Chapitre 8

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Le cœur battant à tout rompre, j'ouvre à Flynn. Mes mains sont moites et ma gorge complètement sèche, comme si je n'avais pas bu depuis des jours et des jours.

Pendant quelques secondes, nous restons ainsi à nous dévisager sans bouger. Mon organe s'emballe un peu plus dans ma cage thoracique et j'ai l'impression que mon ex n'a jamais été aussi beau de toute sa vie. Pourtant, ses habits d'hiver m'empêchent de distinguer la tenue qui se cache en dessous.

Lentement, ses lèvres s'étirent, creusant un peu plus son adorable fossette au menton. Un sourire naît également sur mes lèvres, en écho au sien et une chaleur joyeuse parcourt mes veines en même temps que mon ventre se tord d'appréhension.

- Salut, soufflé-je timidement.

Rapidement, il réduit la distance entre nous et m'attrape le visage pour m'embrasser avidement.

Pris de court, je n'arrive pas à le repousser, je n'en ai d'ailleurs pas l'envie, bien au contraire. Cela me rappelle de bons souvenirs et fait remonter en moi des sensations que je n'avais pas ressenties depuis notre séparation. J'ai l'impression que rien n'a changé, la tension électrique entre nous est toujours aussi forte. Sa langue caresse la mienne avec passion, je me sens fondre de plus en plus. Je voudrais rester là pour toujours, mais très vite, je suis rattrapé par ma conscience. Elle hurle dans ma tête, me rappelant que Hugo est toujours mon petit ami et que je n'ai pas le droit de lui faire ça. Mon cœur se serre et j'essaie alors de mettre discrètement fin au baiser pour ne pas vexer Flynn.

Nous nous séparons finalement, le sourire du blond encore plus éclatant tandis que j'en force un, mal à l'aise.

- Salut, finit-il par dire avant d'amorcer un pas pour entrer.

Je m'écarte pour le laisser passer, puis referme la porte pendant qu'il se débarrasse de son long manteau noir et de son échappe, les posant soigneusement sur les crochets fixés au mur.

Il agit de façon si familière qu'on dirait qu'il n'est jamais parti, qu'on est toujours ensemble et qu'il s'agit d'un jour des plus banals où il rentre après le travail... C'est tout ce que je ne voulais pas et c'est la raison pour laquelle j'avais d'abord prévu de lui donner rendez-vous dans un endroit neutre. Mais il m'a devancé, une fois de plus et je n'ai pas eu le cran d'y remédier.

J'ai peur de finir par faire une chose que je regretterai au final, il faut vraiment que je garde le contrôle et que j'empêche tout autre débordement.

Lorsqu'il se retourne pour me faire face et que nos yeux se croisent, je sors de ma contemplation. Je me racle la gorge et fais quelques pas en direction de la cuisine.

- Tu veux quelque chose à boire ?

- Une bière s'il te plaît.

Me ressaisissant, je m'active et sors une bière du frigo ainsi qu'une bouteille de soda. J'attrape un verre dans le placard et me serre en boisson pétillante avant de retourner au séjour où je le retrouve, installé dans le canapé. Je lui tends sa bouteille avant de m'installer sur le fauteuil d'en face, désireux de garder une certaine distance.

Le blond me regarde fixement sans rien dire, je le sens me déshabiller de ses beaux yeux marrons et cela me déstabilise au plus au point.

Je tente par tous les moyens de masquer mon trouble, croisant les jambes, les décroisant, buvant une gorgée de soda et puis une autre. Je décide alors de lancer la conversation, car après tout, il est là pour ça, pour que l'on discute.

- Bon...alors... ?

Il ne semble pas avoir compris ma démarche puisqu'il enchaîne sur une question des plus banales.

- Il fait un peu froid, tu ne trouves pas ?

J'ouvre la bouche, ne m'attendant pas à ce qu'il me parle de la pluie et du beau temps mais, réalise qu'il n'a pas forcément tort sur ce fait, bien que ça ne me dérange pas.

- Un peu, oui ! Attends ! Je vais régler le chauffage, dis-je en me levant et posant mon soda sur le meuble face à nous.

Il me saisit la main, m'empêchant de m'éloigner alors que je me retrouve debout devant lui.

- Non, ne t'embête pas avec ça....

Il me caresse la peau de ses doigts, ses pupilles dilatées posées sur moi. Je m'en mords l'intérieur des joues, quelque peu nerveux mais, réagis rapidement en retirant ma main.

- Ça ne m'embête pas !

Après avoir légèrement augmenté le thermostat, je regagne ma place en prenant soin de le contourner et récupère ma boisson au passage.

