Neavia - 2.2

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L’endroit dans lequel Neavia et son groupe avançaient à présent consistait en un long tunnel bien obscur. Une interminable piste sombre ou la lumière venait uniquement des quelques ouvertures sur les parties hautes. C’était là des cavités ou les scintillements de la lune créaient des puits de clarté. Ainsi, les chasseurs progressaient sans utiliser d'éclairage ou de torches, seulement guidé par la lueur des astres blancs qu’étaient les deux lunes de Céresse.

L’endroit portait bien son nom.

Les voies grises, comme les avaient appelés les clans, étaient l’ensemble des passages souterrains dans les villes de l’Ancien Monde. Des routes parallèles, des tunnels et autres chemins qui couraient sous terre à l’abri des yeux indiscrets et surtout des belliqueux prospecteurs. Souvent prolongé ou connecté entre eux par les hommes des clans formant ainsi un vrai labyrinthe inextricable pour les non-initiés. Ces passages oubliés étaient connus uniquement par les peuples libres, ce qui leur offrait un sentier avec plus de sécurité que l'extérieur et ses nombreux dangers.

Un atout fortement apprécié par les chasseurs après ce qu’ils avaient enduré, car les événements de la journée étaient encore dans tous les esprits. Chacun avançait avec la plus grande discrétion possible, à pas de loup en esquivant les gravats et pierres qui jonchaient le sol.

Les gouttes de pluie qui atteignaient Neavia ruisselaient de la surface en empruntant les quelques ouvertures de la voie. Cela fut d'autant plus important quand le chemin quitta la sécurité relative des souterrains pour mener le groupe à travers des bâtiments plus en hauteur. C’était là un sentier obligatoire pour que les chasseurs rejoignent la suite de ces chemins secrets.

Ainsi, plus à découvert, les membres du clan étaient à l’affût du moindre bruit. Aussi alerte que les plus fins des limiers. Druïg, qui s’était remis en tête de la colonne, avançait avec la plus grande des concentrations.

De temps à autre, des sons résonnaient dans les ruines et le leader du groupe faisait arrêter ses hommes qui s’agenouillaient au sol, les mains sur leurs armes. Même en cette heure tardive, Céresse était vivante. Entre l’orage qui grondait au loin, le bruit d’animaux et les hurlements des griffeurs, l'atmosphère qui entourait les chasseurs était plus qu’angoissante.

Observant la terre viable s'étendant à perte de vue, Neavia qui était baissé attendait le moindre ordre de Druïg pour avancer  tout en fixant des formes dans le ciel. Il devait s’agir d’aéronefs des impériaux. Ils étaient de plus en plus nombreux et leurs expéditions se poursuivaient même en cette heure tardive.

La chasseresse fut alors rappelée de cette distraction en entendant le sifflement de Druïg. Détournant le regard, Neavia vit que l’un des hommes devant elle lui fit un signe de tête pour lui dire d’approcher.

Se remettant debout avec agilité et discrétion, la jeune femme remonta la fille de chasseur et s’arrêta vers Druïg.

Un problème, demanda Neavia d’une voix basse.

Non… et c’est ce qui me dérange. On a réussi à semer les protecteurs dans l’avant-poste des tours et depuis plus rien.

Quoi tu te plains ?

Non, mais je viens de te le dire. Je n’aime pas ça.

Tu nous emmènes à l’avant-poste de la cascade, c'est ça ?

Acquiesçant, Druïg reprit.

La marche m’a donné le temps de réfléchir. S’il y a d’autres survivants, ils y seront peut-être allés, à moins que l’on croise un autre groupe de chasseurs. Voyager en plus grand nombre sera moins dangereux. Dans les deux cas, nous serons gagnants. Regardant derrière lui, il continua d'un ton toujours grave. Tu es celle en qui j’ai le plus confiance, arriveras-tu à mettre de côté tes sentiments pour un instant ?

Bien sûr, dit Neavia en fixant Druïg comme pour lui faire comprendre son sérieux à elle aussi.

