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Mercredi 31 octobre,15h00, commissariat du Bld. Carl-Vogt
George Bidon se trouvait dans l'une des salles du troisième étage du commissariat du boulevard Carl-Vogt. Assis à une table, il consultait une-à-une, les photos que Abdel Chentali et Nicolas Vidon avaient prise à travers tout le canton.
Les Kawasakis ER 6 noires. En tout et pour tout, trente-deux véhicules. Photographiés sous toutes les coutures. Abdel et Nicolas étaient assis en face de lui. Ce dernier buvait un café du distributeur automatique. Pas terrible, mais il n'y avait rien d'autre. La machine à capsule était tombée en panne, et personne n'avait trouvé le temps d'aller en acheter une nouvelle. Abdel, lui, buvait du ice-tea qu'il s'était procuré à l'épicerie juste à côté du commissariat. Il en avala une gorgée puis demanda à George Bidon, qui semblait très empêtré par toutes ces photos :
- Alors ! Il y en a une qui vous dit quelque chose ?
Le pauvre soupirait en hochant la tête de droite à gauche :
- Aïe aïe aïe ! Franchement, ça fait un mois que c'est arrivé...et je l'ai à peine vue cette moto. J'ai pas envie de mettre quelqu'un dans la merde, parce que j'aurais dit que ah oui, je pense que c'est celle-là !
- Écoutez ! Si c'est pas la bonne personne...le coupable donc..."E" donc ! Eh bien ça se vérifiera très rapidement ! Faut pas vous faire de soucis. On n'est pas dans un mauvais téléfilm français...
- T'as quoi contre les téléfilms français ? demanda Nicolas en jetant son gobelet vide dans la poubelle.
- Les téléfilms français, c'est nul, Nicolas.
- Encore tes clichés de pseudo-cinéphile, réagit-il.
Abdel ignora la remarque de son collègue et explique à monsieur Bidon :
- Vous ne risquez en aucun cas de crée une erreur judiciaire ! On est bien d'accord. S'il y a une moto que vous pensez, ou même plusieurs, être celle que vous avez vu le mercredi 3 octobre, il ne faut pas hésiter à nous le dire !
George Bidon se détendit un peu.
- Il vaut mieux nous donner un indice, même s'il s'avère ne pas être le bon, que de rien nous donner. Qui ne joue pas au loto, ne risque pas de gagner, c'est bien connu.
Nicolas intervint :
- Bon là ! Il gagne rien, hein. Monsieur, vous ne toucherez pas de l'argent, même si vous nous aidez à coffrer cette salope ou ce salopard de "E" ! fit Nicolas.
Les deux collègues étaient de grands consommateur de films et de séries mais n'avaient pas toujours les mêmes goûts. Nicolas était pro-français, voire pro-européens et Abdel pro-américains, pro-anglais même, voire en fait pro-mondial en terme de goûts cinématographique, mais anti-français. Mise à part quelque comédies bien senties, ce qui sortait sur les grands et petits écrans estampillé NF, norme française, ne trouvait pas souvent grâce à ses yeux. Et il affichait une certaine assurance dans ses propos, il était quelque part sûr d'avoir raison. Ce qui agaçait prodigieusement Nicolas. Abdel lisait des livres sur le cinéma, épluchait les critiques pendant des heures. Regardait des vidéos de youtubeur spécialisé dans le cinéma sur son smartphone jusque tard dans la nuit. Connaissait Hitchcock par cœur.
- Alors...ça pourrait...être...celle-là ! fit tout d'un coup monsieur Bidon en désignant une photo.
Monsieur Chentali l'avait convaincu. Il fallait quand même dire quelque chose, oser quelque chose. C'était aussi ce que lui avait dit sa femme. Abdel consulta alors la liste pour voir qui était l'heureux détenteur de cette moto. Et il sourit.
- Regarde Nicolas, c'est toi qui y avait été, non ?
Nicolas eut un petit éclat de rire involontaire :
- ...le boss va être content !
- Oh oui... !
- Je m'en occupe, Abdel.
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