Chapitre 9

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Accoudé à la rambarde de ma terrasse, j'observe mon quartier presque vide, le froid mordant de ce mois de décembre me fouette le visage, je n'y prête pourtant pas attention. Les réverbères éclairent faiblement la rue, lui donnant un air fade et, animée seulement par de rares passages de voitures. Elle s'accorde parfaitement à la mélancolie qui s'est emparée de moi depuis peu.

Je n'étais pas du tout dans cet état d'esprit plusieurs heures plus tôt mais, avec l'arrivée de ce stupide sms, mes pensées ont suivi une tout autre direction.

Je ne cesse de ressasser tout ce qui s'est passé avec Flynn, mais pas seulement. Je remets même en question toute mon histoire avec lui, et pour cause, rien n'était aussi parfait que je le prétendais.

Rien n'était simple avec lui car tout était mêlé à la passion. On a brûlé pas mal d'étapes en laissant cette passion dévorante agir pour nous, si bien qu'on a couché ensemble dès le premier rencard et au deuxième rendez-vous, nous emménagions ensemble. 

On cherche tous à vivre ce genre de relation intense et rapide, mais quand la passion s'en va, que reste-t-il?

Des regrets, des rancœurs et des larmes. On est allé tellement vite qu'on a fini par se crasher tout aussi rapidement et violemment. Il ne reste plus que des miettes et même avec toute la volonté du monde, rien ne peut guérir entièrement les séquelles laissées par cet accident de parcours.

Je sais qu'il me faudra du temps pour ne plus éprouver de sentiments amoureux pour Flynn mais, je me rends déjà compte que ceux-là sont atténués par la seule présence de Hugo dans ma vie. Et c'est surtout à lui que je pense depuis ce texto inutile que j'ai reçu. 

Son absence me ronge de l'intérieur. Si d'un point de vue externe j'ai l'air parfaitement calme, neutre ou que sais-je, en moi, un tourbillon de questions s'emmêle à mes pensées déjà en pagaille. 

Qu'est-ce qu'il fait ? Où est-il ? Est-ce qu'il pense à moi en ce moment même ? Quand je repense à ce qu'il m'a dit, sa façon de me pardonner aussi vite, je n'arrive pas à me dire que tout est ok pour lui, je crois qu'il doit en fait m'en vouloir à mort.

S'il seulement il pouvait m'envoyer juste un petit message de rien du tout, au moins pour me dire qu'il est toujours vivant ! C'est pas compliqué ! Ok, je lui ai dit que j'avais besoin de temps mais je ne lui ai pas demandé de disparaître complètement de ma vie...

Juste avoir de ses nouvelles ou entendre sa voix, cela m'apaiserait sûrement.

L'envie de l'entendre se fait de plus en plus pressante et lentement, j'attrape mon téléphone, je le fais tourner quelques secondes entre mes doigts, regarde l'heure. 22H16. Je reprends mon manège avec mon mobile et me mordille la lèvre pour tenter de canaliser mon désir de l'appeler mais, je n'y tiens plus, je n'en peux plus de me torturer ainsi l'esprit. Alors, je déverrouille mon téléphone et compose le numéro du brun.

Une première tonalité retentit, puis une seconde. L'attente me paraît interminable et c'est stressé que je me mets à me ronger les ongles, espérant qu'il daigne me répondre.

D'ailleurs, qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire s'il décroche ? 

C'est finalement la voix mécanique de la boîte vocale qui me répond. Je raccroche immédiatement. Mon coeur bat tellement fort que ça me fait mal. Ou alors est-ce peut-être le sentiment qu'il ne veuille pas me parler qui me fasse autant souffrir ? 

Non, il a peut-être juste pas entendu son téléphone...

Armé du peu de courage dont je suis capable de faire preuve, je relance l'appel.

Au bout de quatre sonneries, je dois me rendre à l'évidence, il ne répondra pas. C'est donc sans surprise que je tombe sur sa messagerie, une fois de plus.

Je suis pris au dépourvu lorsqu'un bip strident me parvient. J'hésite à raccrocher mais ma bouche s'ouvre et laisse s'échapper déjà quelques mots.

- Hey ! Euh...c'est Jay, je...

Je retiens un soupir, je ne sais pas quoi dire. J'aurai tellement aimé entendre sa voix, même une seconde, mais peut-être que lui ne veut simplement plus avoir affaire à moi. Ou alors je me fais des films. Il est possible qu'il soit de service ce soir et travaille donc toute la nuit au Stormy Weather. Oui, ça doit être ça ! En tout cas, il ne dort pas, ça j'en suis certain car lui et moi, nous avons le même rythme de vie et ce n'est pas à cette heure-là qu'on termine notre journée, au contraire. 

Je déglutis difficilement, ravalant cette boule de tristesse qui m'empoisonne avant de terminer mon message.

- S'il te plaît, rappelle-moi...

