Chapitre 10
Il semble étonné de ma question et hausse un sourcil en signe d’interrogation. Cela me perturbe et me déstabilise un peu plus que je ne l'étais déjà.
- Quoi ? De quoi tu parles ?
- Ben...je t'ai appelé vendredi soir...deux fois ! Et je t'ai laissé un message vocal, tu ne m'as jamais rappelé !
Je voulais que ces mots sonnent comme des reproches mais à la tête qu'il fait, j'ai l'impression qu'il n'a rien à se rapprocher, ou en tout cas, il n'en a pas l'air.
- Mais Jay, je t'ai laissé un message sur Facebook. Je t'ai dit que j'avais pété l'écran de mon portable et que je l'avais laissé à réparer. Je le récupère mardi normalement.
Je cligne plusieurs fois des yeux, mon cerveau analysant ce qu'il vient de me dire, mais j'ai beau chercher, je ne vois pas de quel message il me parle. Il n'a sûrement rien envoyé, peut-être par inadvertance mais, il n'a rien envoyé, c'est certain.
- Je...j'ai rien reçu ! insisté-je.
- Mais si ! C'est marqué que tu l'as vu !
Il se lève rapidement et s'éloigne avant de revenir quelques secondes plus tard, ordinateur portable sous les bras. Il l'ouvre puis tourne l'écran vers moi. Je me penche pour observer la conversation qu'il me montre et m'aperçois effectivement que je suis censé avoir lu son message. Pourtant je n'en ai aucun souvenir.
Il est marqué que son message a été vu ce vendredi à 19h06.
Je réfléchis quelques instants pour essayer de comprendre comment cela a pu se produire.
Je me souviens qu'il était 18h50 et que j'étais dans mon canapé à tripoter mon mobile en attendant l'arrivée de Flynn. Plusieurs minutes après, il a sonné. Ensuite, je lui ai ouvert et....
- Flynn !
- Quoi Flynn ?
Sans même réfléchir, les mots s'échappent tout seuls et je lui dévoile ma soirée de vendredi sans entrer dans les détails.
- Mon portable est resté sur la table basse ! J'ai dû recevoir ton message au moment où je suis allé nous chercher à boire et il a dû en profiter pour lire et supprimer le message. Je te jure que j'ai rien vu. J'ai pas d'autres explications et...
Je me tais face au visage de Hugo qui se ferme et se crispe au fur et à mesure de mes dires. J'ouvre la bouche pour poursuivre mais la referme aussitôt quand je constate qu'il est sur le point de prendre la parole.
- Et tu peux me dire ce qu'il foutait chez toi ?
Son ton est un peu sec mais, j'aurais sûrement employé le même s'il avait s'agit de lui et de son ex.
- Il...il voulait qu'on discute et je...Hugo, finis-je en posant ma main sur son genou.
Il est contrarié, je le vois bien. D'ailleurs, il retire ma main et la repose sur le canapé.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé d'autre Jay ?
Je déglutis et rougis de honte en repensant au baiser échangé avec le blond. Je baisse la tête, incapable de soutenir son regard accusateur.
On a toujours été sincère l'un envers l'autre, ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer. Même si ce que j'ai fait est détestable, je ne peux pas lui mentir.
- On...on s'est embrassé !
Un silence lourd suit mon aveu. Je relève la tête vers lui. Il serre les dents avant de lâcher tout bas :
- Putain !
Il ferme les yeux et vient se pincer l'arrête du nez. Je n'ose pas bouger car j'ignore comment agir envers lui à ce moment.
À sa place, j'aurais probablement pété les plombs et je serais sûrement en train de crier toutes les horreurs du monde.
Il est pourtant fâché, je le sais, je le ressens mais, il ne dit rien.
Soudainement, il se lève, me faisant sursauter au passage. Ses mains sont croisées derrière sa nuque tandis qu'il fait quelques pas au travers de la pièce.
Je me lève à mon tour pour le rejoindre et me poste devant lui, l'obligeant à s'arrêter.
- Je...
- Non Jay ! Me coupe-t-il. Je t'ai laissé tranquille pour que tu puisses réfléchir et toi tu...tu...avec ce connard, dans mon dos ! Merde ! Je...
Il a quelque peu élevé la voix avant de finalement se taire. Il attrape son paquet de cigarettes qui traîne sur un meuble, en sort une et l'allume pendant que je l'observe, ne sachant quoi faire d'autre. Je me sens comme un enfant qui aurait été pris en faute, c'est pourquoi, la seule chose qui quitte mes lèvres, ce sont des excuses.
- Je suis désolé...
- Il ne suffit pas d'être désolé Jay ! dit-il en prenant une autre bouffée de nicotine. Puis, il reprend. Tu sais quoi ? Déjà la première fois, j'ai pris sur moi pour ne pas t'en vouloir. Parce que je sais...j'ai connu ce par quoi tu es passé !
Sa voix se fait plus basse et je remarque que ses mâchoires sont moins crispées. Pourtant, ça ne veut pas dire que le malaise est passé. Il n'a pas l'air d'en avoir fini.
