Avant toute chose, “Qu'est-ce que Céresse ?” Je me suis toujours posé cette question. A priori la réponse semble évidente. Clair même pour le plus simplet d’entre nous. Et pourtant… Plus j’y prête attention, moins je suis sûr de moi. Ce que je tenais pour véridique vole en éclat à la moindre de mes récentes découvertes.

Ce fut d’ailleurs cette interrogation qui m’a forcé à sans cesse aller de l'avant dans mes recherches, à entreprendre mes expéditions. À toujours faire preuve de curiosité face à l’univers merveilleux qui nous entoure. En parcourant notre monde, notre Céresse, j’ai remarqué que les ravages laissés par nos prédécesseurs avaient enfanté une nouvelle terre. Un lieu tout bonnement différent de celui qu’ils avaient métamorphosé par leur soif de guerre et destruction. Des cendres d’antan, notre belle terre a su se relever tel un phénix pour se parer de nouveaux atours à la splendeur tout exceptionnelle.

Cependant pour ne pas vous perdre, il serait de bon augure de commencer par l’origine de la chose que je cherche désespérément à vous présenter. Céresse. Un nom, un titre, un récit complexe rien qu'à la mesure de son mystère. Un monde, notre monde et le seul que notre humanité possède.

Son ascendance reste ainsi obscure, même de nos jours. Un individu pragmatique observerait sûrement cela sous un prisme brut. Rien qu’un assemblage de mots habilement choisi à une époque où notre espèce ne savait pas naviguer dans les cieux et manier le sang noir de notre monde. En soi, un amalgame de dialectes disparus qui se sont déformés pour donner les sonorités contemporaines que nous connaissons.

Je vois ainsi le nom de Céresse comme le fruit de cette engeance anarchique qui peuplait auparavant notre monde en chassant son gibier à la lance ou peinturlurant les parois des grottes pour garder une preuve de leurs courtes et brèves existences.

Vous devez déceler quelques dégoûts avec mon verbe peu flatteur face à ces pauvres personnages. Mais il n’en est rien. Après tout nous avons évolué et nous ne nous tuons plus avec des javelots comme dans ces époques lointaines, mais avec des armes à feu. Des outils plus destructeurs et sales. Les moyens ont changé, mais la nature de l’homme, elle, a prospéré en chacun de nous. Je garde toutefois mes réflexions sur cela pour un autre passage. Mon amour pour la psyché du genre humain est trop important pour être contenu dans une seule entrée de ce grand guide.

Pour en revenir à nos ancêtres, à ces hommes qui s'épanouissaient aux soubresauts de notre premier Âge, ils disposaient d'une chose que le moindre d’entre nous devrait leur envier à jamais. Qu’aurais-je donné pour visiter notre monde du temps où chaque parcelle de son univers était atteignable. Certains écrits des bibliothèques impériales ont su garder la trace des régions qui recouvraient jadis notre terre.

Cette vaste Céresse composée d’océan et de terre. De forêt et de jungle ou encore de désert au sable si fin. Certains de ces termes restent complexes à cerner pour nous autres. De nos jours, le moindre être vivant est confiné dans ce que nous nommons la terre viable. Ce concept obscur donné par de grisonnants personnages de l’Académie des sciences impériale exige quelques explications pour qu’ils soient compréhensibles du commun des mortels. Après tout, peu sur Céresse ont la chance de pouvoir se payer une éducation des plus onéreuses à l'université d’Aldius.

Pour faire simple, disons que les armes de la coalition ont condamné à mort la majeure partie de notre monde lors de la dernière Grande Guerre. Ce cataclysme termina le premier Âge de notre monde. Aujourd’hui seule persiste la Terre Viable. La mince bande de terre où se débattent les soubresauts de l’humanité. La frontière qui sépare ces territoires salvateurs du reste des ruines de Céresse se nomme la Morte Terre. Laissez-moi vous présenter tout cela de manière précise.

La Terre Viable :

C'est ce que nous avons de plus proche du concept de maison, nous autres, espèce destructrice. Ce titre fut donné aux parties à demi épargnées par les armes de nos ancêtres. Cela fut le cas uniquement par la présence de plateaux surélevés sur l’ensemble de ces régions. Ainsi cette particularité, seule, a permis à ces territoires de survivre au-dessus des nuages de morts qui ont englouti le reste de notre Céresse lors de la dernière Grande Guerre.

