Chapitre 1

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Et je le sens, je sens mon organe se compresser jusqu'à me faire mal dans la poitrine, jusqu'à ce que je me torde de douleur, les larmes coulant un peu plus sur mes joues.

Sans un seul regard ni même une seule parole à m'accorder, sa silhouette me tourne le dos et je ne peux empêcher mes pauvres jambes de le suivre à pas de géant afin de rattraper celui que j'ai aimé bien plus que ma propre vie.

Je ne réfléchis même pas et le dépasse avant de me poster devant lui, l'obligeant à se stopper pour éviter de me rentrer dedans.

D'un geste désespéré, je lui attrape les mains et les serres entre les miennes. De mes yeux, je cherche les siens mais il secoue sa tête de droite à gauche, refusant ainsi de me regarder une seconde de plus et se dégage d'un coup sec. Mon cœur saigne, comme si sa manière de me traiter pouvait me blesser autant que les serres d'un rapace. Un rapace qui, de par ses attaques, laissent de profondes griffures sur sa proie, la saignant à blanc, la vidant de toute vie.

Avec de simples petits mots, il a réussit à me mettre à terre, mais je ne suis pas encore mort et je me battrai tant que je ne serai pas certain que tout est vraiment fini.

Je ne veux pas que ça se termine ainsi, je ne le supporterai pas.

- Flynn...

D'un revers de main je chasse les larmes qui me brouillent la vue puis essaye, une fois de plus, de lui prendre les mains.

- S'il te plaît...

J'essuie un nouveau refus de sa part, tout aussi difficile à avaler que les autres, faisant grossir un peu plus la boule coincée dans ma gorge, je tente alors de retenir mes sanglots.

Il ouvre la bouche comme pour dire quelque chose, mais se ravise immédiatement. Je n'ose pas bouger d'un pouce et attends qu'il parle alors que le temps me semble se figer. Flynn se mordille les lèvres, ferme les yeux et prend une grande inspiration, je reste suspendu à ses lèvres, dans l'espoir qu'il accepte finalement de nous donner une dernière chance. Mon cœur s'emballe et tambourine fortement dans ma poitrine, suppliant à chaque « boum » de se voir libérer de cette pression douloureuse.

- C'est fini Jay.

- Mais...

- Je ne reviendrai pas sur ma décision , me coupe-t-il

Assommé par ses paroles, comme s'ils avaient été des coups portés, je me fige sur place, complètement sonné, incapable de dire ou faire quoi que ce soit.

Flynn profite de ce moment de latence pour reprendre sa route, c'est en sentant son épaule me frôler le bras que je sors finalement de ma léthargie. Je pivote sur moi-même, une énergie nouvelle s'emparant de mon être et porté par une vague de colère, je hausse la voix :

- Alors quoi ? Tu me quittes comme ça après tout ce qu'on a vécu ?

Mon rythme cardiaque s'accélère un peu plus et mon sang pulse contre mes tempes alors que l'air entre et sort bruyamment par mes narines. Je suis désormais à bout de nerfs, à deux doigts d'exploser, plus que je viens de le faire. Lorsque je m'aperçois que l'homme de ma vie ralentit mais ne s'arrête pas, s'éloignant toujours un peu plus de moi, je craque. Ni une ni deux, je m'élance à nouveau à sa suite, l'empoigne par le bras afin de le retourner face à moi et crie :

- Flynn ! Regarde-moi.

Sans que je ne m'y attende, il m'attrape fermement par les épaules et vient me coller à une voiture garée tout près.

La colère que je ressentais précédemment disparaît aussitôt pour laisser place à la stupeur.

- Ça suffit Jay ! T'es en train de nous donner en spectacle.

J'avale difficilement ma salive, les yeux noirs de mon partenaire me fixant avec insistance.

Lentement, je lève la tête et regarde aux alentours. Les passants se sont arrêtés pour nous fixer et des clients, se trouvant sur la terrasse d'un restaurant, sont debout et observent la scène qui se déroule sous leurs yeux. Honteux, je me mets à regarder mes pieds, tout énervement ayant quitté mon corps. Désormais, je me sens vidé de toutes forces. Cette poussée d'adrénaline qui est montée en flèche est redescendue comme un pic, me mettant à terre, K.O.