 Dans ce cas passes en tête pour repérer le terrain, on ne peut se permettre un autre combat avant de rejoindre le second avant-poste et tu es la meilleure que je possède pour ce rôle.

Se relevant la première, Neavia ouvrit alors la marche en s’éloignant tandis que Druïg donna l'ordre à la troupe de reprendre la progression.

La jeune chasseresse avançait à présent plus en avant de la colonne. Son arbalète entre les mains et les sens en alerte. Elle connaissait le chemin et les signes inscrits sur les murs lui montraient la voie à suivre. Bientôt, elle quitta la surface pour rejoindre un nouveau souterrain.

S’arrêtant, elle sortit son masque. Le passage en face d’elle était sombre et s’enfonçait sous le sol, une brume verdâtre peu engageante y régnait. À peine eut-elle approché de ces effluves cireuses que l’odeur lui fit couper net sa respiration. Elle plaça rapidement sa protection faciale avant de sombrer dans le tunnel.

Elle ne pouvait allumer de lumière dans cet endroit qui était privé de tout contact avec l‘extérieur. La moindre étincelle pouvait mettre le feu au nuage et l’emporter par la même occasion, mais par chance ce dernier était presque phosphorescent en éclairant d’une faible clarté les lieux.

Marchant dans ce conduit, Neavia perdit la notion de temps et durant son avance sentit sa respiration forte derrière la protection de son masque de cuir. Elle continua cependant à progresser sans plainte, à évoluer toujours plus en restant alerte face au possible danger que recelait la galerie. Neavia se déplaçait ainsi seule à travers cet épais brouillard vert dans un silence de mort.

Alors que le conduit semblait à nouveau monter, la chasseresse s’arrêta net au détour d’un petit embranchement. Sur le sol, elle put voir un petit reflet et lorsqu’elle s’agenouilla Neavia put laisser passer ses doigts sur une corde qui était tendue de part et d'autre des parois du tunnel. Remontant sur l’un des côtés de la corde, Neavia tomba bien vite sur une cloche et son nœud qu’elle défit avant de tirer le fil pour le ranger contre le mur.

Entre-temps, le groupe avait couvert le terrain les séparant et Druïg s’approcha.

— On dirait que l’avant-poste est occupé… fit-il en enlevant son masque de protection bientôt imité par Neavia.

— Allons donc voir ça !

Reprenant sa route après avoir remis le dispositif d'alerte, Neavia continua sur la pente du tunnel et le groupe se retrouva alors dans une partie ou le nuage se faisait de plus en plus épars. À quelques pas de là, une plaque d’acier terminait le souterrain. S’approchant de cette dernière, Neavia essaya de la pousser, mais elle resta définitivement close, Druïg qui la suivait constata cela et frappa.

Le bruit résonna dans les lieux autrefois silencieux et après un court moment de flottement tous deux entendirent un bruit de grincement et la plaque qui était en fait une ancienne trappe d’acier s’ouvrit.

Face aux deux chasseurs se dressaient trois formes qui pointaient leurs armes sur les arrivants. Une torche passa entre ses trois combattants en éblouissant Neavia et la personne qui la tenait parla.

— Tiens ! Druïg, on dirait que Céresse n’a pas réussi à avoir ta peau.

Et une vague de soulagement parcourut Neavia, Druïg et le reste du groupe.

— Pas encore Amos, pas encore. Douterais-tu de mes compétences de survie à ce point ?

— Non, bien sûr que non ! lui répondit- il. Les deux hommes rigolant se saluèrent alors en se serrant le bras tout sourire.

Amos et Druïg étaient parents et la joie qu’ils éprouvaient à se voir était communicative, presque réchauffante pour les arrivants éreintés par leur dur vécu de la journée.

Les trois gardiens de l’entrée avaient entre-temps rangé leurs armes et aidèrent les confrères à rentrer dans l’avant-poste les uns après les autres. Avant de refermer la trappe après le passage du dernier chasseur.

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