La Terre Viable est composée de pas moins de seize millions de kilomètres carrés de terrain ou la vermine humaine continue d’extirper la moindre richesse à la mère nourricière que nous avons manqué d'abattre par le passé. Le pétrole, le charbon ou encore le gibier. L’homme n'a de cesse de piller notre monde pour pouvoir perdurer, ou plutôt subsister. Et ce, malgré les signes visibles de notre proportion à l'autodestruction

Certaines parties de la Terre Viable restent toutefois mortelles, il y a ces traces vertes indissociables des armes de nos ancêtres qui empoisonnent toujours notre monde. Nul ne perce les mystères de ces dernières ni la façon de s’en débarrasser. Tout ce que nous pouvons faire c'est espérer les voir disparaître un jour. Et le plus tôt serait le mieux.

Heureusement ce n’est qu’une infime minorité des régions de la Terre Viable. Cette dernière se compose plutôt de forêts touffues, notamment au nord et à l'ouest. De plaines et de toundras comme à l'est ou encore d'inextricables marais ou des montagnes toutes plus grandioses les unes que les autres. Le plus impressionnant reste cet interminable désert d’un sable rouge et de pierre d'obsidienne au sud de notre monde. Un lieu difficile montrant le sang versé par notre belle Céresse. Un milieu extrême où vivent les plus sages et robustes membres de notre espèce.

Chaque parcelle de ce petit univers est savamment découpée en régions autonomes par l’Empire d’Aldius via son réseau de chemin de fer et de colonies. La mainmise impériale est totale. Après tout, nul ne se permettrait de trop parler de l’Union et de son inquiétante ombre qui grignote les territoires de Sa Majesté.

La faune de la Terre Viable est quant à elle variée, chaque province dispose de son propre écosystème. Il est rare de voir les mêmes animaux d'une colonie à une autre. À part bien sûr pour ce qui est des cieux de notre monde. Cet espace est chasse gardée par les créatures aviaires et autres mastodontes que sont les Tärätosc ou Khälpiss.

La Morte Terre :

Notre monde ne serait pas ce qu’il est sans ces nombreux dangers, et le plus grand d’entre tous, cette maudite Morte Terre. Ce péril qui nous rappelle à chaque instant la bassesse de notre espèce et notre enfermement actuel. Cette frontière avec l’inconnue est aussi imperméable que mortelle. À première vue ce n’est qu’un vaste nuage sombre et maladif. Un brouillard tout juste plus effrayant que ses pairs naturels. Et pourtant…

Personne n’y a jamais échappé. Cela n’est pas un secret que le grand exode d'antan fût mû par la peur et l’instinct de survie causé par ce mal qui a dévoré jadis chaque portion de notre monde. J’ai pu voir les dégâts de ce monstre de vapeur de mes propres yeux. Durant ma seconde expédition à l’est de l'Empire, j'ai été amené par mon guide local au plus proche de cette horreur. La Morte Terre commence par un sol de plus en plus stérile, défigurant petit à petit le paysage. L’écorce de Céresse est scarifiée jusqu'à ce que vos pas vous mènent devant un véritable mur. Un nuage, une brume toxique sombre qui même à distance raisonnable vient vous brûler les sens. Un péril qui vous embrase les poumons et obscurcit jusqu'à votre vision.

Cette rencontre face à la mort et l'inconnue a représenté un apprentissage inouï. J’avais, par le passé, visité des terres impériales ou les armes d'antan continuaient à menacer les vivants de leurs poisons verts luminescents. Mais cela n’avait rien à voir à l’égard du danger de notre enfermement. La Morte Terre avale tout, aspire la moindre force pour la faire disparaître.

Au fil des siècles, diverses tentatives avaient été expérimentées pour pénétrer le nuage. Que ce soit à l'aide de scaphandre ou de navires volant à des altitudes loin d'être praticables. Le résultat avait à chaque essai été couru d’avance. La moindre invention, la moindre protection n’a mené qu'à une chose. Le décès de nos braves aventuriers lancers vers l'inconnue. Leur matériel, leur défense et jusqu'à leur corps furent rongés par l’affliction de la Morte Terre.

Il est humain de vouloir repousser les limites de notre monde, mais la Morte Terre nous pose un problème qui, je le crois, n’aura aucune réponse. Mes ultimes entrées au journal me permettent toutefois d’ajouter de la substance à ce mystère. Diverses colonies à l'Est ont connu une fin tragique ces dernières années. Pour le pouvoir central, c’est dû à l’Union, ces révolutionnaires écervelés, ou à une catastrophe naturelle. Mais pour certains penseurs comme moi, cela ne peut être que lié à la Morte Terre au vu de leur rapprochement avec celle-ci.

Ainsi me vient une ultime chose à l'esprit en parlant de cette spécificité de notre monde. Une question qui demeure et que je n’aurais de cesse de me poser. Y a-t-il quelque chose derrière cette infranchissable barrière ? De la vie se cache tel sur Céresse hors de notre bel Empire ?