***

Allongé dans mon lit, je fixe le plafond, j'essaye de faire le vide dans ma tête pour pouvoir fermer les yeux et dormir au moins quelques heures. Mais cette nuit, j'en suis incapable.

Les deux soirs précédents, j'avais eu la chance d'être emporté par la fatigue mais je nageais entre somnolences et petites siestes, rien de bien reposant en soit.

Ce soir c'est pire que tout. Depuis que j'ai tenté de le joindre, mes pensées sont fixées sur Hugo qui ne m'a donné aucun signe de vie jusqu'à présent. Et je me sens totalement frustré par ça, blessé, tourmenté. Une vraie torture.

Je n'arrive même plus à me concentrer sur Flynn ou sur mes sentiments envers lui.

Si Flynn a brillé par sa présence assez envahissante ces derniers jours, Hugo lui, brille par son absence totale. Je n'ai plus goût à rien, tout me paraît bien fade, même amer. 

Je soupire bruyamment et me retourne dans mon lit, comme si cela pouvait me calmer et balayer mes tourments. Maintenant que j'ai la certitude qu'il ne désire en aucun cas me parler, j'ai mal. 

Je me retourne une énième fois et me retrouve sur le ventre, j'enfouis ma tête sous mon oreiller et lâche un grognement qui se méprend plutôt à un couinement de chien. 

Je ne tiens pas en place et n'arrive pas à fermer les yeux sans y voir le visage du barman.

Je roule une fois de plus sur le côté, mes yeux tombent alors sur mon portable posé sur la table de chevet, la lumière des réverbères filtrant à travers mes rideaux me permettent de le distinguer aisément. Je m'en saisis rapidement pour vérifier l'heure. 4h25.

J'étudie toutes les possibilités, me disant que s'il travaillait ce soir, il devrait déjà avoir fini et être rentré chez lui... À moins qu'il ne soit sorti avec des amis pour se changer les idées et oublier à quel point je suis le pire des petits amis.

Soudainement, une pensée qui ne m'avait jamais traversé jusqu'ici, me frappe de plein fouet.

Et s'il avait rencontré quelqu'un d'autre ?

Je lâche une petite plainte, comme si l'on m'avait porté un coup dans le ventre. Cette simple idée qu'il puisse être en compagnie d'un autre homme m'est insupportable et me remplit d'un sentiment que je n'arrive pas à cerner.

Sur les nerfs, je me dégage vivement de ma couette et l'envoie valser à l'autre bout du matelas.

Je sors de mon lit en vitesse et me jette sur mon armoire dans laquelle j'attrape un jean, ainsi qu'un pull épais. Je m'habille en moins de deux avant de fourrer mon téléphone dans ma poche, me saisis ensuite d'une écharpe bien chaude, m'y emmitouflant précautionneusement puis finis par enfiler baskets et manteau. 

Le plus silencieusement possible, je quitte mon appartement. Je verrouille derrière moi avant de m'engouffrer dans les couloirs déserts et d'atteindre la cage d'escalier que je dévale en un rien de temps. J'ai les nerfs bien trop en pelotes pour attendre l'ascenseur.

Je gagne le parking de l'immeuble et rejoins ma voiture. Je démarre en trombe et quitte le sous-sol comme une furie.

Je sais que j'ai merdé, je le vois bien mais, j'espère qu'il n'est pas trop tard pour rattraper le coup.

Et puis, je réalise !

Tout devient clair dans ma tête. Ce jour-là, au cinéma, avant même que je ne commence à développer des sentiments pour Hugo, j'avais fait mon choix. 

À l'instant même où j'avais raccroché avec Flynn, j'avais pris cette décision. J'avais choisi d'ouvrir mon cœur à Hugo, je l'avais choisi. 

Ces derniers jours, peut-être que j'avais besoin de mettre les choses à plat avec mon ex pour être en paix mais, mon choix était déjà fait.

Alors oui, ça m'a fait plaisir de le retrouver, le temps d'un instant j'ai touché à ces sensations que je ressentais auparavant dans ses bras. Je suis aussi conscient de ce que j’éprouve pour lui, et je sais que ça ne partira pas d'un claquement de doigts. Je l'aime encore et ce malgré nos différents points de divergences, je l'aime et il faudra bien du temps pour reléguer cet amour au passé. Pourtant, je sens au fond de moi que même si nous y mettons toutes nos forces, rien ne sera plus pareil entre Flynn et moi. Il y a quelque chose qui s'est brisée et je ne suis pas certain que cela soit réparable. Tout a changé. 

J'ai changé grâce à Hugo. S'il n'avait pas pointé le bout de son nez, s'il n'avait pas été aussi parfait avec moi, je n'aurais jamais su ce que ça faisait d'avoir une personne pour laquelle je compte vraiment, qui s’intéresse à moi. Il m'a appris à prendre confiance en moi, à savoir ce que je vaux et ce que je désire dans mon couple. Il m'a apporté tout ce dont j'avais besoin. Non seulement il m'a aidé à surmonter mon chagrin, mais il m'a surtout ouvert les yeux sur une relation qui n'allait que dans un sens. 

