Chapitre 7

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Malgré la chaleur accueillante de mon appartement, je tremble des pieds à la tête, je suis gelé, à l'extérieur comme à l'intérieur et je sais que le froid n'est pas l'unique raison à mon état.

Je referme la porte derrière moi et m'y adosse, l'esprit embrouillé par tout ce qui vient de se passer.

Mes lèvres me brûlent encore après le baiser qu'on a échangé avec Flynn et j'ai l'estomac toujours en vrac. Notre conversation d'après n'a pas effacé toutes ces sensations. En effet, nous avons encore parlé une dizaine de minutes avant qu'il ne rentre chez lui par obligation.

Je ferme les yeux et garde la tête appuyée contre la porte, prenant une grande inspiration, puis les rouvre subitement. Je jette un regard circulaire à la pièce, recherchant la présence de Hugo dont je me souviens à nouveau de l'existence. J'ai l'impression de me prendre un coup de poing dans le ventre, me coupant le souffle.

C'est comme si je me reconnectais au monde réel après une période de flottement total, comme si je venais d'atterrir et que j'avais à présent les pieds bien ancrés au sol. La réalité me frappe de plein fouet. Hugo. Je l'ai lâchement laissé pour courir après mon ex, je ne lui ai accordé aucune parole et à peine un regard qui, pour être honnête, était fuyant.

La pièce, dans laquelle nous nous trouvions avant l'entrée fracassante de Flynn, est vide et silencieuse. Aucune trace du brun, aucun signe de vie. Une peur soudaine s'empare de moi, celle que Hugo soit parti et qu'il ne m'en veuille à mourir. J'imagine que je l'ai déçu et ça, je ne le supporte pas.

J'aimerais lancer son nom à travers l'appartement mais, je n'ose pas l'appeler, trop effrayé de ne recevoir qu'un simple silence en guise de réponse.

D'un pas hésitant, je traverse le séjour et me dirige vers la cuisine sans un bruit, à chaque pas, mon cœur tambourine dans ma poitrine tandis que mon estomac se noue de plus en plus en constatant l'absence du brun.

Finalement, mes yeux sont attirés par la porte vitrée ouverte d'où me parvient un courant d'air glacial.

Une fumerolle danse sur la terrasse, m'apprenant ainsi que le principal concerné est en train de fumer. Je suis à la fois soulagé et angoissé de le savoir toujours là. Angoissé car il va me falloir mettre les choses à plat avec lui.

Je m'avance lentement vers la terrasse mais n'arrive pas à sortir complètement, au lieu de quoi, je me plante dans l'encadrement et me repose contre la structure en aluminium pour me soutenir.

Hugo, sentant ma présence, tourne légèrement la tête vers moi avant de regarder à nouveau droit devant lui tout en soufflant la fumée de sa cigarette.

Je remarque à sa posture qu'il est un peu tendu et le pli sur son front montre qu'il est soucieux. Je n'ai qu'une envie, c'est de le prendre dans mes bras et de m'excuser, encore et encore, jusqu'à ce que son visage retrouve son air tendre et joyeux. Mais, je ne bouge pas, j'en suis tout bonnement incapable et je ne peux rien dire non plus parce que je ne sais pas quoi dire ni comment m'y prendre afin de lui faire oublier ce désastreux épisode.

Et dire que je suis responsable de ce visage fermé, de ses pensées tourmentées !

Ma vue se brouille alors que mes yeux se remplissent de larmes, prêtes à couler à tout moment.

Au bout d'interminables secondes, il se tourne vers moi et me porte attention.

- Je vous ai vu...fait-il en recrachant sa dernière bouffée.

Je me prends ces mots comme s'ils avaient été une gifle pour moi. Je n'avais pas pensé une seule seconde au fait qu'il puisse nous voir depuis l'appart...je n'avais pas pensé à lui une seule seconde en fait ! Et je m'en sens terriblement coupable. Je ne peux que comprendre comment il doit se sentir en cet instant, même si je n'ai jamais vécu ça moi-même, juste de l'imaginer, cela me faisait horriblement mal.

