Chapitre 8 : Retour à Abyssombre, Partie 1
Nous sommes partis dès le lendemain.
J’avais prévu de rester quelques jours supplémentaires à Adamas, le temps pour Élisabelle d’inculquer quelques manières à mon épouse récalcitrante, mais la visite de Rodrygal m’a incité à écourter mon séjour dans la capitale. Je n’avais pas peur de lui… mais hélas, lui non plus ne me craignait pas. Et au vu de son obsession maladive pour Aïna qui était autrement plus vulnérable, mieux valait ne pas lui laisser l’occasion de tenter quelque chose pour la « récupérer ».
Ma décision fut de surcroît renforcée par ma conversation avec Élisabelle dès son retour de promenade avec mon épouse, où elle m’a confié qu’Aïna avait fait un malaise et éprouvait manifestement de grandes difficultés à s’adapter au train de vie d’Adamas.
- Je pense que le changement est trop intense pour elle, m’avait déclaré la baronne d’un air songeur. A mon avis, le calme d’Abyssombre lui fera le plus grand bien. La différence entre le train de vie à Adamas et celui de son…
- …Royaume d’arriérés ? avais-je suggéré d’un ton narquois.
- … est énorme, avait fini Élisabelle en me fusillant du regard. Je ne crois pas que ce soit le moment de plaisanter, Forlwey. Tu te préoccupe des menaces de Rodrygal envers ton épouse… mais pour l’instant la plus grande menace à sa santé, c’est toi !
- Tu exagères…
- Vraiment ? Cette petite méprise peut-être Rodrygal… mais c’est de toi dont elle a peur, mon garçon ! Et si cela ne change pas bientôt, je crains le pire pour sa santé. Notre société, nos coutumes… Elle n’est pas heureuse ici, et elle ne trouvera pas sa place tant qu’elle se considérera toujours comme une captive. Alors si son imbécile de mari ne fait pas des efforts pour gagner sa confiance et l’aider à trouver sa place chez nous, je pense qu’Aïna va finir par dépérir… et peut-être même se laisser mourir.
- Je ne la laisserai pas mourir, avais-je grondé d’un ton à la fois inquiet et indigné. Je la nourrirai de force s’il le faut, mais elle vivra !
- Ce choix ne t’appartiendra pas, Forlwey, avait répliqué Élisabelle en poussant un soupir de découragement. Si elle n’a plus d’espoir ni de désir de vivre… sa flamme s’éteindra quoi que tu fasses. Alors je te suggère d’éviter de la consumer avec ta cruauté…
- Ma cruauté ? C’est bien toi qui me fait des remarques sur la cruauté ?
La stupéfaction m’avait presque coupé le souffle. Élisabelle n’était pas vraiment connue pour son cœur tendre… et la façon dont elle défendait la fée avec virulence m’étonnait autant qu’elle m’irritait.
- Ne confond pas tout, mon garçon, m’avait tancé la baronne. Tu peux être aussi cruel que tu le souhaite avec tes esclaves… Ils sont là pour ça, après tout. Mais tu ne peux faire preuve de la même cruauté envers ton épouse ! Que tu le veuilles ou non, vous allez devoir fonder une famille… heureuse et avec beaucoup d’enfants ! C’est le vœux de Némésis et le mien ! Alors pour la dernière fois, Forlwey… mets-y du tien et sauve ton mariage avant qu’il ne sombre !
Bien entendu, il n’y avait qu’Élisabelle ou Némésis qui avaient le droit de me parler ainsi. Mais les critiques de mon amie, aussi sévères les trouvais-je, m’avaient fait réfléchir. Si Aïna dépérissait à Adamas, cela allait contrarier les plans de la reine, qui m’en tiendrait responsable. Sans compter la menace de Rodrygal et le reste de la société vampire, dont la curiosité pour mon épouse n’allait pas faiblir si facilement… Le mieux était d’éloigner Aïna de toutes ces tensions, et d’attendre que la situation se calme. Élisabelle avait annoncé (bien sûr, sans me demander ce que j’en pensais au préalable) qu’elle séjournerait quelque temps à Abyssombre afin de poursuivre l’éducation d’Aïna. J’en étais soulagé. Sa présence semblait rassurer la fée, et elle rendrait la tension qui existait entre moi et cette dernière plus… supportable.
