Chapitre 11

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Je suis allongée dans mon lit depuis deux jours. Les filles ont essayé de me faire sortir, mais rien à faire. Je n’ai pas envie de bouger. Je regrette ma décision vis-à-vis de Jun-Woo. Que va-t’on devenir ? Est-ce qu’on va vraiment faire nos vies, chacun de notre côté, comme si rien ne s’était jamais passé ?

Je serre l’oreiller contre ma poitrine, essuie une larme qui coule et repousse ma frange. Je renifle bruyamment avant d’enfoncer ma tête dans la couette. Pourquoi ai-je l’impression de m’être faite larguée, alors que techniquement c’est moi qui l’ai quitté ?

Je n’ai jamais eu de relation amoureuse sérieuse. Je papillonnais à droite à gauche, au collège. Mon premier petit ami a été Roman. On était en 6ème, j’avais 12 ans. C’était la fin mai, il faisait chaud, beaucoup trop même. Je n’avais aucun sentiment pour Roman. C’était mon meilleur pote, rien de plus. Il était venu me voir avec un sorbet à la pêche, et me l’avait tendu.

- Orange, comme le feu qui fait brûler mon coeur. Celui que tu as allumé.

J’avais trouvé ça méga romantique. Ouais, j’y connaissais rien, à l’époque. Je me contentais des films que j’avais vu, genre The Kissing Booth ou encore les K-dramas, comme My secret Romance.

J’avais alors accepté de sortir avec lui. On s’était fait un câlin derrière un bâtiment à la fête du collège, et un bisou devant son bus. Rien de très très ouf. Mais ça me suffisait. Je l’ai planté au bout d’un mois, en lui disant un truc du genre «désolée, en fait c’était pas de l’amour, mais on peut rester amis». Habituellement, le on peut rester amis après une relation finit en on peut faire comme si on s’était jamais connu. Mais c’était différent avec Roman. On est restés meilleurs potes.

Après, il y a eu Alejandro (à prononcer Alerrrrandro, il faut bien accentuer le «rrr»), en 5eme. Il était d’origine colombienne, je l’aimais juste parce que quand j’allais chez lui, ses parents me faisaient boire du café. Et qu’il écoutait de la K-pop juste pour me faire plaisir, genre il détestait ça, de base.

Avec Alejandro, ça s’est fini en drame digne d’un film. Il est retourné vivre en Colombie, et on en a pleuré pendant des semaines, jusqu’à ce qu’il rencontre une colombienne du nom de Camila, que j’appelais secrètement «la chanteuse» en référence à Camila Cabello. Ça me semblait la plus grosse insulte de ma vie, à l’époque.

J’ai en effet vite oublié Alejandro. Après que la petite Camila fut entrée dans sa vie, je me suis mise en couple avec Victor pendant une semaine grand max juste pour le rendre jaloux.

Bref, vous comprenez bien que je n’ai jamais été vraiment amoureuse. C’était des petits amours de collège, la version amourette de vacances de l’école. On me disait souvent «quand tu seras amoureuse, tu le sauras» et je me disais «comment je fais pour savoir». Mais en effet, quand on le sait, on le sait. Je sais que je suis amoureuse de Jun-Woo. C’est pour ça que ma rupture (si on peut appeler ça comme ça) avec lui me fait plus mal que celle avec Alejandro.

La porte s’ouvre et je m’apprête à m’énerver contre la personne qui est rentrée. Je vois le sommet de la tête de Jun-Woo et mon coeur s’accélère. Waouh, il a toujours été aussi canon ? Je pense, j’ai dû juste oublier un peu son visage durant les deux jours qui ont séparé notre rupture.

- Jiwoo ?

Je me cache sous l’oreiller. Je ne veux pas qu’il me voit. Autrement, je vais craquer.

- Je sais que tu es là.

Non, non, je ne suis pas là ! Et toi, tu n’as rien à faire là. En plus, je suis décoiffée, j’ai le visage rouge et je dois sentir la sueur. Beurk.

