Chapitre 2
Il ne faisait pas toujours bon se promener rue du Nord. Cette zone délaissée, en périphérie de la ville, était le repère des dealers qui vivaient en osmose avec les camés. D’un côté de la rue, des ordures, de l’autre, des épaves. Laure ignorait quiconque tenterait de croiser son regard et décomptait les numéros de rue. « 117, 119, 121, 123 … ». Elle fit demi-tour pour relire « 121 » puis « 123 ». Une micro ruelle, d’un aspect suffisamment étroit pour qu’il sembla contre nature de s’y aventurer se tenait timidement entre les deux numéros. « Et bien soit » pensa-t-elle bien déterminée. Elle enjamba deux vieillards tellement shootés à l’héroïnes qu’ils ne songèrent même pas à lorgner ses roses cuisses par-dessous sa robe, et pénétra dans le couloir sombre. Au cœur de l’hiver, la nuit était tombée depuis plusieurs heures. Une nuit sans lune qui fit une obscurité parfaite au fur et à mesure qu’elle s’éloignait de l’éclairage public. Laure n’entendait plus que le claquement de ses talons et gardait une main en contact avec l’une des deux parois pour s’assurer qu’elle avançait droit. Finalement elle alluma son téléphone. Si son amie Claire ne lui avait pas recommandé cet endroit, nul doute qu’elle aurait rebroussé chemin en frémissant de peur. Le flash du smartphone éclaira bientôt un escalier, et en haut de cet escalier s’échappait la lumière d’une porte entrouverte. Cette porte unique indiquait « 121b ». Quelque rires et gémissements vinrent chatouiller l’oreille de Laure. Quand elle fut prête à pousser l’entrée…
« Mmmh dis-moi ma chère. Qu’es-tu venue chercher ici ? ». Laure sursauta. Ses sens, son téléphone, ainsi que l’étroitesse absurde de cette ruelle attestaient qu’il était impossible qu’une autre personne se trouva là s’en qu’elle n’en sût rien. Pourtant, un individu dont le sourire reflétait la lueur de l’entrebâillement du 121b se trouvait là, derrière elle.
« Tu as l’air de connaître l’endroit, répondit Laure, tu sais très bien ce que je cherche il me semble !
— Oh oui je sais.
— Puis-je entrer ? demanda Laure
— Eh bien, tu pourrais entrer oui. Tu es jolie, fraîche et tu n’as pas froid aux yeux. Mais je ne pense pas que tu trouveras ici ce que tu cherches.
— Tiens donc ?
— Aujourd’hui est un jour particulier. Tu as de la chance.
— …
— Tu souhaites tenter le 121 bis ?
— Oui ? hésita-t-elle désarmée par l’assurance du mystérieux inconnu.
L’inconnu s’approcha de Laure. Elle eut la ténacité de rester stoïque bien qu’elle fût impressionnée par la situation hors normes. Elle distingua un homme au regard lumineux et à la barbe drue. Il passa sa main sous sa robe. Laure se figea. La texture de ses doigts était râpeuse et la chaleur qui s’en dégageait en était presque brûlante. Laure ne sut pas tout à fait distinguer si elle était paralysée ou si elle souhaitait véritablement se laisser porter par l’inconnu dans des conditions aussi obscures et dangereuses.
« Alors tu as envie d’aller jusqu’au bout ? Tu as peur ! Et pourtant tu me laisses te tripoter. » Laure ne répondit pas. L’homme reprit « Maintenant, tu as le choix. Soit tu entre par cette porte, soit tu viens avec moi. Tu es libre. Mais ma main me dit que tu as déjà fait ton choix ». Laure resta muette.
L’homme de l’ombre se déplaça de quelques pas et saisit une barre de fer. Il la plaça quelque part au sol et en souleva une plaque d’égouts. « Tiens c’est plus pratique avec ça». Il lui tendit une lampe torche. Laure alluma la lampe et vit la plaque d’égout déplacée avec l’intitulé « 121bis ». L’homme souriait, comme fier de sa mise en scène.
Son destin en main, Laure décida d’y descendre.
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