J’avais donc envoyé des ordres à Abyssombre pour prévenir mes domestiques de notre prochaine arrivée. Mais la réponse que j’ai reçue dans la foulée était des plus curieuses… La lettre m’informait de la mort de l’intendant du domaine, qui aurait apparemment fini dévoré par un mégalodon rôdant près de la faille sur laquelle était bâti mon château. Que diable faisait mon intendant à se promener en dehors du domaine qu’il était censé administrer ? Je m’en moquais complètement (à vrai dire, je n’avais jamais pris la peine de retenir son nom). Cependant j’allais devoir rapidement nommer quelqu’un d’autre pour assurer la bonne conduite de ma maisonnée… et l’idée de consacrer du temps et de l’énergie à une tâche aussi insignifiante m’irritait déjà.
Alors que je réfléchissais à comment me débarrasser au plus vite de ce problème dans mon bureau, Laïus s’était annoncé en portant une tasse de thé à mon intention. Il m’avait également informé que ma femme et Élisabelle se trouvaient dans le petit salon en attendant l’heure du diner. Et c’est en envisageant le vieil esclave que j’ai compris qu’il était l’homme qu’il me fallait…
- Laïus, l’avais-je alors appelé tandis qu’il s’apprêtait à quitter la pièce.
- Monseigneur ?
- Mes félicitations. Tu viens d’être nommé intendant d’Abyssombre.
Laïus n’avait même pas tressailli en apprenant la nouvelle.
- C’est un immense honneur, Monseigneur, m’avait-il remercié en s’inclinant respectueusement.
- Je te laisse prendre contact avec le domaine pour préparer notre retour. Ah, et fais en sorte de te trouver un remplaçant ici avant notre départ… C’est-à-dire demain matin.
- Ce sera fait, Monseigneur.
Plutôt satisfait de moi pour avoir brillamment résolu ce problème en m’en déchargeant sur Laïus, je m’étais enfoncé dans mon fauteuil en ajoutant même avec bonne humeur :
- Et tâche de trouver un remplaçant qui ait au moins la moitié de tes talents, Laïus !
L’esclave s’était figé en haussant les sourcils de surprise. Intrigué par sa réaction, je me suis alors rendu compte que cela devait être la première fois que j’adressais un compliment à Laïus… ou même à un esclave tout court. Embarrassé, j’ai détourné le regard en maudissant Aïna. Ses considérations ridicules à l’égard des esclaves étaient en train de déteindre sur moi !
- Je… je ne vous décevrai pas, Monseigneur, avait alors ajouté Laïus d’un ton qui dissimulait encore mal sa surprise.
- Informe la baronne et mon épouse que le dîner sera servi dans une demi-heure, avais-je ajouté sèchement. Tu peux disposer.
Laïus m’avait laissé seul ruminer ce moment gênant. A part cet incident, le reste de la soirée s’était déroulé dans le calme, dîner compris. Élisabelle avait fait de son mieux pour faire la conversation autant à moi qu’à Aïna, sans que l’un d’entre nous ne daigne adresser la parole à l’autre. Au moins grâce à la baronne, ce dîner fut moins glacial que celui de notre Nuit de Noce… Le souper achevé, chacun s’était retiré pour la nuit, assez tôt car je souhaitais que notre départ d’Adamas demain se fasse dans les plus brefs délais.
Lorsque je me suis réveillé, Laïus avait déjà commencé à débarrasser nos bagages en prévision du départ. Alors que je descendais les étages de ma demeure en réfléchissant longuement sur la possibilité de donner Rodrygal à manger au mégalodon d’Abyssombre, je suis soudain tombé sur Aïna qui observait les serviteurs emmener nos malles et paquets dans le grand escalier principal. Je l’ai observé un instant tandis qu’elle me tournait le dos, alors que les avertissements d’Élisabelle résonnaient dans ma tête.
- Mets-y du tien et sauve ton mariage avant qu’il ne sombre !
Y mettre du mien… Cela valait le coup d’essayer. J’ai inspiré longuement, avant de m’avancer vers elle.
