Chapitre 2 : “Jungle Boogie” - Kool & The Gang

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Dans le bus de la ligne 33 en direction de Venice, il faisait une chaleur d’enfer. Une vague odeur de transpiration flottait dans l’air vicié. A cette heure, les occupants, compressés comme des saucisses de Francfort dans une boîte de conserve, revenaient, pour la plupart, du boulot. D’autres allaient faire leur courses ou faisaient simplement le trajet pour se rendre à Venice Beach. Un éventail virevoltant dans un bruit d’aile prodiguait un peu d’air moite à une grosse dame qui le manipulait avec habileté, tandis qu’une mère de famille, épuisée, avait les yeux rivés sur son téléphone portable, ne remarquant pas que son rejeton léchait la vitre du véhicule. Dans le fond du bus, un vieillard observait un jeune blanc-bec draguer très lourdement une pauvre jeune fille, qui n’avait rien demandé. Le bonhomme en question devait faire un bon mètre 80, et sa musculature semblait être le seul atout qu’il mettait en avant pour espérer obtenir les faveurs de la gente féminine. Enfin, quand on parle de musculature, cela concernait surtout le haut du corps. En regardant ses quilles, ressemblant plus à des pattes de grenouilles qu’à de fiers piliers virils, l’ancêtre se dit qu’il devait beaucoup zapper les legs days.

Le vieil homme, les cheveux plaqués en arrière, avait chaud à en crever dans sa chemise hawaïenne défraîchie. Il se disait qu’il boirait bien un Gin Tonic. Il détestait prendre le bus. Et dire que Gwendoline - sa Dodge Charger de 1968 - l’attendait dans son garage. Il allait devoir encore patienter deux semaines avant de récupérer son permis. Tout ça pour une malheureuse affaire d’excès de vitesse.

Il continuait de toiser le jeune homme, qui commençait à devenir vraiment pénible. La jeune fille regardait autour d’elle, espérant que quelqu’un intervienne et la libère de cette situation gênante. “Vince, se dit le vieillard, ne t’en mêle pas. Ça va encore mal finir…”. Mais c’était trop tard, car il était déjà debout et les mots “Hey, Dugland !” sortaient de sa bouche presque contre sa volonté. Pattes De Grenouille s’est alors mis à le regarder, pas très content du sobriquet que le vieux croulant venait de lui lancer. Le temps qu’il réfléchisse à ce qu’il pouvait bien répondre, la jeune fille s’éclipsa et descendit du bus. Et cela le rendit très, très mécontent. Il s’approcha de la momie en chemise hawaïenne et une forte odeur d’eau de cologne vint lui chatouiller les narines. Vieux ou pas, il allait passer un sale quart d’heure.

- T’es content, papy ? s'énerva-t-il. Ça t'amuse de ruiner mes chances avec une jolie poulette ?

- Je t’ai rendu service, abruti ! lança le vieillard. Tu étais en train de te ridiculiser ! Tu n’avais aucune chance avec une fille de sa classe !

Le jeune regarda autour de lui. C’en était trop ! Se faire chambrer comme ça, devant tout le monde, par ce vieux débris ! Même la grosse dame pouffait dans son éventail. Une colère indescriptible lui monta à la gorge. Il serra le poing et se prépara à mettre une bonne droite au vieillard.

Avec une rapidité et une force déconcertantes, le papy saisit le poing du jeune caïd au vol et lui décocha un coup de boule magistral. Musclor, sous le choc, s’écroula mollement sur le sol, inanimé. “Merde”, chuchota le vieil homme. Il saisit le jeune par son t-shirt et le souleva pour l'asseoir sur le siège, laissé libre par la jeune fille. Il lui tapota la joue et sonna l’arrêt du bus. Quand il descendit, les occupants du bus l’applaudissaient. Le bus repartit et Vince leva les yeux vers les immeubles. “Et merde, maugréa-t-il. Je me suis trompé d’arrêt…”.

Une bonne heure plus tard, il arriva enfin sur le pas de sa vieille maison, située à Venice Canals. Il était épuisé. Il chercha sa clé dans sa poche en observant distraitement le loft de son voisin d’en face, le rosbif espagnol… Comment s’appelait-il, déjà ? Mike ? Jack ? Ah, oui : Jake. Il se dit qu’il avait l’air plutôt sympa. Pas comme cet abruti de Ross Kasinski, son voisin d’à côté, qui n’arrêtait pas de se mêler de ce qui ne le regardait pas. Il le remarqua d’ailleurs, en train de l’observer derrière ses stores fermés. Cet abruti ne semblait pas se douter une seconde qu’on voyait sa grosse bedaine plier les lames des persiennes. Vince lui présenta son majeur dressé et entra enfin chez lui.

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