Rapprochement
Il est maintenant aux environs de quatorze heure trente. Ils remontent, côte à côte, la rue pavée. Comme il fait chaud, Yvan retire sa veste et la lance sur son épaule.
- Je suis désolé, si j’étais venu plus tôt vous chercher on aurait eu plus de choix, dit-il gêné. Mais je suis parti trop tard de chez moi.
- Vous habitez loin ?
- À deux heure d’ici à peu près.
- Et vous êtes venu juste pour m’inviter au restaurant ? est-elle surprise.
- Non, j’aimerai bien tester quelques choses, attendez.
Il sort de sa poche le flyer qu’Esmé lui a donné il y a deux semaines, ainsi que la pierre de quartz rose qu’il remet immédiatement dans sa poche.
Esmé sourit. Elle aime constater que les gens suivent ses conseils, car cela signifie que ça leur fait réellement du bien.
Il s’arrête et lui montre le papier froissé. Sur celui-ci, des lignes sont entourées ou sous-lignées.
- J’aimerai tester l’équilibrage des sept chakras et la divination à quinze runes.
- Ce sont deux grosses prestations, les sept chakras je connais par cœur mais les quinze runes, je ne le fais pas souvent, je ne l’ai jamais fait sur des clients, que sur des amis.
- Ça vous dérangerai de le faire pour moi ?
- Ah non pas du tout ! s’affole-t-elle. Ce n’est pas ce que je voulais dire, je serai ravie ! C’est juste que regarderai sans doute beaucoup mes notes, ça ne fera pas très professionnelle.
Il se rapproche d’elle pour parler à son oreille. Si près que ses mains, qui tiennent le papier, touchent sa chemise.
- Je ne le dirai à personne.
Esmé à un frisson. Elle laisse s’échapper un rictus et se pince les lèvres.
Cette phrase ne nécessite pas d’être dite à l’oreille. De plus, il n’y a pas beaucoup de monde en ville aujourd’hui. Pourquoi a t-il fait ça, se demande rapidement Esmé. Il s’écarte, une expression joyeuse sur le visage. Elle tente de retrouver ses esprits. Puis il reprend, comme s’il ne s’était rien passé.
- Quelle option nous reste t-il pour manger quelque chose ?
- Les fast-foods, dit-elle en grimaçant. Ils servent à n’importe quelle heure. Il y en a un, un peu plus loin.
Il hausse les épaules.
- Ça fait très longtemps que je n’y suis pas allé. Ça vous dérange ?
- Non, du tout. C’est part là, dit-elle en se mettant en marche.
Il la suit.
- Pour les sept chakras, commence t-elle tout en marchant, c’est un temps de méditation qui peut durer assez longtemps. La fin de la séance doit être intuitive.
- Que voulez-vous dire par intuitive ?
- Qu’il faudra vous concentrer sur votre corps, l’écouter pour savoir quand arrêter.Cela se fait un peu comme un matin sans avoirbranchévotre réveil.
- Ça fait un peu peur votre histoire, dit-il dans un rire avec une pointe d’inquiétude.
- Ne vous inquiétez pas, dit-elle en riant, je vous guiderai, vous comprendrez. Ce que je voulais dire c’est : avez-vous le temps de rester un peu ?
- Oh bien sûr ! Aucun problème.
Elle répond par un sourire.
Ils arrivent au fameux restaurant. Ils entrent, commandent, Yvan paie et une dame leur propose de leur apporter leurs plateaux quand ils seront prêts. Ils vont donc s’installer à l’étage.
Ils continuent de discuter de sorcellerie. Une jeune femme arrive avec leurs plateaux et s’exclame.
- C’est vraiment vous ?! en regardant Yvan.
Il répond en riant.
- Tout dépend de qui vous cherchez mais moi je suis moi oui.
- Je peux prendre une photo avec vous ?
Esmé est un peu gênée, elle ne sait pas où se mettre. Yvan la regarde, posant la question de si ça la dérange, sans un mot. Elle hausse les épaules. Il répond donc à la fille par un sourire. Celle-ci pose violemment les plateaux sur la table, manquant de renverser les gobelets, et sort son téléphone.