- Bonjour, Aïna, l’ai-je salué d’une voix chargée de sollicitude en lui offrant mon bras avec déférence pour l’aider à descendre l’escalier. Comment allez-vous ? Votre nuit s’est bien déroulée ? Rien n’est venu troubler votre sommeil ?
Mon épouse sursauta, puis son regard passa de mon bras offert à mon visage, avec un mélange de méfiance et d’incrédulité.
« Tu en fais trop, imbécile », me suis-je reproché, dégoûté par ma propre faiblesse.
Aïna secoua vivement la tête, comme pour s’éclaircir les idées.
- Je vous retourne la question, me répondit-elle sur un ton sec, comme si je l’avais insultée. Vous n’êtes pas dans votre état normal, aujourd’hui…
« Petite peste… » ai-je grommelé intérieurement.
- Tss ! me suis-je contenté de répondre en détournant la tête pour contenir mon indignation. J’essaie de faire des efforts, parce que je me suis rendu compte que…
… « Que vous n’allez pas bien et que je m’inquiète pour votre santé ? ». Le simple fait que ces mots m’aient traversé l’esprit me fit grincer les dents d’embarras. De quoi aurais-je l’air si je disait ça à ma propre femme ?
- Que… ? me demanda Aïna avec curiosité en se penchant vers moi.
Hors de question de passer pour un faible. J’ai poussé un soupir agacé avant de me résoudre à lui faire face pour lui répondre :
- Nous n’avons pas le temps d’avoir ce genre de conversations maintenant. Nous avons un long chemin à faire.
J’attendais toujours le bras tendu qu’elle veuille bien s’accrocher à moi pour descendre ensemble les marches. Malgré cette altercation un peu sèche, Aïna semblait plus intriguée qu’effrayée par mon changement d’humeur… Lentement, elle approcha son bras du mien. Un sourire triomphant étira mes lèvres. Elle était décidément bien plus mignonne quand elle se montrait conciliante…
- Je ne l’avais encore jamais vu sourire de la sorte… Je n’ose penser à ce qui arriverait si Sa Majesté l’apprenait…
J’ai tressaillis, mes yeux se tournant immédiatement vers la servante qui venait de chuchoter cette remarque dans l’oreille de sa collègue en passant près de nous. Un instant furieux (non mais pour qui se prenait cette esclave à faire une réflexion pareille sur son maître ?), j’ai éprouvé un moment de panique à l’idée qu’Aïna ait entendu cette réflexion. Heureusement la servante avait eu la présence d’esprit de murmurer sa remarque, et si j’étais en tant que nosferatu doté d’une acuité auditive très aiguisée, il y avait de grande chance qu’Aïna n’ait pas…
L’expression offensée de son visage me détrompa tout de suite. Elle éloigna brusquement son bras de moi, comme si je l’avais piqué.
- Je comprend enfin ! déclara-t-elle d’une voix où se disputait l’indignation et le mépris, avec semblait-il une pointe de… déception ? Vous vous êtes rendu compte qu’il serait plus facile de me plier à la volonté de votre souveraine en m’amadouant, c’est ça ?
« Vous ne comprenez rien du tout, au contraire ! » ai-je hurlé dans ma tête, exaspéré.
J’ai fait un geste conciliant dans sa direction, mais elle s’évada de nouveau.
- Je n’ai pas besoin de votre aide pour descendre cet escalier ! me jeta-t-elle avant de descendre les marches toute seule d’un pas vif en remontant les pans de sa robe.
Sidéré par ce qu’il venait de se passer, j’ai tourné un regard assassin vers la servante insolente qui s’était arrêtée avec sa camarade pour observer la scène d’un air surpris. Nos regard se croisèrent et la servante se figea de terreur, incapable de détourner les yeux.
« Toi… Je vais te donner en pâture au mégalodon… UN MORCEAU APRÈS L’AUTRE ! » me suis-je promis en réprimant tant bien que mal un rugissement de colère.
- Judith ? appela soudain mon épouse en bas de l’escalier derrière moi. Peux-tu me dire où se trouve la baronne de Véresbaba ? Il me semble qu’elle devait nous accompagner à Abyssombre…
Sa voix me fit l’effet d’une douche froide, tandis qu’elle parut redonner vie à la servante insolente. Cette dernière trouva la force de s’arracher à mon regard meurtrier et de s’incliner vers Aïna avec respect.