- Alors ? Relancé-je

Je le surprends en train de se mordiller les lèvres avant de relever les yeux sur mon visage.

- De quoi ?

Je fronce les sourcils, me demandant s'il le fait exprès ou s'il est sérieux. A-t-il perdu de vue son objectif principal en venant ici ?

- Ben...on devait parler, non ?

- Ah ! il se racle la gorge et se décale un peu vers moi, se rapprochant de quelques petits centimètres. Oui...c'est vrai.

Mes sourcils se froncent un peu plus tandis qu'il affiche un sourire amusé avant de porter le goulot de sa bouteille à la bouche. Une goutte s'échappe au coin de ses lèvres et je me surprends à la regarder glisser le long de sa mâchoire, puis dans son cou, je détourne le regard et me mets à contempler mes pieds alors que Flynn s'essuie la bouche d'un revers de main.

Je le maudis d'avoir autant d'effets sur moi et de m'embrouiller juste par sa présence. Sa voix retentit et me fait trembler de l'intérieur.

- Je ne sais pas trop par où commencer !

Il pose sa bière sur la table basse avant de se rasseoir comme il faut et de reprendre son discours.

- Tu me manques, Jay. J'ai vraiment été con.

Il se tait, attendant peut-être que je réplique quelque chose, mais tout ce qui me vient c'est ce constat qu'il aurait dû s'en rendre compte plus tôt.

- Dans trois jours, ça fera cinq mois !

- Quoi ?

- Ça fera cinq mois que tu m'as quitté ! Pourquoi tu reviens maintenant ?

Il se redresse dans le canapé avant de se passer une main dans la nuque. Ce qu'il fait à chaque fois qu'il est nerveux. Cela me rend alors suspicieux et je me mets simplement à douter de sa sincérité.

- Je te l'ai dit, je me suis rendu compte de mon erreur ...

- Comment ? je le coupe sans aucun remords.

- Jay, c'est pas...

- Comment ? insisté-je un peu plus devant sa tentative pour esquiver la question.

Il souffle bruyamment avant de se rapprocher de moi, du moins autant que lui permet le canapé dans lequel il se trouve.

- Très bien ! C'était il y a une semaine maintenant...

Je distingue le rouge teinter ses joues et je comprends alors que la suite risque de ne pas vraiment me plaire.

- On passait une soirée tranquille avec Jérémy, et il...

Il guette ma réaction mais, malgré l'amertume qui me remonte le long de la gorge, je ne bouge pas et fais mon possible pour retenir la moue de dégoût que je m'apprêtais à faire.

- Il a commencé à me chatouiller, comme tu le faisais parfois.

Je me tends à l'entente de ses dires et glisse mes mains sous mes cuisses pour ne pas avoir à serrer des poings devant lui et lui montrer mon énervement.

Le blond continue son récit, toujours en observant le moindre de mes mouvements.

- Je lui ai demandé d'arrêter en l'appelant par ton prénom, et quand je l'ai attrapé pour l'allonger, ce n'est pas ton visage que j'ai vu, c'est le sien...

Mon cœur s'emballe et je sens le contentement parcourir chaque parcelle de mon corps. Je me retiens de justesse de sourire mais, redescends aussitôt, des questions nouvelles se soulevant en moi. Qu'est-ce qui s'est passé par la suite ? À la place de ce Jérémy je n'aurai pas apprécié et peut-être que cela lui a suffi pour mettre un terme à leur relation ? Mon cerveau tourne à mille à l'heure et j'ai ce besoin obsédant de découvrir ce qu'il en est. Alors, je demande :

- C'est lui qui t'a quitté ?

- Non ! Répond-il au quart de tour. C'est moi !

- Vraiment ?

Je voudrais le croire mais, une part de moi se méfie. J'ai peur de me faire avoir, j'ai besoin qu'il me rassure. J'ai surtout besoin d'être certain qu'il ne revient pas vers moi uniquement parce qu'il se retrouve célibataire.

- Oui Jay, pourquoi je te mentirai ?

- Je...J'en sais rien.

- Je l'ai quitté parce que depuis le début, c'est toi ! Rien que toi ! fait-il en prenant une de mes mains dans les siennes, entrelaçant nos doigts. Et c'est à ce moment que j'ai réalisé que j'ai fais la plus grosse bêtise de ma vie.

-Flynn...

Il s'accroupit face à moi et me caresse délicatement la joue, se rapprochant petit à petit, son regard sondant le mien. Les doigts de ma main libre se resserrent autour de mon verre, je meurs d'envie qu'il m'embrasse et en même temps je ne le veux pas et cette partie-là, prend le dessus sur mon désir. Il récupère mon verre et le repose sur la table basse.

