoir et Luna savait l'importance qu'il y accordait.
Quand ils arrivèrent en ville, le gros de leur petite troupe se dirigea vers la Résidence, escortée par les soldats. Là, les familles retrouveraient les leurs avant de retourner dans leurs propriétés. Alex se chargea d'escorter Luna et les siens jusqu'à la Casa de los Naranjos. Il ne s'y attarda pas et après avoir salué Don Felipe et échangé quelques mots avec lui, il retourna à la Résidence. Nagib s'y était rendu directement et l'attendait devant les écuries. Avant même que le jeune homme ne soit reçu par Sir Lawrence, il avait déjà, grâce à son ami, une bonne idée de la situation alors qu'ils avaient quitté Lucknow plus d'une vingtaine de jours auparavant.
Il en avait aussi eu une idée en ramenant Luna à la Casa de los Naranjos : pour la première fois, le grand portail était fermé et le demeurerait tout le temps que les troubles dureraient.
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