- J'ai été patient avec toi, parce que moi aussi j'ai vécu une histoire qui a beaucoup compté et quand ça s'est terminé, j'ai touché le fond, j'avais le cœur brisé et j'arrivais pas à faire le deuil de cette relation.
Il marque une pause, ses yeux se posent sur moi et fuient la seconde d'après vers le sol.
- Je peux comprendre que tu étais perdu quand il est revenu, j'aurais fait comme toi si mon ex avait débarqué mais...mais...
Je suis suspendu à ses lèvres, attendant la suite avec appréhension. La tension qui l'avait poussé à hausser le ton, l'a quitté à présent mais, une tristesse insupportable peint la prunelle de ses yeux.
Il lâche un long soupir avant de s'éloigner vers la fenêtre, l'ouvrant pour jeter ses cendres de cigarette. Ses pensées ont l'air de se trouver à dix mille lieux d'ici, tournées vers le passé.
Je suis autant bouleversé par ses révélations que par le fait de le voir aussi affecté par ce que j'ai pu faire.
Je me suis imaginé le pire, qu'il m'insulte et me foute à la porte. Et une fois de plus, il me surprend par la maîtrise dont il peut faire preuve, par sa compréhension. Parce que oui, il me comprend.
- Hugo, je...fais-je en m'approchant de lui, venant poser ma main sur son épaule pour l'obliger à se tourner vers moi.
- Tu aurais dû me dire que c'était fini avant de te remettre avec lui !
J'ai un petit mouvement de recul tandis qu'il me balance ces mots en plein visage tout en me fixant de ses yeux dont filtrent un mélange de déception et de peine. Mon coeur se serre de le voir ainsi mais je me sens aussi poussé des ailes, encouragé par ma propre détermination à ne pas laisser notre histoire se terminer de cette manière. Je ne peux m'y résoudre et je ne laisserai pas une telle chose arriver.
- Je ne suis pas avec Flynn ! Et ça n'arrivera plus jamais !
- Quoi ?
- J'ai pas d'excuse, j'ai merdé je sais ! Mais je te promets que ce n'était pas dans mes intentions de laisser les choses déraper ainsi avec lui. J'ai essayé de le repousser, j'ai tout fait pour ne pas lui laisser d'autres occasions de me toucher.
Je remarque un changement dans son attitude, il s'ouvre à nouveau et cela me donne le courage de poursuivre. Il est disposé à m'écouter jusqu'au bout, il est disposé à me croire et ça me donne confiance en moi, en lui et en un possible nous.
- La situation m'a échappé au début et puis, j'ai repris le contrôle. Flynn est du genre à se servir sans demander, mais, je crois que j'ai fini par me faire comprendre...
- Qu'est-ce que t'essayes de me dire ?
- Tout est fini avec Flynn, je peux te le jurer.
Je lui attrape les mains et malgré son hésitation à me laisser faire, je ne le lâche pas et réduis la distance entre nos deux corps. Le sien se tend légèrement mais, je sens qu'il pose les armes au fur et à mesure que je me rapproche de lui.
Je me saisis de son visage tandis qu'il me dévisage comme si j'étais sur le point de faire une chose dénuée de sens. Lentement, sans le quitter des yeux, je viens capturer ses lèvres pleines et si douces pour un tendre baiser, un seul.
- C'est pas fairplay ce que tu fais, je te signale que je suis remonté contre toi. lance-t-il, à moitié sérieux.
Tout est oublié, un trait est tiré sur ce qui s'est passé l'autre soir, il me le fait comprendre rien qu'avec sa façon de parler et de me regarder. Il me laisse la chance et la confiance que Flynn, lui, n'a pas su m'accorder.
Le cœur plus léger, je m'autorise à entrer dans son petit jeu.
- Ah bon ? Et maintenant ?
Je repars à l'assaut de ses lèvres sans lui laisser le temps de réagir.
Mes mains glissent dans sa nuque alors que de ma langue, je lui demande accès à sa bouche. Il y convient sans plus de résistance et me rend mon baiser. Mon ventre se tord de bien-être. Pour rien au monde je ne voudrais me retrouver ailleurs que dans ses bras. Avec lui, je me sens plus fort, prêt à gravir des montagnes. Il m'apporte tout ce qu'il y a vraiment de meilleur et fait ressortir aussi ce qu'il y a de mieux en moi. Cette détermination, cette audace, ce courage, il les a réveillés en moi avec une douceur qui lui est propre, sans s'imposer, sans me brusquer. Il m'a aidé à accepter la nécessité d'aller de l'avant, il m'a donné envie de réellement lui ouvrir mon cœur et ce par sa gentillesse et par sa tendresse. J'ai envie de me battre pour lui, parce que je sais qu'il est ce qu'il y a de mieux pour moi.
À la fin de notre baiser, Hugo ne me lâche pas, collant nos fronts ensemble.
- Et tu peux me dire ce que ça signifie tout ça ? lance-t-il avec un petit sourire en coin.
Comme s'il ne le savait pas déjà !
Je lève les yeux au ciel mais ne peux effacer le sourire éclatant qui illumine mon visage.
- Ça veut dire que c'est toi que je veux, Hugo !
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