Je ne sais pas quoi faire pour lui échapper, j'ai déjà bien trop trahi Hugo encore une fois et ça me rend malade.

- Flynn je....

Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit de plus, on sonne à ma porte. On tourne tous les deux la tête vers l'entrée avant d'échanger à nouveau un regard. Sauvé par le gong, comme on dit.

Il me lance un sourire en coin avant de dire :

- J'espère que tu n'as pas encore mangé.

Surpris, je l'observe se mettre debout et aller ouvrir. Je me lève à mon tour pour apercevoir un livreur à la porte, le blond lui règle la somme due avant de récupérer les différents sacs. Ensemble, nous gagnons la salle à manger où il pose tout son butin. Je ne m'attendais pas à ce qu'il prenne une telle initiative et cela me gêne d'autant plus qu'il s'active à sortir quelques couverts pour mettre la table. Je lui donne cependant un coup de main, gardant le silence, puis prends place en face de lui.

Je le laisse se servir avant de me servir moi-même, toujours muet. Je ne suis pas certain que cette situation me convienne. On était censé parler de notre séparation, des non-dits et pas se comporter comme un petit couple qui dîne ensemble.

- Hum, tu noteras que..., commence Flynn la bouche pleine, j'ai commandé chinois parce que c'est ce que tu préfères !

Je tique à ses propos, attrape un rouleau de printemps à l'aide des baguettes et avant d'en goûter un bout, je prends le temps de faire une chose que je n'ai jamais faite jusqu'à présent : rectifier les données.

- C'est faux !

- De quoi ? me demande-t-il interloqué

- Je préfère le japonais en fait !

Il a un petit mouvement de recul, abasourdi par mes aveux.

- Pourquoi tu ne me l'as jamais dit ?

- Tu m'as jamais demandé, tranché-je avant de détourner les yeux et de croquer dans le rouleau de printemps.

Un silence pesant s'installe entre nous, un des plus dérangeants et je culpabilise alors de l'avoir corrigé. Après tout, il a raison, c'est une chose que j'aurai dû faire dès le début de notre relation, pourquoi je n'ai jamais rien dit ?

Soudain, il sort son téléphone.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Et beh, je te commande des sushis, dit-il un peu sèchement, ce qui me contrarie plus cela ne le devrait.

- C'est pas ce que je veux ! lancé-je sur le même ton.

- Alors qu'est-ce que tu veux Jay ?

Passablement énervé, il se lève, faisant chavirer sa chaise. Je l'imite à mon tour, emporté par la même vague de colère qui l'anime, non sans abattre mes poings sur la table au passage.

- Je ne sais pas !

Ma respiration, se fait rapide mais la tension redescend rapidement lorsque les épaules de Flynn s'affaissent et que ses yeux se perdent dans les miens, confus. Je déglutis, me redresse et laisse mes bras pendre le long de mon corps.

- Tu ne parles plus du repas là, je me trompe ?

Je détourne une énième fois le regard et fixe mes baskets. Il a raison, il s'agit de bien plus que ça. D'une main, je viens me frotter le bras pour me donner du courage avant d'ouvrir la bouche :

- Non !

- Alors pourquoi tu m'as fait venir, putain ?

Une fois de plus, je n'apprécie pas son ton, je ne sais pas d'où me sort cette petite révolte, mélangée à une pointe de rancune, mais je ne peux me contenir davantage et relève les yeux vers lui, les sourcils froncés.

- C'est toi qui as décidé de passer ! Je t'ai juste demandé si tu étais disponible! TU as décidé de venir chez moi ! Finis-je en pointant un doigt accusateur sur sa personne.

Pour la première fois de ma vie, j'ose lui tenir tête, jamais je ne l'avais fait auparavant. Pas qu'il soit du genre violent, mais je n'ai jamais voulu le contrarier.

Et ce n'est qu'une vérité de plus que je lui mets sous les yeux. Il a toujours pris des décisions sans me consulter au préalable et je n'ai jamais eu le cran de le contredire ou de montrer que j'aurais préféré que ça soit autrement, car je voulais simplement lui faire plaisir. Et puis, c'est devenue une habitude et même une manière de fonctionner pour moi, si bien, que j'ai rarement fait des choix sans que ce soit lui qui les fasse à ma place. Et ce, dans tous les domaines imaginables. Sa manière de tout décider pour moi, au fil du temps, est devenue une habitude rassurante. Je pouvais facilement me conforter dans cette situation. Car cela me permettait de ne faire aucun mauvais choix....ni de bons, c'est vrai puisque je n'avais pas réellement à choisir quoi que ce soit.

