Il se souvient

Des petits soldats de plomb

Qu'il tenait entre ses mains,

Des parachutes en nylon

Que sa mère cousait pour lui, gamin.

Il se souvient

Du vieux képi de son père

Qu'il aimait mettre sur sa tête,

De l'arme taillée dans la pierre

Pour faire comm' les Boches et les Soviet'

À la frontière de son esprit

Les souvenirs l'assaillent,

Des rêves de gosse

Que sa mémoire mitraille.

Devant le miroir,

Il enfile l'uniforme.

Le dos droit, le regard fier,

Il observe le P'tit bonhomme

Partir à la guerre.

Devant le miroir,

Piqué par le temps,

Il soupire et ferme les yeux.

Il n'a que vingt ans,

Pour mourir, c'est pas bien vieux !

À la frontière de la vie

La mort lui fait face,

Ennemi invisible

Qui le menace.

Il descend la colline,

La peur au ventre,

L'arme au poing,

Pourvu qu'il rentre

Avant l'été prochain !

Il descend la colline,

Encor' quelques pas,

Il n'est plus très loin.

Encor' quelques pas,

Avant d'atteindre l'état voisin.

À la frontière de son pays,

Il prie,

Seul dans le noir,

Pour que tout s'arrête.

À la frontière de son pays,

Il tombe,

Sans même avoir

Effleuré sa gâchette.