Chapitre 9
Evan
Les deux semaines passées, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour ne pas avoir à croiser Julien. J’ai travaillé tout le week-end, et sinon je m’enfermais chez Josh (avec ma sœur mais elle aime bien mon ami alors ça lui va)
Celui-ci ne paraissait pourtant pas très content que je passe autant de temps avec lui. Pourtant, on était inséparables plus jeunes, tant et si bien que les professeurs devaient nous garder dans la même classe. Et nous sommes toujours aussi soudés : on projette de prendre une coloc à nous deux lors de nos études supérieures. Mais il disparaît l’après-midi, me demande sans cesse si je ne préfère pas rentrer, que Jasmine doit être fatiguée…
Alors je me retrouve le dernier vendredi avant les vacances de Noël, et je n’ai plus le choix : ne pas aller à la fête de Bins, c’est ruiner ma réputation. Je sais pertinemment que Julien y sera, cette soirée est trop réputée pour que ce ne soit pas le cas.
Je suis devant la porte et la musique s’entend si fort à travers la cloison que je risque de devenir sourd après deux minutes passées à l’intérieur. Il faut dire que la soirée a commencé depuis déjà près de deux heures. Après avoir pris une grande inspiration, je franchis le seuil de l’appartement. Une odeur de fumée, d’alcool et d’humidité vient, comme je l’avais imaginé, bloquer ma respiration et me piquer les yeux. Je connais la plupart des personnes que je croise mais je ne vois ni Joshua, qui est arrivé avant moi, ni Lucie, qui m’avait pourtant promis de venir. De toute manière, ça ne doit vraiment pas être son genre de venir dans des soirées comme celles-ci. Je me demande même si elle n’a jamais mis les pieds à une fête. En dehors des anniversaires, bien sûr.
Le bruit m’étourdit, j’ai mal à la tête et la gorge me gratte. Je sens une odeur de joint omniprésente. Je ne comprends vraiment pas l’intérêt que ces gens portent à la consommation de stupéfiants. Ils se détruisent la santé, ne sont plus conscients de rien, et perde le sens de la réalité des choses. « Oui, parfois, la vie est dure, et alors ? Il faut se battre ! » C’est ce que j’aimerais dire à mon père à chaque fois que je le vois, pas plus expressif que de la mousse entre les pavés du trottoir.
En observant ces corps informes se mouver et trébucher les uns sur les autres, je remarque Caro, que je n’avais pas revu depuis le début du mois. Elle s’approche de moi d’un air aguicheur. En attendant de devoir me prendre la tête avec Julien, je sais quoi faire.
Assis sur un canapé, la jeune femme sur mes genoux, j’observe les convives. Je souris en voyant ce qui semble être la blondinette entrer dans le salon. Elle s’adosse maladroitement contre le mur : j’avais raison, elle n’a pas l’habitude des fêtes. Lucie lève alors les yeux vers moi. Même à plusieurs mètres, je peux y voir briller une lueur étrange, captivante, et qui me marque à chaque fois. Je détourne vite le regard pour trouver la première distraction venue. J’enfouis donc mon visage dans le cou de Caro, toujours accrochée à moi telle une sangsue. Décidément, je pense que je vais la surnommer comme ça.
Malheureusement, je ne peux m’empêcher de relever la tête dans la direction de Lucie, pour savoir si elle est toujours là. Ce que je vois me retourne l’estomac. Elle est bien restée appuyée contre le mur, mais en compagnie, cette fois, de ce fameux Julien. Je ferme les yeux et pris pour qu’il ne se passe rien entre eux. De toute manière, Lucie est trop intelligente et sérieuse pour embrasser le premier venu je suppose.
Depuis une demi-heure, Caro me mange le cou et la bouche, depuis une demi-heure, je suis assis sur un sofa poisseux, depuis une demi-heure, la blondinette discute avec Julien. Enfin, de ce que je vois, elle l’écoute en poussant des soupirs d’exaspération plus qu’autre chose. Soudain, je la vois se relever pour s’en aller. Je pousse un soupir se soulagement. Même si j’ai sorti mon téléphone, je ne voulais surtout pas avoir à l’utiliser. Sauf qu’en une fraction de seconde, il la pousse contre le mur et l’embrasse.
Tout s’arrête. Les gens, la musique, Caro, mon cerveau reste figé sur une question : est-ce que je prends la photo. Je sais pertinemment que cela aura des répercussions pour Lucie. Mais Dilan commence à s’impatienter et s'il venait à s’ébruiter que mon père était accro à la drogue… Je perdrais ma sœur, mais aussi peut-être Josh, à cause de ce que penseraient les autres lycéens. En voyant Lucie poser ses mains sur le torse de Julien pour le repousser, je réagis sans le vouloir. L’image est figée sur mon téléphone. Alors qu’elle s’enfuit loin de ce monstre, je ferme les yeux et envoie la photo à Dilan.
Je m’assurerai qu’elle n’ait pas de problèmes au Styx. Je me le promets.
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