Cela m'a apporté plus d'assurance et de stabilité que de contrariétés. Enfin, c'est ce que je croyais jusqu'à présent. Mais maintenant, c'est différent. Le dilemme face auquel je me trouve le concernant lui et Hugo, doit trouver une issue par ma seule volonté.

Et si j'ai eu le courage aujourd'hui de défendre mes idées et préférences, je peux faire de même pour le reste. Et Flynn, devra accepter que je prenne des décisions par moi-même, il s'y fera. Il n'est jamais trop tard pour bien faire les choses, pas vrai ?

- Je comprends pas...Tu...tu ne veux plus de moi ?

Je me radoucis tout aussitôt. Et prend une grande inspiration.

- C'est pas ce que j'ai dit ! J'ai juste besoin d'un peu temps.

Finalement, je fais le tour de la table pour me poster face à lui avant de lui prendre les mains.

- J'ai encore des sentiments pour toi, mais je tiens aussi beaucoup à Hugo...

Il se renfrogne quelque peu, mais je poursuis malgré tout.

- Je dois être sûr de ce que je veux avant de prendre une décision. Tu comprends ?

Il hoche la tête mais garde le silence, se mordant les lèvres.

- Laisse-moi du temps...seul ! Laisse-moi quelques jours pour voir où j'en suis.

Il hoche une nouvelle fois la tête et sans que je ne m'y attende, me prends dans ses bras pour me serrer tendrement contre lui.

- Je suis désolé ! J'ai vraiment été qu'un sombre idiot, du début à la fin.

Je passe mes bras autour de lui et l'étreins à mon tour. Cela m'apaise le coeur, j'ai la sensation de retrouver une certaine paix, avec moi-même. Mais je reconnais que j'ai merdé aussi, en gardant trop de choses pour moi et en lui cachant certaines parties de moi.

- J'ai aussi pas mal de tord...murmuré-je si bas que je me demande s'il a entendu.

Après notre échange plutôt intense, Flynn prend la sage décision de s'en aller. Je crois que pour ce soir, c'est ce qu'il y a de mieux à faire.

La soirée aura été un mélange de tous les scénarios que j'avais pu imaginer. À moitié catastrophiques, à moitié sympathiques, en tout cas riche en émotions et révélations.

C'est songeur que je me mets à ranger la salle à manger, débarrassant la table, lavant le peu de couverts utilisés et en mettant le reste du repas au frigo.

Je décide de poursuivre ma méditation dans un bon bain d'eau chaude auquel je rajoute du produit moussant.

Je repense à tout ce qui a été dit ce soir, à tout ce qui s'est passé au début de ma relation avec Flynn mais aussi après notre séparation. Je ne peux m'empêcher de lui en vouloir de m'avoir remplacé par ce Jérémy et je me demande si cette amertume disparaîtra un jour dans le cas où on se remettrait ensemble lui et moi.

Et puis, concernant mon métier. On en a pas reparlé ce soir, mais la dernière fois qu'on s'est vus, il a été surpris d'apprendre que j'avais repris le strip-tease. Cependant, il n'a rien dit, pas une remarque, ni un reproche. Il n'en a pas non plus fait allusion dans ses textos. Est-ce qu'il a revu ses positions là-dessus ? J'imagine que oui, au moins un minimum, après tout, il s'agit tout de même du motif de notre rupture, et il est revenu encore ce soir.

S'il y a cinq mois j'avais envisagé de tout arrêter pour lui, aujourd'hui ce n'est plus d'actualité.

Le strip-tease est la seule chose pour laquelle j'arrive à avoir une totale confiance en moi et c'est aussi le seul domaine où je sais exactement quoi faire.

Je crois qu'on a tous besoin de ressentir ça dans sa vie, que ce soit dans un passe-temps, dans le sport, la musique ou toute autre activité.

Et puis, si certains sont prêts à m'accepter malgré mon métier, pourquoi pas Flynn ?

Avant de pouvoir me creuser un peu plus la tête sur cette réflexion, mon portable se met à sonner, me faisant sursauter.

Je l'attrape rapidement, manquant de le faire tomber à l'eau.

J'ai un sourire niais collé au visage, heureux de recevoir un texto.

Mais il s'évanouit très vite lorsque je constate que l'émetteur n'est simplement que mon opérateur.

Agacé, je laisse tomber mon téléphone sur le tas de vêtements traînant près de ma baignoire avant de m'enfoncer un peu plus dans l'eau, la mine boudeuse.

Voilà que je suis contrarié comme jamais face à ce nouveau silence radio.

- Pfff....

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