Elle parle beaucoup, elle explique que sa mère regarde tous les reportages d’Yvan, qu’elle l’adore et cetera.
Esmé attend les mains sur les bras pour se réchauffer. La climatisation de cette enseigne doit-être réglée sur « froid polaire » pour que sa robe de velours ne lui suffise pas.
Yvan fait comprendre poliment à la jeune fille de les laisser. Elle finit par s’en aller, en regardant Yvan et faisant des petits signes de mains jusqu’à descendre l’escalier.
- Je suis désolé, dit Yvan d’un air triste.
Esmé sourit, les mains toujours sur ses bras.
- Il y a pas de mal.
- Tu as froid ? Attends, dit-il en se levant.
Il prend sa veste et vient à côté d’Esmé pour lui déposer sur les épaules.
- Merci mais...
- Non non. Il ne faudrait pas que ma sorcière praticienne tombe malade, lance t-il en se rasseyant.
- Ça arrive souvent que les gens vienne prendre des photos ?
Yvan lui répond puis ils continuent de discuter. C’est au tour d’Esmé de poser des questions sur la célébrité.
Ils finissent leurs repas et décident de retourner à la boutique. Ils prennent leurs plateaux et s’élancent dans l’escalier. Yvan part devant et est rapidement en bas mais Esmé descend prudemment tout en regardant ses pieds. Elle a mis des talons hauts mais sa robe tombe quand même sur ceux-ci. Yvan l’attend au bas de l’escalier, elle le regarde, lui sourit et pendant cet instant de déconcentration, son pied s’accroche dans sa robe. Son geste l’entraîne vers le bas, elle manque la marche suivante. Le plateau toujours dans les mains, elle tombe en avant, laissant tomber avec elle presque tout les restes du repas. Yvan la rattrape avant qu’elle ne touche le sol mais le fond de sa glace au chocolat s’étale sur la chemise immaculée d’Yvan.
Il l’aide à se relever, elle ne dit pas un mot, encore choquée, une main plaquée sur la bouche.
- Je suis désolée, bafouille t-elle dans sa main.
- Ce n’est pas très grave, j’en ai plein des comme ça, dit-il en riant. Aller on va aller vite à votre boutique pour vous changer, dit-il en désignant sa robe du menton.
Esmé regarde : une grosse tâche sombre trône sur sa poitrine coulant jusqu’à son ventre. Le liquide collant rend son magnifique velours bordeaux poisseux.
Heureusement la boutique n'est à quelques pas. Elle entre suivie d’Yvan. Sa mère n’est plus là. Elle part à seize heure le jeudi. Elle descend directement au sous-sol où elle garde toujours deux ou trois robes. Yvan ne la pas suivie, elle se change puis remonte. Il la regarde : elle a enfilé une robe simple, légère, blanche, descendant jusqu’à ses genoux.
- Je suis désolée, je n’ai pas de chemise ni de T-shirt.
- Ce n’est pas grave. Tu aurais quelque chose pour essuyer. C’est un peu froid.
- Oh ! Bien sûr.
Elle le prend par la main et l’emmène derrière la caisse. Elle pousse une porte, une petite salle de bain où repose deux tasses à l’envers à sécher sur une petite étagère, se présente. Elle ferme le WC et lui indique de s’y asseoir. La pièce est étroite, elle se recule au maximum mais est quand même contre-lui pour le laisser passer devant.
- Je reviens, on doit avoir des torchons, bafouille t-elle, les joues brûlantes.
Elle prend un chiffon blanc qu’elle trouve sous la caisse et revient. Elle pousse la porte, Yvan est torse nu. Il lave sa chemise dans le lavabo. Elle l’observe. Il n’est pas musclé mais n’est pas grassouillet non plus. Sa peau est lisse et légèrement hâlée. Esmé sent ses joues rougir de nouveau.
- Avec cette chaleur, ça devrait sécher rapidement, dit-il sans se déconcentrer de sa tâche.
Elle dépose le chiffon sur le bord du lavabo.
- Je vais vous attendre au sous-sol, réussit-elle enfin à dire en quittant la pièce.
Esmé descend rapidement. Elle attend, se tourmentant de l’état dans lequel cet homme la met. Pourquoi cela lui fait-il cet effet ?
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