Chapitre 8

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Un bruit de dispute arrêta Auziras qui s’apprêtait à frapper à la porte. Après que le Roi leur eut donné congé, Arez et sa femme étaient promptement partis en leur demeure, lui désolé, elle furieuse. L’éclaireur ne put s’empêcher de rester un moment derrière la porte.

- Noylen chérie…

- M’appeler ainsi ne calmera pas mon courroux. De quels droits oses-tu interdire un quelconque secours à Achéhis ? Elle s’est sacrifiée pour ta femme, entends-tu ? Elle m’a sauvée la vie et c’est ainsi que tu la remercies ? Ah, il est beau, l’amour que vous portez à la vie de votre épouse…

Arez soupira, décontenancé par l’attitude de sa femme ; quand elle commençait à le vouvoyer, c’était que sa colère était vraiment ancrée en son cœur. Il ne put cependant s’empêcher de répliquer que si elle n’avait pas suivi son amie dans une mission royale, cette dernière n’aurait pas eu à se sacrifier pour elle. Cette pique eut pour conséquence de déstabiliser son épouse quelques secondes et Arez en profita pour s’approcher d’elle. Tandis qu’Auziras s’éloignait à pas de loup de la porte, il observa son épouse qui tentait de dissimuler sa terrible angoisse derrière une colère explosive.

Doucement il l’attira à lui et elle se laissa faire : toutes leurs disputes se terminant ainsi.

Arez aimait profondément sa femme. Enjouée, il l’avait découverte fragile, enfantine parfois. Aussi enfantine que cette phrase qui sortit de ses lèvres bougonnes :

- Si tu savais que c’était une sottise, pourquoi ne pas m’avoir empêché de le faire ?

- Madame, répondit-il taquin, est-il possible que vous ayez oublié votre entêtement ? Je te connais, Noylen, et sais combien il est impossible de te faire changer d’avis. La preuve en est que tu m’as épousé !

Le coussin atterrit sur la figure du pauvre Arez tandis que son épouse, enfin détendue, se lovait contre lui, cherchant le réconfort qui émanait de son mari. Mais lui écarta doucement Noylen et se leva pour sortir.

- Auziras m’attend.

Il se ravisa en ouvrant la porte, fit demi tour et embrassa tendrement son épouse. Puis, il franchit le seuil et rejoignit l’éclaireur qui s’était assis sur le mur de la propriété non loin de là.

L’éclaireur n’y alla pas par quatre chemins et déclara :

- Je m’étonne de la décision du Roi, de nous maintenir dans un état passif. Oh je sais que la paix est notre plus grand trésor mais elle ne peut parfois être assurée que par une guerre. L’ennemi se prépare et fondra sur nous tel un rapace quand son bon plaisir le lui commandera, et alors, si nous ne sommes point prêts, qui lui résistera ?

- Je crains que tu n’aies pas compris notre Roi. Nous même n’avons pas connu la véritable guerre, avec ses assauts, ses sièges, ses prisonniers, ses morts. En tant que soldats, nous n’avons connu que des escarmouches avec les Gnomes ou une révolte des Elfes Lunards. Mais notre Seigneur Aramion a connu les atrocités de la guerre. C’est aux côtés de son père qu’il se battit contre le Mal Incarné lors de l’Aurore du Monde, sa mémoire imprimant dans son esprit pour toujours le sang, les morts, la souffrance et les larmes que seul un véritable conflit peut provoquer. Je suis tout à fait d’accord avec toi, mon ami : la guerre est plus près de nous que jamais et nous devons nous tenir prêts. Seulement, nous n’attaquerons pas les premiers ; le Roi attendra le premier geste de l’ennemi et alors c’est nous qui fondrons sur lui avec la férocité du couguar et l’agilité de l’aigle. Le Mal ne peut gagner aussi nous le vaincrons.

- Que tes paroles soient vraies, Arez, voilà ma seule prière. Je vais te confier ma pensée profonde : je désire la guerre, non pas pour tuer, mais pour qu’elle se termine au plus vite et que nous retrouvions la paix et cette fois pour toujours. Si il y avait un autre moyen que les armes, je serai évidemment pour, car donner la mort me répugne : qui sommes-nous pour enlever la vie ? Chaque vie est un don du ciel et doit être préservée le plus possible, voici ma conviction. Qui donne la mort par vengeance ou par plaisir sert le Mal. Mais aujourd’hui, je le sais, aucune négociation ne peut être envisagée avec l’ennemi et s’il veut la guerre…

- Il l’aura, compléta calmement Arez en fixant l’horizon de son regard vert olive, une pointe d’angoisse au fond de ses iris. Auziras, veux-tu m’accompagner au palais, à la salle des cartes ? Tes renseignements nous seront d’une aide précieuse.

