Je suis dans les coulisses du plateau de tournage de Music Bank. Il y a des miroirs entourés d’ampoules rondes me rappelant des films américains.

- Jiwoo, ça va être à toi dans 5 minutes, prévient Manager Park.

J’inspire un grand coup. Les autres filles sont déjà passées. Quand j’entends Soo-Jin hurler dans son micro «Et maintenant, accueillons Song Jiwoo», je redescends mon short en jean et entre sur scène avec un grand sourire.

- Et voilà le visuel, la danseuse principale et une chanteuse de Queencard ! Voici Song Jiwoo !

Soo-Jin sourit de son faux sourire exagéré et me dit :

- Prends place, ma jolie.

- Merci.

Je m’assois. Elle se racle la gorge, et l’interview commence.

- Jiwoo, d’où viens-tu ?

- Je viens de Manhattan, à New York, aux Etats-Unis.

- Super, super, une américaine ! Tu as des amis, là-bas ?

- Oui, Betty et Roman, que j’ai vu tout à l’heure.

- Oui, en effet ! Ils sont adorables. Mais revenons-en à toi. Tu aimes quoi, dans la vie ?

- Chanter et danser.

- Ouah, tu es très investie dans ton métier ! Tu as quel âge, déjà ?

- 17 ans.

- 17 ans, super, ça. Tu es la maknae du groupe, alors !

- Oui, les autres ont toutes 18 ans.

- Je sais. Rappelle-moi c’est quand, ton anniversaire ?

- Le 19 mars.

- 19 mars, tu es donc bélier ! Hu hu, je suis passionnée d’astrologie ! Et, entre Jun-Woo et toi, il y a quoi ?

- On...on est en couple, enfin, je crois.

- C’est génial, tellement excitant ! Les couples dans la K-pop sont si rares ! Vous vous êtes si bien trouvés !

Je meurs d’envie de donner une claque à Soo-Jin. Entre son faux sourire, son exagération et son hypocrisie, ça fait d’elle une personne détestable. Enfin, j’imagine que ça fait partie de son métier.

- Alors tu l’aimes ?

- Oui, je l’aime.

- Trop chou ! Un leader et une visuel du même label, en couple ! Song Jiwoo et Jang Jun-Woo, les amants de la K-pop ! Ooooh, ça ferait un super livre ! Hu hu, je trépigne d’impatience !

Je lui souris.

- Merci…

- Bon, ma belle, c’est super, mais je dois te laisser ! Allez, merci, Jiwoo, à bientôt !

- Oui, à bientôt !

Je quitte la scène et peste entre mes dents. Quand j’arrive en coulisse, je crache :

- Juste détestable, cette journaliste.

Les filles me fixent, incrédules, avant d’éclater de rire.

- Oui, oui, affirme Su-Ah.

- On sait, Jiwoo, ajoute Ha-Rin.

- On est passées par là aussi, rit Eun-Kyung.

- Oui, répète Su-Ah.

Je m’assois avec elles et on discute un petit peu de nos ressenties. Bon, je sais que ça ne fait que commencer, tout ça. Enfin, je veux dire, l’émission, les haters, les fans… La popularité…

Su-Ah me donne une petite tape.

- On va y arriver, n’est-ce pas ?

- Ouais, répond-t’on en choeur.

Aucune de nous n’est vraiment convaincue de cette affirmation. Même Eun-Kyung. Elle tape sur ses genoux, mal à l’aise.

Manager Park débarque et nous hurle dessus :

- Les filles, vous faites quoi, là ?! Vous croyez qu’on a tout notre temps pour bavarder ?! En tant qu’idoles et ambassadrices, vous avez énormément, que dis-je, une TONNE de travail à faire ! Des mises en beauté auront lieu demain entre 10 heures et 19 heures. Vous allez vous faire laver, habiller, maquiller, relooker, soigner… Les filles, vous trouviez que vous aviez beaucoup trop de pressions en tant qu’apprenties ? Dites-vous que jusque là, la pression était à son minimum, genre 10% de ce que vous allez vivre en tant qu’idoles. Après tout, des milliers de gens vous aimeront, mais des milliers vous détesterons. Prenez l’exemple de Jennie des Blackpink !

Elle respire un grand coup.

- Bonne chance, les filles. Demandez de l’aide aux Korean Boys si besoin.

- Je croyais qu’on avait le droit à aucune interaction avec un autre groupe ? questionne Su-Ah.

- Cette règle est morte le jour où Jun-Woo et Jiwoo se sont mis ensemble.

Manager Park me lance un regard noir et puis elle s’en va avec les autres filles. Moi, j’attends Jun-Woo, qui arrive deux minutes plus tard.

Il me prend dans ses bras puis me décale légèrement.

- Alors, cette première journée ?

- Pas mal. Enfin, on a rien fait de spécial.

- T’es quand même passée à la télé.

- Oui, c’est vrai.

Il dépose un baiser sur mes lèvres puis lève les yeux vers moi.

- Jun-Woo, à partir de maintenant, ce sera comme ça tout le temps ?

- Comment ?

- Genre, on se voyait déjà pas beaucoup quand j’étais apprentie, mais maintenant que je suis idole, on aura tous les deux des emplois du temps chargés, ce sera difficile de se voir. Enfin…

- Je me dis… PYZ va peut-être nous organiser des rendez-vous, histoire de donner l’impression aux fans d’être dans nos vies, de tout savoir sur notre relation… De donner l’impression qu’on a une histoire, une vie parfaite. Alors que c’est tout le contraire.

- Je comprends.

Jun-Woo attrape mes mains.

- Si ça se trouve, on fera des collaborations.

- Oui, ça serait bien, réponds-je. Et puis, on essayera quand même de se voir en dehors de nos activités d’idoles… Non ?

- Si, bien sûr. Tout va bien se passer, Jiwoo, ne t’inquiète pas. J’ai eu quelques retours sur les réseaux sociaux par rapport à notre relation. Les fans ont l’air d’apprécier, d’être d’accord. Quant aux haters, ils disent juste que ce genre de relation ne devrait pas exister. Mais on s’en fout, d’eux. Bref, je dois retourner à ma maison d’idole.

- Tu me nargues en disant ça ?

- Ouais un peu.

Il éclate de rire et je le frappe à l’épaule.

- Eh, c’est méchant ! me plaigne-je.

- T’inquiètes, t’en auras une bientôt. Allez bisous.

Il m’embrasse une dernière fois et disparaît dans la nuit. Je rejoins le siège de PYZ et me glisse dans la chambre rose. Je m’endors en rêvant de concerts, de Jun-Woo, de Soo-Jin et de fans en délire.

FIN

A SUIVRE...