J'ai l'impression d'être qu'une poupée de porcelaine qu'on a déjà martyrisé, dont on a pas pris soin et qu'on a par inadvertance laissé tomber, rencontrant violemment le sol, elle éclate en mille morceaux.

Mais je n'abandonne pas, je suis prêt à le supplier pour qu'il reste, le supplier pour qu'il m'épargne et ne m'achève pas, pour qu'il recolle chaque bout de mon âme.

- Je suis désolé ; je souffle tout bas.

Il retire ses mains de mes épaules avant de les fourrer dans ses poches dans un geste las.

- C'est toujours la même chose avec toi ! Mais tu n'arrêtes pas de faire des conneries pour autant.

Comprenant qu'il fait allusion au sujet de notre rupture, je réagis aussitôt.

- Mais merde, je me suis excusé pour ça. Je sais que j'ai eu tort et je le regrette sincèrement. Tu...

Je me tais quelques secondes, ravalant les larmes qui menacent de couler à nouveau avant de venir me coller à lui, m'accrochant désespérément à son cou. Il me laisse faire et encouragé par son attitude, je poursuis, toute dignité envolée.

- Ne me quitte pas pour ça, je t'en supplie. C'était juste une petite erreur ...

Avec précaution, mon amant m'éloigne de lui, me forçant à le regarder dans les yeux.

Je vois de la déception dans son regard et peut-être même du dégoût, ce qui me brise un peu plus le cœur. Je peux supporter bien de choses, mais pas ce que je décèle dans ses pupilles.

- Mets-toi à ma place ! Tu réagirais comment en apprenant que depuis le début de notre relation, je te cachais des choses ?

J'essaye d'intervenir, mais n'en ai pas le temps puisqu'il continue sur sa lancée.

- Je découvre que mon petit ami est strip-teaseur et je l'apprends comment, hein ? En tombant sur un flyer ! Un vulgaire bout de papier que la moitié de la ville a dû déjà voir ! Comment est-ce que tu veux que je me sente ? Et tu appelles ça une petite erreur, toi ? Tu veux que je te dise ? Ça me dégoûte de savoir que tu te frottais à tous ces mecs qui devaient sûrement bander devant toi, que tu te laissais certainement toucher par eux....

- Je ne t'ai jamais trompé, je l'interromps.

- C'est tout comme ! Tu m'as menti, tu m'as caché tout ça...Putain Jay, tu m'as fait croire que tu étais serveur dans une boîte de nuit. Je te faisais confiance, je ne suis jamais venu te déranger sur ton lieu de travail ! Jamais je n'ai douté de toi ! Alors, si ! Si, tu m'as trompé ! S'emporte-t-il

Je me prends toute cette vérité en pleine face et je ne sais plus quoi faire. C'est foutu, je l'ai perdu. J'aurai dû lui dire dès le début, mais j'avais trop peur qu'il me rejette...comme il le fait maintenant.

Et puis, je ne pouvais pas non plus mettre un terme à mon activité sans pouvoir rebondir, il fallait bien que je trouve autre chose d'abord non ? Mais pourquoi, pourquoi il a fallu qu'il tombe sur ce flyer alors que je suis sur le point d'arrêter tout ça.

- C'était mon dernier contrat, je te le jure...

- Qu'importe ! Le mal est fait. Écoute...je ne pourrais plus te regarder comme avant, je n'aurai plus confiance et nous allons tous les deux en souffrir si je reste...alors...rentre chez toi, refais ta vie et oublie-moi !

Il a dit "chez toi" ?

Mais...c'est chez nous...

Alors...c'est vraiment fini ? Il n'y a plus d'espoir ? Il s'en va pour de bon, il va me laisser comme une merde ?

Je suis comme déconnecté, je n'entends plus ce qu'il me dit. Ou du moins j'arrive à ne saisir que l'essentiel. "Ma sœur...mes affaires. Adieu".

Je ne vois plus grand-chose avec mes yeux embués mais je distingue tout de même la silhouette de Flynn qui disparaît au coin de la rue.

Et c'est le cœur brisé que j'abandonne définitivement la guerre. Il me faut quelques minutes pour réussir à reprendre le contrôle de mes membres et pour les forcer à faire demi-tour, tête baissée et traînant les pieds, les épaules voûtées.