- Tout à fait, Madame, confirma-t-elle. Elle est déjà installée dans l’automobilis.
- Merci, lui dit Aïna avec un petit sourire avant de se diriger vers l’extérieur.
J’ai suivi mon épouse jusqu’à ce qu’elle disparaisse de mon champ de vision, puis j’ai retourné la tête vers la servante, avant de m’apercevoir qu’elle et sa collègue avaient disparu. J’aurais pu (et j’en avais très envie) la retrouver en un éclair pour la corriger comme elle le méritait… Mais je n’avais pas manqué de remarquer qu’Aïna connaissait son nom. Et si je ne me trompais pas, ce n’était pas la première fois qu’elle le mentionnait… Ce qui ne voulait dire qu’une chose : Aïna connaissait et semblait apprécier cette « Judi »… ou je ne sais quoi.
Si je la tuais ou lui infligeais la correction qu’elle méritait, ma femme ne manquerait pas de s’en apercevoir, et cela risquait de ne pas arranger ses sentiments à mon égard… Alors aussi irritant que cela puisse être, le mégalodon allait devoir attendre encore un peu avant de goûter à sa chair. Mais si je la reprenais en faute… cette servilis n’y échapperait pas.
N’ayant plus rien à faire ici, j’ai décidé de quitter la demeure à mon tour. Quand je suis arrivé dehors, Aïna s’apprêtait à monter dans l’automobilis où était déjà installée Élisabelle. Désireux de faire bonne impression, je me suis précipité pour lui tendre la main et l’aider à grimper dans le véhicule avec une galanterie irréprochable. Ma femme jeta un coup d’œil surpris à ma main, puis croisa mon regard. Elle détourna prestement la tête avec un air offusqué et me lanca d’un ton sec :
- Je peux aussi monter seule ! J’avais l’habitude de grimper à des arbres géants, sur mon île.
Je n’ai pu retenir un soupir exaspéré. Je n’avais rien dit ou fait qui puisse l’irriter, et pourtant voilà qu’elle me tournait une nouvelle fois le dos… c’était comme si Aïna me reprochait le commentaire de cette stupide servante ! Toutefois je me suis quand même intimé à faire preuve de patience en me souvenant de l’avertissement d’Élisabelle, laquelle justement venait de me jeter un regard perçant.
Je suis rentré à mon tour dans l’automobilis tandis qu’Aïna engageait une conversation détendue avec mon amie. Je les ai observé un instant, intrigué. Elles n’ont passé qu’une journée ensemble, et les voilà devenues les meilleures amies du monde ! Comment diable faisait Élisabelle pour se lier aussi facilement avec elle ?
Le conducteur du véhicule attendait toujours mes instructions.
- Emmène-nous à la gare, lui ai-je ordonné, et il démarra prestement l’automobilis qui se mit à prendre de l’altitude.
- Qu’est-ce qu’une gare ? demanda soudain Aïna à Élisabelle.
Cette dernière allait lui répondre, quand elle me jeta un coup d’œil furtif.
- Pourquoi ne poses-tu pas la question à ton mari ? lança-t-elle alors à Aïna avec un petit sourire encourageant. C’est lui qui l’a évoquée, il me semble…
- Pourquoi devrais-je lui poser la question quand je peux te la poser à toi ? répliqua Aïna en évitant délibérément mon regard.
- Aïna… la reprit Élisabelle avec un rire indulgent (trop indulgent à mon goût…). Comment veux-tu que les choses s'arrangent si tu ne fais aucun effort ? Il ne va pas te mordre parce que tu lui demandes des explications sur les choses que tu ne connais pas. Je pense même au contraire que ça lui ferait plaisir que tu engages la conversation avec lui. . .
- Il l'a fuie à l'instant. . . rétorqua-t-elle en faisant gonfler sa joue d’un air boudeur.
« Menteuse ! » ne puis-je m’empêcher de gronder intérieurement devant la mimique hypocrite (mais assez adorable, je devais admettre) de la fée. C’est elle qui m’avait laissé en plan alors que je lui proposais galamment mon bras ! Et voilà qu’encore une fois, elle me faisait passer pour le méchant de l’histoire !