Après réflexion, ça doit être pire pour Hugo. Voir son petit ami en embrasser un autre aussi fougueusement, c'est pire qu'horrible. Je m'en veux de lui faire subir un truc pareil, il ne mérite pas ce que je lui inflige, c'est monstrueux. La culpabilité me ronge et je finis par craquer sous son poids, libérant les larmes que je retenais tant bien que mal.

- Je suis désolé, arrivé-je à articuler.

Malgré ma vision bien trouble, je distingue ses gestes et le vois écraser son mégot contre la rambarde avant de le balancer par-dessus la balustrade. Il me fixe d'un air triste et semble attendre plus de ma part. Je sais que je lui dois des explications, mais qu'est-ce que je pourrais lui dire si ce n'est que je regrette qu'il ait assisté à ça.

- Je...je sais pas ce qu'il m'a pris, commencé-je. Je ne voulais pas...et en même temps, si...je sais pas ! Je suis tellement....désolé.

J'ai l'impression que rien n'est cohérent dans mes propos, ni dans ma tête d'ailleurs. Tout ce que j'aimerais c'est de creuser un trou bien profond, m'y terrer et disparaître.

- T'as l'air...perdu...

Sa voix est légèrement déformée, elle n'est pas aussi limpide et douce que d'habitude, cela m'en brise le cœur et je sais que ma réponse ne sera pas des plus plaisantes mais, je ne veux pas lui mentir, surtout pas à lui.

- Je le suis...dis-je en fuyant son regard.

Un long silence suit mon aveu, silence perturbé par mes reniflements.

- Je m'en veux d'avoir échoué, lâche-t-il soudainement.

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il veut dire par là.

- Échoué ?

- Je sais que tu n'es pas amoureux de moi et j'aurai aimé pouvoir changer ça mais, j'ai échoué.

- Hugo...

D'un geste automatique, je lève la main vers lui dans le but de la poser sur son bras, mais me ravise au dernier moment et me rétracte pour croiser mes bras contre ma poitrine alors que le brun effectue un léger mouvement de recul, à peine perceptible.

- Je n'ai pas besoin que tu me consoles, poursuit-il sans animosité. Je sais ce qu'il en est. S'il n'y avait pas eu Flynn, je suis persuadé que j'y serai parvenu. En tout cas...j'aurai tout fait pour te rendre heureux...

Pour lui tout est déjà joué et ça me fait encore plus mal. Je ne voulais vraiment pas de tout ça, de cette situation, je ne voulais pas avoir à choisir entre eux deux.

Mes sanglots reprennent et je me maudis d'être aussi faible. J'aurais aimé être plus fort et affronter tout ça avec un peu plus de caractère et de fermeté.

- Ne pleure pas, s'il te plaît...

Mais rien n'y fait, tout ça c'est trop pour moi. Il vient me prendre dans ses bras, ce qui me surprend et m'achève davantage.

- Arrête de pleurer Jay, s'il te plaît !

- Je suis désolé, Hugo...

- Je sais, me souffle-t-il avant d'embrasser ma tempe.

Un autre moment empreint de silence s'installe entre nous, je profite de cet instant pour seulement savourer la douceur de ses bras réconfortants. J'ignore comment il fait pour ne pas mourir de froid avec un simple tee-shirt sur le dos mais avant que je n'ai le temps de faire un quelconque geste pour nous entraîner à l'intérieur, Hugo reprend de nouveau la parole.

- Alors...et Flynn ?

Je vois où il veut en venir, il veut savoir ce qu'il me voulait. Et même si la réponse est évidente, il semble avoir besoin de l'entendre de ma bouche. Je renifle et tente de ravaler mes larmes avant de finalement déclarer d'une voix presque éteinte :

- Il veut qu'on se remette ensemble.

Je retiens ma respiration, m'attendant à ce qu'il s'énerve, comme l'aurait fait Flynn dès qu'il entendait parler de mes ex ou que quelqu'un me regardait avec un peu trop d’insistance, mais, non. Il resserre simplement son étreinte comme s'il ne voulait pas que je lui échappe. Mon cœur se déchire, j'ai l'impression que tout est en train de changer à présent, peut-être est-ce la dernière fois qu'il me tient dans ses bras de cette manière ? Et si c'est bien le cas, je ne peux me résoudre à rester inactif.