Il commence à monter dans mon lit. Et il me voit. Il s’approche.

- Hé, tu es là.

- Hmm. Oui.

- Tu fais quoi ? Les filles m’ont dit que tu ne travaillais plus. Elles ont commencé à inventer une choré de secours. Il ne faut pas que tu oublies pourquoi tu es ici. Tu dois devenir idole, d’accord ?

- D’accord.

- Sèche tes larmes.

Jun-Woo passe ses doigts fins sur mon visage et dégage mes cheveux humides. Voilà, ça c’est romantique.

Il glisse ses mains sur mes joues et dépose un petit baiser sur le bout de mon nez.

- Tu sais que tu me plais, hein ?

- Oui, je sais, je sais.

Il n’est pas amoureux de moi. Il n’a jamais dit je t’aime. Je lui plais, c’est tout.

Jun-Woo passe ses bras autour de mes hanches et cale sa tête sur mon épaule.

- J’espère vraiment que tu vas devenir idole.

- J’espère aussi.

Je suis sincère. Je ne veux vraiment plus devenir chorégraphe. Ce n’est pas assez.

- Jun-Woo. Je...je crois que… eh ben...genre… je t’a…

- Tu es là, Jiwoo ?

La porte s’ouvre à la volée sur Ha-Rin. Elle voit Jun-Woo.

- Vous… faisiez quoi ?

Elle plisse les yeux.

- Rien. On parlait juste.

- Les mecs ne sont pas autorisés dans les chambres des filles.

Jun-Woo descend du lit et quitte la pièce. Ha-Rin s’approche de moi.

- Ohlala, raconte-moi tout.

- Il ne s’est rien passé. Il est juste arrivé, alors on a discuté.

- Il a dit qu’il t’aimait ?

Je serre la couette entre mes mains.

- Non. Je lui plais, mais il n’est pas amoureux.

Suspicieuse, Ha-Rin plisse à nouveau les yeux.

- Dommage, finit-elle par dire simplement.

Elle me lance un regard.

- Et toi ?

C’est à moi de lever les yeux vers elle.

- Quoi, et moi ?

Elle prend une profonde inspiration.

- Tu l’aimes, toi ?

J’aimerais pouvoir dire la vérité à Ha-Rin. Lui dire que je suis amoureuse de Jun-Woo, que ça me fait peur. Que je veux sortir avec lui. Mais je ne fais rien de tout ça. Je réponds :

- Oh non. Tu sais, c’est juste un petit jeu entre lui et moi. Rien de très sérieux. C’est...pour…passer le temps ?

Ha-Rin ne semble pas convaincue. Elle passe sa main dans ses cheveux blonds puis attrape mes poignets.

- Jiwoo. Tu peux me le dire, tu sais. Je n’en parlerai pas à Eun-Kyung. Et puis, il n’y a rien de mal à aimer quelqu’un. Réponds honnêtement s’il te plait. Tu l’aimes ?

J’avale ma salive. De toute façon, Ha-Rin connaît déjà la réponse.

- Oui, je l’aime.

Elle hoche la tête.

- T’inquiètes pas, on va trouver une solution.

- On ne peut pas, Ha-Rin.

- Essaye quand même. Dis-toi qu’au moins, lui aussi t’apprécie. Les sentiments sont réciproques, enfin, à moitié. Moi, Tae-Hoon ne m’aime pas, tu le sais.

Tae-Hoon, c’est vraiment le crush de Ha-Rin. Depuis que je la connais, je sais l’amour qu’elle lui porte. Sauf que Tae-Hoon est avec une afro-coréenne du nom de Shelda. Tout le monde le sait.

- Ha-Rin… T’inquiètes pas non plus. Tae-Hoon et Shelda, c’est bientôt fini, j’en suis certaine.

- Je ne pense pas. Mais c’est pas grave. Je ne suis pas si triste que ça.