Et les deux Elfes partirent vers le palais tandis qu’apaisée, Dame Noylen reprenait sa dentelle auprès de ses employées.

Arrivé devant la demeure royale, ils furent accueillit par le Prince héritier qui leur fit savoir que la reine désirait les recevoir à dîner ainsi que Dame Noylen.

L’héritier du trône n’avait de ressemblance avec sa mère que l’abondante chevelure blonde ; autrement c’était le Seigneur Aramion dans l’éclat de sa jeunesse. Beau et bien bâti, il avait un temps souhaité attiré l’attention d’Achéhis dont la beauté ne l’avait pas laissé indifférent, mais son souhait ne fut jamais exaucé, le lieutenant étant resté jusqu’à maintenant insensible aux charmes de son Altesse. Désormais, il se contentait d’être entièrement soumis à sa cause et la décision de son père de ne pas aller la secourir lui avait provoqué un profond mécontentement et il avait fallu toute la force de persuasion de sa mère pour qu’il ne parte seul au secours de la prisonnière.

Le Seigneur Auziras ne l’avait jamais vu auparavant, ses missions ne lui permettant point de reposer en la demeure royale. Mais Arez avait déjà eu plusieurs fois affaires au Prince, ayant eu l’honneur d’être quelques temps son instructeur militaire. Aussi ce fut lui qui répondit à l’héritier avant d’entraîner Auziras plus avant.

- Son Altesse à l’air soucieux et contrarié, remarqua-t-il, que peut-il donc avoir ?

- Comment le saurai-je ?

- Oh, tout le monde sait bien, mon ami, que tu es dans les petits papiers de leurs Altesses royales…

- Je pense qu’il est contrarié de la décision du Roi de ne point secourir de la dame de ses pensées.

- Quelle dame ?

- Achéhis a volé le cœur du Prince il y a maintenant pas mal de temps mais j’ignore si le lieutenant ne l’a jamais su. Entre nous, Olfondor ne pourrait rêver de meilleure reine après Dame Atadras.

Auziras ne répondit rien, voyant en pensée une Elfe couronnée de laurier et de lys par le Prince en signe d’union sacrée. Auréolée d’une gloire qui n’éclipsait point la beauté et la douceur de son visage penché vers la terre alors que sa beauté était digne du ciel, ni le chaleureux regard aux couleurs automnales ; elle avait relevé sa chevelure d’ébène en une couronne sur sa tête et l’avait recouverte d’un long voile en dentelle fine, digne des mains de Noylen elle-même. Ivoire, sa robe laissait entrevoir ses délicates épaules et sa blancheur était relevée par des broderies de fils d’or et d’argent au niveau des poignets ornés de bracelets minutieusement ouvragés et au bas de la robe à peine froissée par les mouvements des pieds nus de la dame qui avait envahit l’esprit de l’éclaireur alors qu’il entrait distraitement dans la salle des cartes, derrière Arez.

Ce dernier, conscient du trouble de son ami, se mit à parler d’elle.

- Mon épouse l’a connue alors qu’elle avait déjà quitté sa famille. Achéhis ne parlait jamais des siens malgré le fait qu’on ne peut trouver de fille plus fidèle, m’est avis. Au fond, personne ne connaît vraiment ce lieutenant. Elle est libre comme le pygargue volant au dessus des plaines verdoyantes, méfiante comme le mustang parcourant les prairies sauvages. Nous savons, Noylen et moi, que si sa loyauté est sans faille, il ne faut pas croire son amitié acquise pour toujours. Aussi, ajouta-t-il alors que le Prince héritier passait, que celui qui prétend vouloir sa main, apprenne d’abord à dompter le vent et la mer, l’oiseau et le cheval. Une âme comme celle là ne se capture point ; c’est elle seule qui décidera le moment voulu et rien ni personne ne pourra forcer sa décision.

Et l’Elfe royal sentit que les paroles de son instructeur s’adressait autant à lui qu’à l’éclaireur qui l’accompagnait.

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