Je fais glisser mes bras autour de sa taille pour l'enlacer à mon tour avant de venir nicher ma tête dans son cou.

Ainsi, nous nous étreignons quelques petites minutes avant qu'il ne me relâche finalement.

Il rentre et je le suis, refermant la porte vitrée pour nous isoler du froid hivernal. Je l'observe quitter la cuisine pour se rendre dans le séjour.

Je le rejoins rapidement, j'ai besoin de me justifier auprès de lui, d'essayer de le rassurer comme j'essaye de me rassurer, bien que je sois indécis face à la tournure des évènements et à la suite à venir.

Je ne sais pas comment va se terminer toute cette histoire et j'ai besoin de me recentrer sur ce que je veux vraiment pour en avoir une idée.

Alors, timidement, je rajoute :

- J'lui ai dit que j'avais besoin de temps....pour réfléchir.

Hugo arbore un air plus que surpris, ne s'attendant apparemment pas à une telle réponse de ma part, me prouvant une fois de plus qu'il pensait notre histoire terminée au moment même où mon ex est revenu.

Je ne comprends qu'à moitié sa surprise. Je ne vois pas ce que j'aurais pu répondre d'autre. Après tout, quelle que soit ma décision finale, il faut bien que j'en discute avec lui.

Je ne pouvais pas donner une réponse positive au blond et jeter Hugo comme s'il n'avait aucune importance.

C'est vrai que le contraire aurait été faisable, à savoir dire "non" à Flynn et rester avec le barman mais, voilà, je ne sais pas lequel des deux choisir. J'ai besoin d'un peu de temps pour y voir clair et ne pas me précipiter pour ensuite regretter et nous faire souffrir tous les trois.

- Alors...nous deux, c'est pas encore fini ?

Les mains enfoncées dans ses poches, il se balance d'un pied à l'autre en prenant soin de ne pas croiser mon regard.

- Non ! Je...je soupire malgré moi avant de reprendre, j'ai besoin de temps...

Il hoche lentement la tête de bas en haut en signe d'approbation et s'approche afin de réduire la distance entre nous. Il attrape mes mains et vient entrelacer nos doigts, je le laisse faire et arrive même à apprécier son geste.

Pour la première fois depuis ces longues dernières minutes, ses yeux plongent dans les miens. Son regard brille et me vrille le cœur, j'arrive à voir combien cette situation lui fait de la peine et ce malgré ma maigre tentative pour le rassurer.

- Sache que, quoi que tu décides, je ne t'en voudrais pas !

Le brun glisse sa main derrière ma nuque et m'attire à lui avant de poser un baiser sur mon front puis sur le coin de mes lèvres, avant de reculer et de s'éloigner considérablement de moi.

- Je respecterai ton choix, quoi qu'il advienne....rajoute-t-il

Pourquoi j'ai la désagréable sensation qu'il s'agit d'un au revoir ? En tout cas, c'est comme ça que ça sonne à mes oreilles et je n'aime pas ça. Plus que si cela avait été Flynn à sa place. Peut-être parce que je sais que Flynn n'est pas vraiment parti. Je sais qu'on va bientôt se revoir mais, en ce qui concerne Hugo, j'ai vraiment l'impression qu'il me fait ses adieux...

Bon sang, pourquoi la vie nous joue-t-elle des tours aussi dégueulasses ? Qu'est-ce que j'ai bien pu faire au ciel pour me retrouver face à ce dilemme ? Si c'est une question de karma, j'ai dû vraiment déconner dans une autre vie, je ne vois pas d'autres explications à tout ce merdier.

Comme un pantin qu'un marionnettiste abandonne sur son socle, je ne bouge pas, même quand Hugo s'empare de ses affaires, s'habille et quitte mon appartement. Et même après que la porte se soit refermée derrière lui, je ne bouge toujours pas. Seules mes paupières papillonnent quelques secondes afin de chasser les larmes agglutinées dans la cavité de mes yeux.

Et maintenant Jay ? Te voilà seul, seul avec ton cœur fendu par le tonnerre de deux âmes éperdues, seul avec tes pensées tournoyant dans une tempête d'émotions, virevoltant au gré des vents impétueux de tes sentiments.