- Fais-moi confiance, ma fille, insista Élisabelle d’une voix douce.
Aïna poussa alors un long soupir résigné et se pencha vers moi, ses yeux d’une couleur rose pâle m’envisageant toujours avec un fond de méfiance mélangée à de la curiosité.
- Qu’est-ce qu’une gare ? me demanda-t-elle.
Le ton hautain de sa question était franchement désagréable. Je me suis retenu de répliquer en lui demandant si elle savait ce qu’étaient les bonnes manières… mais je ne pouvais pas reprocher à ma sauvageonne d’épouse son manque d’éducation en la matière, compte tenu du royaume barbare d’où elle venait. En tant que noble civilisé, je me devais de lui montrer l’exemple par mon comportement irréprochable.
- C’est l’endroit où l’on prend le train, lui expliquai-je patiemment. Celle d’Adamas est la plus belle et la plus sophistiquée du monde.
- Euh… D’accord, laissa tomber Aïna, pour qui manifestement ma réponse n’avait fait qu’engendrer d’autres questions dans sa tête. Mais qu’est-ce qu’un train ?
Je l’ai observé un instant, me demandant si elle se moquait de moi. Toutefois la curiosité presque enfantine que je lisais dans son regard, et qui avait remplacé le mépris et la haine avec lesquels elle me dévisageait auparavant, était on ne peut plus innocente… Une innocence adorable qui m’arracha un imperceptible frisson, alors que mon désir pour elle grondait à nouveau en moi.
- C’est… ai-je commencé à répondre en levant les yeux en l’air pour m’arracher au regard envoûtant de la fée, inquiet à l’idée qu’elle n’y lise la sauvagerie difficilement contenue que sa proximité suscitait chez moi. C’est une longue file de compartiments métalliques reliés entre eux à la tête de laquelle se trouve une locomotive. La locomotive est en quelque sorte le moteur du train. C’est elle qui permet de faire avancer tous ses wagons.
Si je ne l’avais pas précisé, j’étais sûr qu’elle m’aurait demandé ce qu’était une locomotive. En lui jetant un coup d’œil en biais, j’ai pu constater qu’Aïna paraissait satisfaite de ma réponse, bien qu’elle ne semblait pas encore la comprendre entièrement.
- Je vois… se contenta-t-elle de commenter, perdue dans ses pensées.
Je me suis soudain rendu compte que cette conversation constituait un remarquable progrès dans notre relation : nous avions échangé pas moins de deux répliques sans la moindre remarque acerbe à l’intention de l’autre. Un record, il me semble ! Encouragé par ce succès, je l’ai relancé :
- Comment faites-vous pour vous déplacer sur… Gaïa ? me suis-je alors enquis.
Sitôt après l’avoir posé, j’ai regretté cette question. Elle me semblait trop personnelle, et Aïna y verrait probablement une énième « manipulation » de ma part pour lui soutirer ses secrets et planifier l’invasion de la terre des fées. Mais à ma grande surprise, mon épouse ne tarda pas à répondre :
- Eh bien… à pieds, en volant ou bien sur le dos de certains animaux suffisamment grands et puissants s’ils veulent bien nous transporter… ce qu’ils acceptent généralement.
Son regard perdu au loin et un bref sourire sur ses lèvres, j’ai compris qu’elle se remémorait certains souvenirs de sa vie sur Gaïa… avant son enlèvement.
- Je vois, ai-je répondu à mon tour, ma voix faisant tressaillir la fée qui se redressa brusquement avec une pointe d’embarras, comme si je venais de l’arracher à ses pensées.
Un petit silence gênant s’installe, rompu quelques secondes plus tard par le rire d’Élisabelle qui nous regarde avec amusement.
- Qu’est-ce qui te prend, encore ? ai-je grommelé.
- Vous êtes si adorables tous les deux, quand vous êtes gênés ! répondit-elle en cachant pudiquement sa bouche avec son poing, sans pour autant parvenir à étouffer ses gloussements. Hi hi hi !
- Je ne suis pas du tout gêné, rétorquai-je, me découvrant soudain une passion pour le décor d’Adamas qui défilait à travers ma fenêtre, tandis qu’Aïna détournait timidement le regard.
A suivre...
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