J'arrive devant le jardin public dont l'entrée est surplombée du drapeau allemand, symbole patriotique du pays, flottant fièrement grâce au vent qui s'élève, m’arrachant au passage un frisson. Je m'engouffre à pas lents dans cet espace me paraissant soudainement bien morose et le traverse pour arriver de l'autre côté où je finis par atteindre mon immeuble.

Je tourne la clé dans la serrure de la porte puis entre à l'intérieur de l'appart, sans aucun entrain.

Le tic-tac incessant de la vieille horloge, que chérissait tant mon ex petit-ami, m’écorche les oreilles, il résonne dans la pièce, me rappelant que je suis désormais seul. À ce moment de la journée, Flynn aurait dû être en train de râler parce qu'il va être en retard pour le boulot. Je devrais l'entendre parcourir la pièce pour récupérer sa veste est ses clés, ses pas lourds martelant le sol jusqu'à entendre la porte se claquer avec fracas. Aujourd'hui, à cet instant précis, j'imagine qu'il est en route pour se rendre chez Cynthia, sa sœur. À moins qu'il ait préféré prendre un train pour Berlin. Je ne le saurai jamais puisqu'il m'a exclu de sa vie.

Les yeux humides, je me dirige vers la chambre et manque de tomber en me prenant les pieds dans une pantoufle qui traîne au milieu du couloir.

Je jure jusqu'à arriver à mon lit, dans lequel je me réfugie et laisse finalement sortir mon chagrin dans l'oreiller.

Tout ce qu'il me reste désormais de notre histoire sont quelques photos placardées un peu partout dans l'appartement, ma mémoire qui, sans nul doute, repassera en boucle nos plus beaux moments passés ensemble et puis...il y a ce trou béant dans ma poitrine qui me fait atrocement mal, il sera là pour me rappeler que je n'ai été qu'un sombre con.

Quelques heures plus tard, ne supportant plus la douleur qui me noue l'estomac, je décide de sortir et de noyer ma peine autrement qu'en pleurant dans mon plumard.

Je ne perds pas de temps à changer de vêtements où recoiffer mes cheveux bruns et sort pour me diriger vers le bar le plus proche.

J'entre rapidement et jette un œil circulaire sur la salle. Il n'y a pas beaucoup de monde, il faut dire qu'il est encore assez tôt, mais tant mieux pour moi. Je m'avance rapidement au comptoir. Le barman me salue, je commande alors un whisky sec que je m'empresse de boire d'une traite. Je manque de m'étouffer et tousse à cause du liquide qui me brûle la gorge.

- Un autre s'il vous plaît...

Je sors un billet de ma poche et le tends à l'employé pour régler ma consommation avant de ramener le verre devant moi. L'entourant de mes mains, je fixe le liquide jaunâtre tirant vers le orange avant de le faire danser dans le verre. Mes pensées se noient dans ce flot mouvant et c'est sans m'en rendre compte qu'une perle salée atterrit dedans et s'y noie, elle aussi. Rageusement, je m'essuie les yeux avant d'avaler cul sec l'alcool qui me réchauffe un tantinet le cœur.

Je sens mes muscles se détendre légèrement mais le vide vient à nouveau prendre place dans tout mon être et je ressens le besoin de le combler ne serait-ce que pour quelques petites et minuscules minutes, alors, je commande une autre boisson.

La chaleur du liquide me fait oublier le vide en moi et le remplace un instant. Désireux de retrouver une fois de plus cette sensation, j'enchaîne finalement les verres.

Maintenant, c'est toute la salle qui danse autour de moi, les gens qui se sont agglutinés autour du bar dansent eux aussi alors que les visages se déforment, provoquant ainsi mon hilarité et les voix deviennent toutes aussi drôles.

Ce festival continue encore un moment, je suis entraîné dans un tourbillon de folie qui n'en fini plus...

Ce soir-là, ainsi que les suivants, je finis ivre mort et me réveille le lendemain avec peu de souvenirs. J'ai seulement conscience que ces moments à picoler me permettent d'oublier mon échec amoureux et surtout, j'arrive à me sentir un peu moins mal. Juste le temps de quelques heures...

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