Capitaine Odier
de
Salvard

- Aimez-vous les courses hippiques ? lui demande-t-il.
- Il m'arrive oui, parfois, de me rendre aux champs de courses. Répond-elle étonnée.
- Bien, bien. Souligne-t-il aussitôt.
Elle décèle alors chez cet homme quelque chose de félin, quelque chose à la fois attractif et repoussant. Ce n'est pas vraiment de la peur, mais davantage une crainte qu'elle ressent. La crainte qu'un piège ne se referme, la crainte que ses mots ne soient mal interprétés. Alors qu'il balaye la salle de ses yeux noirs intenses, elle le juge dans son entier et sent en elle, comme un grand frisson. Rompu aux affaires de guerre, aux ordres et aux commandements, Gervais Odier est un homme qui a une carrure, et bien des histoires à raconter. Elle observe ses mains blanches totalement en contradiction avec son corps large et brut, jouer avec l'étui à cigarettes et se demande comment cela est possible une telle opposition en une même personne.
- Pourquoi cet intérêt soudain pour les courses ? L'interroge-t-elle alors qu'il se tourne vers elle.
- Vous semblez vous ennuyer dans ce salon doré, avec toutes ces dames agréables je vous le concède mais si tristes ! Lui adresse-t-il tout naturellement la laissant sans voix.
- Vraiment ? Fait-elle vacillante.
- Je vous l'assure, vous n'allez pas avec le décor. Ajoute-t-il allumant une cigarette.
Incontinent, elle balaye à son tour la salle, où s'entrecroisent des hommes et des femmes de tous âges et dont beaucoup, ont le visage figé, et réalise combien il a raison.
- Je devine en vous, une battante, une téméraire, une audacieuse. Continue-t-il tirant sur sa cigarette.
- Et pourquoi donc ? Le questionne-t-elle un peu vexée d'avoir été mise à jour sans être prévenue.
- Votre allure, la distance que vous mettez entre eux et vous, le détachement que vous avez pour ce qui se passe ici. Déclare-t-il avec une assurance déroutante.
Interdite, elle le regarde et se dit que Charles lui a présenté un bien curieux ami.
- Vous vous méprenez je crois. Fait-elle regardant si Charles parti présenter ses hommages à une vieille connaissance, ne revient pas.
- Allons, allons, vous vous mentez ! Lui dit-il un petit sourire aux lèvres. -Accompagnez-moi demain à Longchamp et nous verrons bien qui de nous deux fait erreur. Reprend-il saisissant un verre sur le plateau du serveur qui passe à leur hauteur.
- Je ne sais que vous dire ! Llâche-t-elle entièrement destituée.
- Oui, tout simplement. Riposte-t-il.
Les yeux toujours fixés vers le fond de la salle où Charles a disparu il y a plus de vingt minutes, elle se représente soudain le capitaine Odier dans quelques contrées sauvages, criant ses instructions à des hommes en sueur, accablés de fatigue mais cependant animés par une inexplicable mobilité, ou bien organisant un camp de fortune pour une nuit ou pour quelques heures sous un ciel moite. Le frisson qui l'étreignait quelques minutes avant la saisit à nouveau et Charles lui semble tout à coup pâle et fade. - Quel homme étrange que celui-là ! se dit-elle sentant sur elle son regard.
- Parlons-en à Charles dès qu'il nous rejoindra. Répond-elle enfin.
- Je crois bien que nous sommes seuls. Les affaires, ces maudites affaires, ont englouti Charles pour la soirée, ou peut-être même pour la nuit qu'en dites-vous ?
Elle n'en dit rien et constate avec effroi qu'une fois de plus il a vu juste.
- Venez ma chère, dansons, autrement, vous allez penser que je suis un goujat et un bien piètre amuseur. Lui adresse-t-il lui prenant la main pour l'entraîner dans un "slow fox" pour le moins inattendu.
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Capitaine Odier | Chapitre | 3 messages | 2 mois |
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