Eun-Kyung débarque dans la pièce.

- Hé, salut les filles. Vous venez danser ?

- Ouais, on arrive. Jiwoo ?

- J’arrive aussi.

J’enfile un jogging et un t-shirt et rejoins les filles dans la salle de danse. Su-Ah m’exposent leurs idées pour la chorégraphie du premier couplet, et je l’apprends avec elle. Ça me perturbe de danser sur un tube de boys band, mais on n’a pas le choix.

- Ok, va falloir aussi chanter les filles, vous le savez bien. Le premier couplet en aigu, ça donne ça.

Su-Ah entame le chant.

Dangsin-i geuliwoseo (parce que tu me manques)

Naneun deo isang naega eodilo ganeunji moleunda (je ne sais plus où je vais)

Your hand in mine (ta main dans la mienne)

I don't know where she is (je ne sais pas où elle est)

I look far away (je regarde au loin)

No trace of our destiny (aucune trace de notre destin)

J’applaudis Su-Ah pour sa prestation. Elle me sourit.

- Je ferai San-Woo, vu que c’est mon bias, ajoute Eun-Kyung. Et que je suis une bonne rappeuse.

- Ok, je ferai Tae-Hoon, siffle Ha-Rin.

Les filles tapent dans leurs mains.

- Jiwoo… Tu feras Jun-Woo ?

Je rougis à la question de Su-Ah. Ha-Rin lui a raconté pour tout à l’heure.

- Jiwoo fera Su-Ho, tranche Eun-Kyung avec son regard assassin.

- Ok, je m’occupe de Seo-Jun, ajoute Su-Ah.

- Et Jun-Woo sera fait par nous toutes.

Je hoche la tête. Ça me dérange de faire Su-Ho alors que je déteste ce mec, mais je n’ai pas le choix. Les filles me tendent les paroles. Ça va, Su-Ho ne dit pas grand-chose.

On s’installe chacune dans notre coin avec un casque pour travailler nos parties, puis on met en commun. Le rendu est pas mal. Il ne reste plus qu’à apprendre tout par coeur, et à inventer une chorégraphie.

Je quitte la salle en dernière, vers 21 heures. Le bâtiment est calme, personne ne traîne dans les couloirs. Je décide d’aller faire un tour sur le toit.

Quand j’arrive, Jun-Woo y est. Il me tourne le dos. Je cours discrètement jusqu’à lui puis m’accroche à son cou. Il se retourne et attrape mes mains entre les siennes.

- Jiwoo.

- Jun-Woo.

Un sourire éclaire son visage et il se penche pour déposer un baiser sur ma joue gauche. Je ris bêtement et soupire. On s’assoit côte à côte sur un banc.

- Alors, les entraînements ?

- Hmm… ça avance. Avec les filles, on travaille le chant, et après on s’occupera de la choré.

- Cool. Ça ne te perturbe pas trop d’interpréter une chanson d’un boys band ?

- Si, tellement.

- Compréhensible. Pour l’évaluation à Coachella, on avait dû chanter et danser Boombayah des Blackpink.

Je ris.

- Ouah, j’aimerais bien voir ça.

- Ca date d’il y a 10 mois, mais tu peux sûrement retrouver ça sur YouTube.

- Je chercherai. Quand j’aurai mon téléphone.

- Ouais. Enfin bon, je vais aller me coucher, moi. Demain, Lia nous montre un nouveau tube. Je te spoile un peu, ça s’appellera Nobody Sees Me.

- Ah ouais, personne ne te voit ?

- Ouais.

Il grimace.

- Je ne sais pas encore de quoi ça va parler, mais sûrement un truc arrogant, du genre «je suis trop éblouissant donc personne ne me voit».

- Je ne sais pas.

- Bref, bonne nuit.

- Oui, bonne nuit.

Jun-Woo quitte le toit. J’inspire un grand coup. Moi aussi, je devrais aller me coucher. Demain est (encore) une longue journée.

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