Doucement, je m'anime à nouveau pour venir glisser contre le mur et finis par m'asseoir à même le sol. Je me prends le visage entre les mains avant de relever la tête, fixant mon regard sur le plafond. Inconsciemment, je fais à appel à toutes les forces divines, - si elles existent -, pour qu'elles me viennent en aide avant que je ne m'écroule pour de bon.

***

D'un geste las, je retire mes couvertures et me redresse légèrement pour attraper mon portable et vérifier l'heure qu'il est. 14h03. Et déjà cinq messages, tous de Flynn. Je les parcours vaguement avant de me rallonger, les mains croisées sous ma nuque. Le dernier message du blond remonte à 8h47. Parfois j'oublie que lui et moi n'avons pas du tout le même rythme de vie. Lorsque lui se réveille, on peut dire que je commence ma nuit en quelque sorte.

Je soupire fortement, pas que je ne suis pas content de recevoir des textos du blond, mais cela fait plusieurs jours que je n'ai reçu aucune nouvelle de Hugo, pas même un sms. Contrairement à lui, Flynn m'en envoie quotidiennement et je n'arrive pas à savoir si ça m'embête de ne pas voir le nom du barman s'afficher une seule fois dans toutes mes notifications.

Je mets ces pensées de côté et me saisis à nouveau de mon téléphone pour lire les messages de mon ex.

De : Flynn

Reçu à : 7h05

Bonjour toi ♥

Je souris en voyant le petit cœur accompagnant ces quelques mots.

De : Flynn

Reçu à : 7h38

J’imagine que tu dors encore

De : Flynn

Reçu à : 8h06

Je voulais juste te dire que je pense à toi...

Mon cœur rate un battement et s'emballe un peu plus avec le message suivant.

De : Flynn

Reçu à : 8h07

Et que tu me manquais... :(


Je ne sais pas si ça me réjouit de lire tout ça. Je mentirais en disant qu'il ne me manque pas mais, il n'est pas le seul à créer ce manque en moi. Je ne sais juste pas lequel des deux a le plus de poids.

En découvrant la longueur du dernier texto, mon cœur se met à battre encore plus vite dans ma poitrine. Ce n'est jamais bon signe et j'ai soudainement peur qu'il ne me dise qu'il préfère finalement sortir totalement de ma vie, qu'il s'est trompé et qu'il ne veut plus de moi.

C'est alors tout fébrile que je me mets à lire consciencieusement le sms, non sans me ronger les ongles de la main.

De : Flynn

Reçu à : 8h47

J'arrête pas de penser à toi, à ce qu'on s'est dit l'autre jour et on a tout ce qu'on ne s'est pas encore dit. Oui parce que je crois qu'il y a encore des choses à mettre à plat et j'ai pas l'impression qu'on a vraiment discuté de tout ce qu'il s'est passé entre toi et moi. Je crois qu'on a encore besoin de s'expliquer et de voir ensemble ce qui en est de nous. Cette situation me rend dingue. Je ne peux pas te parler comme je le voudrais à travers un écran, j'ai besoin de te voir pour ça, t'avoir en face de moi. Alors, s'il te plaît, est-ce qu'on peut se voir ?

À la fin de ma lecture, je pose mon portable contre mon cœur, soulagé et relis une nouvelle fois les mots qui me font trembler intérieurement. Il veut qu'on se voie.

L'idée de me retrouver seul avec lui, sans oreilles et yeux indiscrets, me rend nerveux et impatient à la fois. Mon estomac se tord tandis que mon sourire ne fait que de s'agrandir. Je finis par me mordre la lèvre dans le but de me reprendre un minimum et m'empresse de taper sur mon clavier tactile.


À : Flynn

Envoyé à : 14h16

Salut...tu es dispo aujourd'hui ?


Je décide de quitter mon lit et de m'habiller mais me ravise au dernier moment, préférant m'asseoir dans le lit en attendant la réponse du blond qui ne tarde pas d'ailleurs.

De : Flynn

Reçu à : 14h18

Je passerai après le boulot ! À ce soir ♥

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