Le dieu Vishnou qui visita la Terre sous une apparence discrète* et modeste laissa aux humains le mot avatar. Du champ sémantique religieux le terme glissa, disons plutôt, fut récupéré, happé, kidnappé par les informaticiens qui, très tôt, habités par des zéros et des uns (la fameuse seconde invasion des Uns), virent la nécessité impérieuse de se distinguer sur les réseaux dits sociaux grâce à un avatar. Une illusion de nous, un trompe-l'œil tout en pixels qui nous fait paraître toujours plus beau, car c'est de ça dont il s'agit en réalité. Le paraître et son envoûtant pouvoir. Ainsi, avec le temps et un peu plus de bits° dans le crâne, les professionnels de la programmation nous permettent maintenant librement de créer une grossière effigie de nous qui nous définit dans le monde virtuel. Un é(go)tandard brandit au milieu de rien. Nous nous donnons donc l'apparence qui nous plaît effaçant au passage tous les indésirables petits défauts qui nous pourrissent la vie dans un formidable élan de mise à distance du corps.

* J'ai toujours cru que M. Ashtolink, professeur de mathématiques au Lycée Jacques Cœur à Bourges, était un visiteur alien venu nous observer jusqu'à ce que je comprenne qu'un strabisme divergent ne définit pas un extraterrestre.
°Don't even think about it.