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Société protectrice des animaux de Genève, refuge de Bernex-Vailly, samedi16 février 2019, 15h00
- Franchement, je ne vais pas vous le cacher, ce chien est problématique.
La dame qui s'occupait du placement des chiens de la SPA avait l'air étonnée. Le couple qui se tenait devant elle cherchait à acquérir le pire spécimen qu'ils logeaient: un bâtard de grande taille complètement imprévisible. Il avait été battu, c'était évident d'après la responsable, et il était lui-même dangereux. Il n'hésitait pas à foncer sur n'importe qui, n'importe quoi, pourvu que ça bouge. Et de le mordre! Mais le couple, malgré toutes les réserves qu'émettait la dame du chenil, semblait avoir jeté leur dévolu sur ce chien. César il s’appelait.
- Un chien comme ça, c'est du boulot ! Je peux vous le garantir. Une famille avec des petits enfants, ce serait niet de ma part ! avertit encore la dame.
- Nous n'avons pas de petits enfants, fit la femme. C'est un défi qui nous interpelle. Nous adorons les chiens, et redonner une seconde chance à un animal qui a souffert est quelque chose qui nous interpelle, mon mari et moi.
La dame de la SPA regardait son interlocutrice. Elle portait des lunettes de soleil, un bonnet péruvien, que l'on voit rarement ici, et elle recouvrait sa bouche de son écharpe. Il faisait plutôt froid, certes, mais tout de même. Sans doute voulait-elle cacher quelque stigmates honteux, pensa-t-elle. Son mari se tenait légèrement en retrait. Avec le même accoutrement. Lunettes de soleil, bonnet et écharpe devant ses lèvres.
Et la femme au bonnet péruvien n'en démordait pas. César, elle le voulait.
La responsable sortit alors les feuilles et documents à remplir pour l'acquisition de l 'animal. Tout fut inscrit en double exemplaire. Nom et adresse de l'acquéreur. Numéro de téléphone. César fut évidemment pucé, ce qui était obligatoire. Avec une petite seringue le tout petit élément électronique fut introduit sous la peau, dans la nuque de l'animal.
César ne broncha pas.
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