Avec Flynn, il n'y avait pas de partage. Ça n'a jamais été "nous". Non, c'était lui et lui seul. Il faisait de moi ce qu'il voulait, il me voulait à son image.

Hugo m'a toujours accepté comme j'étais, avec mes faiblesses et mes défauts. Il n'a pas essayé de me changer une seule fois. 

Et bien plus que ce qu'il m'apporte, c'est quelqu'un d'exceptionnel, de vrai et de sincère.

Je repense à nos moments passés tous les deux. Entre les rires, les confidences, et parfois les larmes. Avec lui, je suis moi-même, je n'ai pas à me cacher derrière des faux-semblants et des mensonges. Je suis à l'aise avec lui, au point de lui avoir montré des parties de mon âme que je n'ai jamais osé dévoiler à Flynn.  

Au bout de dix minutes de trajet, j'arrive devant l'immeuble du brun. Je me précipite hors de mon véhicule et cours jusqu'au domicile du barman comme si ma vie en dépendait. 

Je me jette littéralement sur la sonnette de chez lui, et frappe en même temps à la porte. Je m'arrête un moment pour essayer de percevoir le moindre bruit qui trahirait sa présence, mais rien. Je me remets alors à cogner sur sa porte, jusqu'à ce qu'un des voisins sorte et m'incendie. Je baisse la tête, honteux alors que l'homme disparaît, me laissant seul. 

Je n'insiste pas plus, si Hugo était là, il aurait ouvert, ne serait-ce que pour ne pas déranger les habitants de l'immeuble.

Je me laisse glisser contre le mur et m'assieds à même le sol, bien décidé à attendre le retour du brun. Je remonte les jambes contre mon torse et entoure mes genoux de mes bras pour y enfouir ma tête.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté ainsi vautré, mais je sais que je me suis assoupi et c'est une petite secousse sur mon épaule qui finit par me sortir de ma somnolence.

- Jay, hey !

Je cligne plusieurs fois des yeux avant de comprendre ce qui se passe. Hugo est là, accroupi face à moi, le regard inquiet.

- Hugo...

- Qu'est-ce que tu fais là ? me demande-t-il. 

Je me relève en même temps que lui, l'esprit encore embrouillé. Qu'est-ce que je fais là ? Quelle question. 

Mon cœur s'emballe, je sens mes joues chauffer sous son regard. Je suis tellement heureux de le voir, tellement !

Sans plus me retenir, je lui saute au cou et le serre contre moi.

- Je ne veux pas que tu sortes de ma vie, lui soufflé-je

Je ne sais pas s'il saisit tout le sens de mes mots ou même s'il a entendu mais, ses bras viennent m'encercler et se resserrer autour de moi. 

Délicatement, il m'écarte de lui avant de m'entraîner à l'intérieur de son appartement. Une fois à l'abri du monde extérieur, il me prend à nouveau dans ses bras et m'embrasse la tempe.

- Je ne m'attendais pas à te voir ici, surtout à une heure pareille, m'avoue-t-il après s'être séparé de moi.

Je ne relève pas mais piqué par la curiosité, j'ose :

- Où...où est-ce que t'étais ?

Le brun se dévêtit et m'invite à faire de même tout en m'expliquant.

- J'ai passé la nuit avec Eddy ! fait-il dans un soupir.

Troublé, je fronce les sourcils. Est-ce que j'ai bien entendu ? Je crois que oui, mais qu'est-ce que...

Se rendant compte de ce qu'il vient de dire, Hugo reprend tout aussitôt.

- Enfin, non ! Pardon, c'est pas du tout ce que j'ai voulu dire. Il rigole un peu avant de reprendre son sérieux. Ce débile s'est cassé la jambe, j'ai passé la nuit à l'hôpital avec lui. 

- Ah...il va bien ? demandé-je plus par politesse que par inquiétude.

- Oh, oui, ça ira ! 

Il accompagne ses paroles d'un balayement de la main et se dirige vers la partie séjour de l'appartement. 

- Viens, assieds-toi, me désigne-t-il son canapé.

Je m'exécute, et m'assois près de lui, je suis tellement heureux de le voir que j'en oublie presque le motif de ma visite surprise.

Sans que je ne m'y attende, Hugo m'attrape la main et la serre dans la sienne.

- Je suis content que tu sois là, tu m'as beaucoup manqué !

Sur le coup, je ne sais pas quoi penser de ça. Il m'a quand même laissé sans nouvelles et n'a même pas daigné me répondre. Je retire ma main et me mords les lèvres, mais rebondis sur sa remarque pour lancer la conversation.

- Alors, pourquoi tu ne m'as jamais répondu ?

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